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Mon fils

Mon fils

C'est ma façon de le voir, de l'aimer, de souffir avec lui...
 
Je savais déjà que mon fils avait un don et des connaissances pour écrire bien. Pourtant, je viens de découvrir un vrai poète. Les balades chantées, les poèmes font mieux passer les idées, les révoltes, ou les sentiments que n'importe quel discours.
"Je suis un grain de poussière qui a vu San francisco à 11 ans et qui a exploré une grotte à 19 ans. Ensuite le cancer m'a emmené dans un lit d'hôpital à 20 ans. Grâce à mes parents, j'ai suivi des études jusqu'à 25 ans mais j'ai quand même terminé dans le bâtiment. Alors le grain de poussière s'est mis à rebondir et j'ai créé mon entreprise à 30 ans. Le minuscule et ridicule grain commence à être usé à 34 ans mais avec le vent de dehors, il bouge encore. ( Auguinou ) Il a découvert Paris en 89 avec son père qui accompagnait des élèves
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 - Tu es toujours gentille dans tes messages
 - Peut-être parce que je n'ai jamais eu l'intention d'être autrement que gentille...
Pourquoi mon fils est-il toujours sur la défensive ?

 
Oui, une maman ne connait pas tout de ses enfants. Je le sais, c'est normal. Chacun de nous est complexe et par conséquent riche. Un récit correspond à une interprétation et une interprétation est toujours une déformation. Mais les enfants déforment aussi les paroles de leurs parents et ont parfois tendance à se croire brimés.
Ce que vous voyez, ce que vous dites, n'est pas perçu de la même façon par chacun. Il faudrait plus de prudence dans notre façon d'interpréter les paroles, d'y répondre.
Ces pages ne doivent pas vous faire mal.
Je les ai écrites avec tour à tour, la lucidité de l'âge, l'amour d'une mère, la souffrance de certains moments passagers, de certaines de vos interprétations, et en fond, la joie profonde d'être la mère de tels enfants. Une inquiétude n'a jamais été un jugement. c'est vrai que j'ai souvent été inquiète. Écrire est mon exutoireMais je reconnais ma maladresse parfois. J'accepte vos reproches, s'ils sont légitimes  car lorsque j'écris, je n'arrive pas toujours à me mettre à la place de celui qui va lire. Lorsqu'on écrit, je le répète, on traduit justement une pensée évanescente et la contrepartie, c'est qu'on la fixe...

Pour notre fils, nous savons tous qu'il a de la valeur, nous l'aimons tous  malgré ses hauts et ses bas et surtout à cause d'eux, et, si les débuts et la vie de son entreprise ont été difficiles, l'avenir pourrait être positif.
Mais je sais que j'ai surtout de l'ambition, j'ai toujours eu énormément d'ambition...

Avec ses yeux d’un marron presque noir et son teint mat, notre fils est plus proche, je veux dire par la ressemblance, par les traits de son visage, de sa sœur aînée que de la seconde. A un moment de leur enfance ils avaient le même profil.

Quand je me sentais vivant

Quand je me sentais vivant
Je souriais vraiment
Quand je me sentais vivant
Je me sentais enfant
Quand j’étais enfant
Je riais vraiment
Je crois que je riais
Vraiment sans imaginer
Qu’un jour je pleurerai
En regardant la lune briller

Quand j’étais enfant
Je me sentais si fort
Je courrais partout
Sans aucune fatigue
Je respirais l’air
Sans jamais en manquer
Et sans imaginer
Qu’un jour tout cela pourrait changer.


GV

Très beau poème sur l'enfance, l'insouciance.

Mon fils lorsqu'il était enfant; aimait déjà la nature, les plantes, les animaux, au point de sauver ou d'essayer de sauver des sauterelles blessées, de donner du lait à des bébés hérissons, abandonnés. Ma mère avait gardé tout l'hiver, sur une plante, une sauterelle blessée qu'il avait minutieusement attrapée pour justement essayer de la sauver.

J’aime le blé qui bouge avec le vent
J’aime les lumières des noyeraies
J’admire les arbres qui sont très grands
Je suis sensible au silence des forêts,

Au joli vert qui filtre le soleil.
J’aime faire des pas dans le sous-bois,
Entendre le bourdonnement des abeilles,
Voir un cerf passer avec ses grands bois.

Je me souviens qu'il lui arrivait de rester devant son immense planisphère, accroché dans sa chambre. Revoyait-il les voyages que nous avions faits ?  En liant les noms de lieux, se demandait-il à quoi ils pouvaient ressembler ce jour-là ?

Il a aussi un caractère très droit, il est affectueux, je pense, sans le montrer. Il sait pardonner ( difficilement comme son père ??? ) et je ne le crois pas trop jaloux. Par certains côtés la maturité de l'enfant nourrie de réflexions qui sortaient des clichés était étonnante. Par d’autres l'adolescent ou même le jeune adulte semblait encore un enfant lorsqu’il jouait à la balle avec la chienne ou lorsqu’il rêvait.
On dit parfois que l’action n’est pas la sœur du rêve. Ce n’est pas du tout le cas pour notre fils. Il avait un esprit enclin à la rêverie. Mais il est capable tour à tour de rêver pendant des heures et de s’attaquer à un travail quasi surhumain lorsqu’il creuse le passage vers sa grotte ou lorsqu’il plante des arbres qui nécessitent un trou très profond ou encore dans le choix de son métier...
Il aimait se retrouver dans les vrais nuages au sommet des montagnes, dans le brouillard ou la neige... souvenirs qu'il emprisonne aujourd'hui dans quelques formules poétiques.
Le rêve

    Le rêve, c’est quand je m’en vais
Plus loin que la réalité
Dans un monde aux contours fragiles
Un monde de rêve et d’argile

Je suis ce rêve qui m’entraîne
Plus loin que tout ce qui me peine
Plus loin que le jardin d’Eden
Et plus loin que les mots de haine

Le rêve, c’est quand je m’en vais
Plus loin que la réalité
Dans un monde libre et construit
Où je flotte au-delà du bruit

Ce monde est construit par ma loi
Plus libre que toutes ces voix
C’est un monde où je peux crier
Le rêve qu’on ne peut plier

Le rêve, c’est quand je m’en vais
Plus loin que ma réalité
Dans la souplesse imaginée
Dans la douceur où je suis née.



     Touchant et touchée...

Si tu es touchée c'est que tu es rentrée dans mon rêve.
Merci.

 

En grandissant, notre fils se révéla être un garçon tout de même observateur, fier et obstiné, doué d'un certain penchant romantique... Tout caractère riche est difficile à cerner ! Le jeu des dames : il était très fort à ce jeu comme dans tous ceux auxquels il se donne... Il jouait comme ses camarades aux billes  ( quand notre fils jouait à quelque chose il devenait tout de suite expert ! ), aux voitures ( de longues files traversaient notre séjour ! ), mais très vite il se laissa émouvoir par les bourgeons de chaque printemps, les corolles épanouies en été, l'or automnal, la mélancolique grisaille de l'hiver et surtout par les arbres géants et les animaux.  En toute saison il partait marcher dans les bois. L'odeur de l'herbe, des arbres, des foins, le vent léger, la rêverie, l'ont toujours ramené automatiquement, par la pensée, vers son village. A intervalles réguliers, ses passions le reprennent : l'envie de faire quelques pas dans les bois, de surveiller la pousse des arbres, d'apprécier le grand air, la nature de son Causse qui lui est chère.  La beauté de la nature contribue, lorsqu’elle est perçue, à révéler nos sensations les plus profondes, des parcelles de notre personnalité.

- La pluie est toujours là, la température va encore chuter. Guillaume a passé deux week ends à planter des arbres et il n'a pas fini. Il risque de geler. Enfin j'espère que non, car il aurait travaillé pour rien. Il essaie de refaire le bois qu'un voisin lui a coupé. Il voudrait le revoir boisé assez vite.
 
Au cours de promenades aux environs de la maison, mon fils enfant était comme émerveillé par ces secrets sous les buissons, les haies, il en a inconsciemment humé les parfums, découvert les beautés. Les joies obscures qu’il éprouvait dans la solitude, en voyage, dans ses moments de rêve comme face à un désert aride ou à un paisible et grandiose coucher de soleil, il savait les transmettre à la fois de façon scientifique et poétique. Le souvenir, le rêve, fixaient pour lui seul de tels moments. Adolescent, il était tour à tour adorable ou rebelle; il me semble que c'est lui qui m’a appris à mieux aimer la campagne au coucher du soleil, la solitude, le calme et l’impression d’étendue. Enfin tout cela faisait que bien qu'élève brillant jusqu'au collège... il travaillait peu intellectuellement, sinon pour son plaisir personnel car il lisait avec passion " sciences et vie ", des livres sur les arbres du monde ... Souvent mon fils, me dit: "Je ne regretterai jamais mon enfance... " et cette remarque me fait chaud au cœur. Peu importent désormais les différents... Je le crois du moins. Les adolescents font des expériences, ils cherchent leur identité. Ils veulent choquer leurs parents, c'est une manière d'exprimer leur individualité.

 
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C'est dans un trou de verdure où chantaient les oiseaux, où le soleil, de notre colline intime luisait mouchetant les buissons et les ronces d'une mousse de rayons... que nous avons ensemble révisé son programme du bac et qu'il a après cette quinzaine studieuse, dans la nature, honorablement réussi son examen .

Entends-tu le silence ?

Entends-tu le silence de la nuit ?
La fraîcheur du soir nous fait frissonner
Cette caresse froide qui sans bruit
Viens frôler nos épaules abandonnées

Le pâle soleil vient de se cacher
Derrière le bois de chênes rabougris
Mon village est là dans cette vallée
Seul lieu où tout est beau quand tout est gris.

J’ai le cœur qui bat si fort avec vous
Gignac fait de souvenirs les plus fous
C’est mon enfance, c’est mon territoire
Les souvenirs des plus belles victoires.

Les jeux dans les bois, les fleurs et la mousse
L’eau de la piscine qui m’éclabousse
Une vie d’efforts dans le réconfort
Accompagnée de multiples trésors.

Mais maintenant la nuit vient de tomber
Doucement se dépose la rosée
Comme chaque fois autour de mes bois
Quand j’étais petit prince et petit roi.
Auguinou ( jepoeme )

Beau recueil chaleureux fait de souvenirs, de descriptions évocatrices et de sentiments qui font plaisir. L'ombre de la nuit qui vient de tomber est-elle riche de symboles ? Riche comme le silence ?...( de la part de quelqu'un qui a su écrire un livre sur le silence!). Pour tes bois, pour tes parents... je suppose que tu seras toujours prince et roi.

- Je ne savais pas que tu avais écrit sur le silence.
- C'était mon mémoire pour la " maîtrise "
 
- C’est un petit garçon qui rêve en classe. Alors que la voix du professeur est monotone et que ses camarades font du bruit, lui, dans sa tête, s’évade. Il rêve de retourner dans la maison calme au milieu des bois. Il aimerait finalement ne jamais la quitter. Mais il est forcé d’être présent dans cette école. Ainsi, il rêvera pendant des années mais qu’a-t-il appris ? Il se souviendra sans doute des équations, de l’ADN qui compose nos cellules, de Napoléon pendant le cours d’histoire, surtout de sa géographie ( liée aux rêves d'évasion )... Mais il se souviendra surtout de ses propres rêves, ceux qui l’ont transporté dans d’autres dimensions moins cloisonnées, vers une intelligence libre qui n’aura jamais été formatée. Et pourtant devenu adulte il a prouvé sa culture dans pas mal de domaines.

- Je m'intéresse au climat... m'a-t-il souvent dit.

- Mon fils s'intéresse donc beaucoup à la météo et aux changements climatiques. Il consulte toujours les sites météo, les livres sur l'évolution des climats; tout petit il faisait des courbes et c'est lui qui a rempli la partie climat dans le site de notre région...

Il est sans le vouloir, sans le savoir vraiment, un révolté. Révolté par tout : par la pauvreté, la politique et la pollution, par les patrons et les professeurs, par nous et notre éducation, même si nous avons fait de notre mieux... C'est aussi un caractère complexe façonné de paresse et de courage, d'intellectuel et de manuel que sa richesse intérieure, sa maladie ( cancer à 20 ans ), son blocage envers nous parfois... font errer encore à la recherche de lui-même. Et il n'accepte aucune aide... Il a un caractère fier et des capacités à revendre ...

D’où vient alors exactement l’angoisse qui m'a torturée chaque fois que notre fils s’est abandonné à ses rêves? Un de ses maîtres l'avait souligné ? Oui j'ai perdu pied à un certain moment.
Mon esprit avait passé son temps à bâtir des rêves pour mes enfantsi. Et il aurait été capable de renverser des montagnes. Mais encore fallait-il l'orienter plus tôt vers ses tendances naturelles ? Son indépendance, ses rêves le poussaient à faire le contraire de nos projets, qu'il semblait pourtant accepter en apparence. Manque-t-il d'ambition ? Il affirme que non. Est-il trop modeste ?
Sa révolte contre le sort, la maladie... le pousse à affirmer des idées qui sortent de notre pensée familiale tranquille ( et non fermée sur elle-même comme il le croit); mais comment s'insérer dans la société avec des idées parfois opposées au commun de nos familles ?
La révolte après sa maladie le pousse tantôt à affirmer qu’il ne se mariera pas, tantôt à rêver d'un foyer.
La révolte après sa maladie le pousse tantôt à affirmer qu’il ne passera que certains modules, tantôt à me demander de l'aide et des conseils qu'il ne suivra pas.
Est-ce par déprime ? Est-ce pour analyser notre propre attitude ? Pour que les résultats réels me paraissent toujours meilleurs, s’il ne m’a laissé que peu d’espoirs?


Aujourd'hui, Guillaume affirme qu'il a de l'ambition et c'est tant mieux.  Nous ne connaissons jamais entièrement nos enfants. Mais dans les années 2000, il y a eu ce cancer, dont le choc nous poursuit et qui l'a happé à 20 ans !!!

Les malheurs, les fléaux ne sont pas à la mesure de l’homme. L’homme  ne réagit pas d’abord, puis il s’étonne ou lutte ou se révolte, paraît abattu. Parfois il a la chance ou la capacité d’oublier. Mais mon fils jure et se jure que jamais il n’oubliera, que jamais, jamais, il ne pourra penser à ses 20 ans sans penser à sa maladie si soudaine, si injuste, si cruelle...

Notre fils était de plus en plus malade; malade dans son corps, dans sa façon de voir la vie; c’est horrible pour un jeune de son âge; au début, Il avait besoin de se confier, maintenant, il est trop assommé. Il supporte de plus en plus difficilement ses cycles de chimiothérapie. Les vomissements, les nausées se multiplient.
 Aujourd'hui, il m’inquiète, il est encore si pâle.
  

 Maintenant il paraît complètement déprimé. Si au début de sa maladie, il éprouvait le besoin de parler, d’analyser la situation, il semble désormais résigné, amorphe même. On dirait qu’il attend seulement que le temps passe. Comment savoir ce qui se passe en lui ? Je ne sais plus quoi faire pour renouer un dialogue avec lui, pour communiquer. Il a gardé son sourire cependant, plus rare, mais il est encore là…. Mais que cache celui-ci ? La plus dure semaine de sa chimiothérapie arrive, celle du cisplatine.

C'est au cours de cette période qu'il a commencé à s'opposer encore plus ouvertement à nous et surtout à moi.

Il a été malade plus de quatre ans. Même après la chimio, la maladie collait encore à son esprit assommé. Il voyait ses copains quitter la fac, leurs études terminées, alors qu'il était bloqué par cette maladie, révolté par elle, déçu par la vie et c'est alors qu'il a vraiment montré qu'il n'avait plus aucune envie d'aller de l'avant sans une lueur positive, sans une lueur d'espoir. Même lorsque ses traitements ont été finis, il a eu du mal à se remettre psychologiquement. C'est ainsi que j'ai personnellement interprété ses réactions.


En tant qu'étudiant et après cette maladie, nous avons eu tendance à ne pas le laisser entièrement seul pour prendre ses responsabilités. J'espérais retrouver le garçon rêveur mais courageux et volontaire parfois. Mais il avait changé. Cette blessure ne cicatrisait pas. Il prenait malgré l'apparence sa propre liberté intérieure qui se métamorphosait de plus en plus selon moi en révolte, non plus contre le sort, la maladie, mais contre nous. A partir de cette période le jeune peut à la fois aimer et détester ses parents. Si les parents avaient des aspirations différentes et même s'ils ne lui font aucun reproche, le jeune va construire lui-même sa propre image, telle que selon lui les parents le voient. Il va osciller entre la haine de lui-même et celle pour ses parents, entre son amour propre et l'amour pour ses parents. Ce déchirement peut à la fois être un handicap ou l'aider à se construire. Moi, il m'a désemparé :" Viens m'aider à étudier disait-il ". Quand j'arrivais : " je n'ai plus envie " !

Je pensais parfois que mon fils cherchait à me faire souffrir. Parfois il me demandait ainsi son aide, parfois il me reprochait de l’aider. Il acceptait difficilement les contradictions. Lorsque je lui ai trouvé un stage chez un pépiniériste, je pensais lui faire plaisir. Et il m’a mis mal à l’aise d’avoir fait appel à une amie, pour lui trouver ce stage, car lui-même refusait de téléphoner. Peut-être par  timidité, peut-être qu’il pensait que je n’avais qu’à m’occuper de ce coup de téléphone puisque j’avais engagé l’idée ... Sa timidité l'a longtemps bloqué ainsi qu'une forme de déprime, après sa longue maladie.
Enfin, il a fini par accepter ce travail temporaire; mais le résultat fut un échec. Au lieu de le rapprocher de la nature, cet essai n'avait été qu'une semaine d'efforts physiques pour déplacer d'énormes pots sous les ordres d'un chef. Je ne pouvais pas savoir. Mais toute aide de ma part le révoltait et ses révoltes au lieu de me conduire à le laisser prendre ses responsabilités me désorientaient et me poussaient à vouloir l'aider plus encore.
Il agissait d'une façon un peu semblable pour ses examens, il s’y prenait toujours au dernier moment.
Est-il toujours à la fois ardent, volontaire et soudain tourmenté ou déprimé ? J’espère que non. Je suis persuadée qu’un jour il va se découvrir et s’assumer lui qui avait du mal à s'adapter à toute nouvelle vie.

Après sa maladie il a eu de terribles accès de révolte...  Et il ne disait pas vraiment ses problèmes. Les ressentait-il avec précision ? Un jeune homme va rarement trouver ses parents pour leur dire qu'il est déprimé.  Et même des parents attentifs, ne devraient plus à cet âge-là donner de conseils. Je n'arrivais pas à l'abandonner. Je ne savais plus comment le prendre. Je luttais pour garder un visage neutre. Il a même un jour vidé sa chambre, monté les meubles au grenier et cassé la pierre gravée à son nom qui lui avait été offerte pour mettre devant sa grotte. Plus que de la colère, c'était un rejet de nous, de sa vie, voire de lui-même.


Aujourd’hui l’étape du tour de France a été gagnée par Lance Armstrong qui a subi la même opération que lui. Cela devrait l’encourager.

Ce soir sa sœur aînée, son beau-frère et leur petite fille viennent. Le sourire du convalescent en rémission s’est épanoui. Comme je le guette ce sourire de plus en plus rare !

Notre fils n'a pas eu sa licence, mais seulement la moitié. Il n'avait pas assez travaillé, trop fatigué encore par la maladie, trop découragé par la vie. Il ne supportait pas non plus l'idée de démarrer un métier à Paris et d'y rester peut-être dix ans. Dommage car il avait réussi les concours de tous les IUFM présentés (5). Pourtant ce sont des concours difficiles. Il est toujours étonné lorsqu'il réussit... alors que, malgré son peu d'acharnement sur les livres, mais compte tenu de ses capacités, cela ne nous étonne jamais. Il a eu ainsi un bac " s ", bac difficile, en étudiant un mois maximum !!! et un très difficile DEUG de biologie, très difficile par la somme de connaissances à acquérir pour quelqu'un qui a du mal à plonger sa tête dans les livres.

De désarroi ? Par brusque décision ? Parce qu'il n'avait pas sa licence complète ? Sur l'encouragement de sa future épouse ? Il a passé l'été comme manœuvre- couvreur sur un chantier. Il a été pris tout de suite dans une assez grande entreprise. Le patron et lui mangent ensemble en ce moment à midi car presque tous les employés sont en congé et il a parlé de le faire passer très vite comme chef de chantier et de lui confier les logiciels des ordinateurs pour la création des charpentes en trois dimensions. Il trouve assez d'ouvriers transitoires, mais n'a personne capable de se servir de ses logiciels "charpente ".


Ce qui me fait peur c'est qu'ils ne respectent aucunement les consignes de sécurité dans ces entreprises, et que depuis Juillet, en à peine une semaine, mon fils a déjà eu plusieurs petits accidents. Il a eu des points de suture pour avoir reçu sur la tête, un chevron, envoyé par un maladroit inconscient !!!

Il a tout de même et tout de suite décidé d'apprendre le métier de couvreur. Il espère pouvoir, tout en travaillant, réussir son CAP et son BP, et après avoir bien acquis son  métier, créer une micro-entreprise, voire une entreprise.

Il vient de rentrer dans une autre entreprise de charpentiers-couvreurs, cette fois comme apprenti. Il a beaucoup de présence par son apparence calme, posée, réfléchie lorsqu'il passe des entretiens. Il est engagé tout de suite. Ce nouveau patron lui a laissé entendre qu'il pourrait lui succéder à sa retraite... Notre fils tient bien le coup pour le moment; mais il continue son projet initial. Il va d'abord passer son CAP en travaillant en alternance.
Dès la fac de Poitiers, il avait fait  la connaissance de sa compagne, compagne qui restera avec lui dix ans. Beaucoup de points qui ont fait qu'il voulait un boulot, vite et près de chez lui. Il vit désormais en couple... Ce soir sa sœur aînée et sa petite famille viennent. Le sourire du jeune homme s’est encore épanoui...


- Je comprends mal le désir soudain de ton fils de s'orienter vers une profession artisanale. J'espère qu'il ne s'est pas engagé sur un coup de tête et qu'il ne changera pas à nouveau d'orientation. Mon fils aîné, avec un B.T.S. d'automaticien a tout laissé tomber, après six mois passés en entreprise et il poursuit aujourd'hui des études de psychanalyse.

- Non, mon fils est à la fois manuel et intellectuel. En dehors de ce que j'ai déjà dit de lui,  j'ajouterais qu'il a été champion du Limousin en saut en longueur et toujours bon en athlétisme. Il a travaillé certains étés à la ferme de mon beau-frère ( travaux parfois durs et pénibles : noyers à tronçonner, charpentes à remplacer etc...) et dans la pépinière dont j'ai déjà parlé. De plus il a créé par bouturages de nouveaux arbres car il fait la collection d'arbres  à pousse rapide uniquement, et, parmi les arbres les plus grands : séquoias semper virens, eucalyptus etc... Il faut charrier des litres et des litres d'eau pour les arroser dans les bois lorsqu'ils sont jeunes et qu'il y a un risque de sècheresse. Aujourd'hui encore, pendant ses loisirs il surveille la pousse d'arbustes qui proviennent de graines venues par internet. Il place les graines au frigo. Ses arbustes servent de rideaux dans son appartement... Puis il les plante lui-même dans ses bois. C'est une façon pour lui de trouver le calme, la paix.
Notre fils ne travaille avec passion que lorsqu'il a vraiment pris lui-même une décision. Il faut laisser faire. Si notre fils a été un enfant rempli de rêves... il aimerait que sa vie ressemble à la réalisation d’une passion.


Il a choisi un métier d'artisan. Pourquoi ? Par amour du plein air, par amour de la simplicité, par révolte aussi, pour rester dans notre région qu'il aime, enfin et surtout parce que sa maladie a coupé net son élan et son énergie pour les études.

- Ton fils est rempli de vie et c'est là le principal, je comprends mieux maintenant ses motivations pour le métier qu'il a choisi, bien que ce soit peut-être provisoire, sa polyvalence est une qualité appréciable. Il a eu beaucoup de courage de se remettre en question, de tout plaquer, il faut aussi une dose de témérité, mais c'est admirable tout de même, si tous nos politiques adoptaient quelques fois cette attitude, notre belle France ne serait pas engluée à ce point.


De plus en plus, il a réalisé qu'il préférait le côté physique de sa nature, mais son côté plus intellectuel lui permettra j'espère d'avancer. Je pense que dans quelques années, il trouvera une solution, sa solution, selon ses capacités ( et il en a )
....Peu importe, nous serons fiers de lui, de son parcours, de ses choix. D'ailleurs, il s'est très vite fait remarquer jusqu'à aujourd'hui, partout, par sa volonté et sa logique.


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Il prend une échelle de 80 kg sur le devant de l'épaule. D'un simple mouvement vers l'avant elle se dresse puis monte à 13 m. Les gens dans la rue s'arrêtent. Une fois en haut du toit, il marche sur le faîtage, le vide est à droite, le vide est à gauche mais il avance. Les gestes sont précis, calmes et calculés.
 " Peut-être que cet ouvrier devrait s'attacher ", dit un homme. Mais, aussi haut aucun point d'attache n'est possible.
Et cet ouvrier, habitué aux remarques, redescend, sûr de lui. Et pourtant, il sait, plus que tous, que le risque existe mais jamais sur son visage, le doute n'apparaît.

Très bien écrit par notre fils qui en plus a des qualités littéraires. Oui, ce métier est haut, noble, mais il fait tellement peur.

Pour le mariage de notre fils Juillet 2005

C'est en prodiguant le bonheur que notre fils le trouvera, lui qui pense et agit encore et toujours suivant un idéal : honnêteté, droiture, modestie...

C'est à la maison que nous allons avoir le remue-ménage du mariage. Une grande partie de la famille de ma belle-fille va donc loger chez nous et contrairement aux coutumes, notre fils veut se marier dans son cadre habituel.



 
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Le petit garçon lol ! Le fils de notre fils. Les mêmes yeux noirs, le même amour pour la nature et pour le village de ses origines.
Le petit s'appelle Pierre comme son oncle. L'histoire de son prénom ? C'est le prénom de chaque aîné dans la famille de mon mari. Mais cet oncle n'a pas d'enfant et comme il a fait donation de sa ferme à notre fils et aussi parce que le prénom est toujours d'actualité... bref notre fils l'a appelé ainsi en remerciement. Et puis c'est un beau prénom. Comme je le lui ai dit un jour " c'est le prénom des gens solides ".


-   Pierre et son cousin ont si souvent joué ensemble. Pendant leur enfance, ils s'en donnaient à cœur joie.
 
Notre fils commence à travailler dans une nouvelle entreprise. Cette fois il est ouvrier titulaire du CAP. Son patron est à peine plus âgé que lui. C'était le couvreur de notre fille quand nous avons aidé celle-ci à faire construire sa maison. Quand il a su, en bavardant au cours des travaux, que notre fils avait été jusqu'en licence, il l'a harcelé jusqu'à pouvoir l'embaucher ( ou le débaucher !!! ). Lui-même avait fait quelques études. Notre fils sera chef d'équipe a-t-il fait miroiter, il va avoir, dès qu'il saura bien travailler une augmentation et une participation aux bénéfices. Bref, selon cet homme, il ne serait plus le larbin d'un ouvrier qui méprise les intellos et qui ne travaille que pour des promoteurs en série. ( ce sont ses mots, mais..... ???) Son nouveau travail consistera essentiellement dans les toits d'ardoise, typiques du Sud Ouest. Travail artistique tout de même. Si ce nouvel employeur ne ment pas !!! On verra. Mais notre fils est encore trop modeste...Va-t-il accepter d'être chef d'équipe?

Il a commencé ses cours pour un BP chez les compagnons. Et il travaille toujours en alternance. Il essaie de se maintenir dans les études; pour ne pas oublier ses réflexes d'étudiant ?
Mes rapports avec ce fils ont été difficiles. Nous nous aimons, j'en suis de plus en plus certaine, mais il nous est presque impossible de le dire, de le montrer si ce n'est indirectement ( réserve, timidité, orgueil, peur de la réaction de l'autre ). Nous avons souffert tous les deux du cancer et lui était si jeune qu'il en a été déstabilisé pour longtemps. Son adolescence a été des plus acceptables mais sa maladie a comme révolté sa période post adolescence. Ensuite l'homme a eu besoin de s'éloigner de nous, tout dans sa famille l'agaçait. Il a surtout eu besoin de prendre confiance en lui, sans nous...

Chaque jour n'est pas aussi rose qu'on pourrait le croire. D'habitude le Dimanche, nous avons la famille du fils. Cela c'était au début de leur mariage. Ils  arrivaient vers midi. Ils ne s'annonçaient pas. Maintenant il faut les inviter.
Il y a eu quelques problèmes à cause des enfants de notre fille que nous gardons souvent aussi. L'éducation n'est pas la même. Le père s'en occupe moins et cela crée des tentions..
Souvent ils sont repartis au m
ilieu du repas. Souvent je me sens accusée... Parfois je ne sais même pas pourquoi. Que faire? Que dire ? Ensuite tout le monde efface mais il reste toujours une petite cicatrice dans les deux familles sans doute... C'est encore plus difficile à comprendre à gérer maintenant qu'ils vivent tous en couple
 Nous n'osons plus rien dire. Le pire est qu'ils arrivent souvent à nous culpabiliser. Bien sûr nous devons avoir des torts. Mais dans la tête de notre fils, tout me paraît amplifié et l'est certainement.  Parfois ils me menacent de ne plus me confier le petit Petit, puis ils téléphonent gentiment en parlant d'autre chose... Une façon de s'excuser ?

Le torrent

   Au début,
Ce sont quelques mots avec les reflets de la rosée
Des sentiments éparpillés
Sur un tapis vivant de douces colères
Quand je voudrais une eau immobile
Ou un métal limpide.

Pourtant, c’est un torrent de phrases courtes
De cris et de flots,
Un instant où tout pourrait être détruit
Broyé dans un sacrifice suprême.

C’est une vie offerte
A celui qui tendrait la main
A ce moment là.

Auguinou ( jepoeme )

 


J'aime bien ce poème. Il a beaucoup de sens pour moi.
Vie offerte à travers douces colères... je tends la main
Torrent de phrases... de cris me parait plus exact
Chaque phrase fait naître tant de sens. Je pense que ce torrent, c'est vraiment lui...


Cette semaine notre Gui passe son BP. Il était angoissé sans vraiment de raison. Caro lui a acheté un GPS pour le calmer et le distraire. Il a passé deux soirées dans les bois à vérifier les courbes de niveau et les altitudes et à programmer de minuscules sites du patrimoine connus de nous seuls !!!
- Ils sont 3 à passer le BP et il y aura selon les statistiques deux reçus. Il est content mais jamais sûr de lui. Il doit ressembler à sa mère !!! Il trouve aussi qu'il y a des magouilles ??? Le jury devrait être composé de trois personnes dont un prof de français. Or, il n'y avait pas de jury, juste un " prof-compagnon du tour de France " et chef d'entreprise de couverture. Il se trouve que ce Limougeot était aussi le prof et le patron d'un des trois candidats... Les dossiers des deux autres ont été descendus en flèche. Le prof a aussi refusé le déroulement normal d'un oral à partir d'un dossier. Il les a bombardés de questions à l'improviste. Gui pense s'être tiré d'affaire
.

Bon, ce n'est pas la seule épreuve et justement le candidat en question disait n'avoir rien su faire en maths etc... De plus le prof s'est un peu radouci avec Gui. quand il a vu qu'il avait fait des études supérieures et qu'il avait un bac général scientifique.

Il va sûrement avoir son BP et il aura les meilleurs résultats. Il sera peut-être même le seul à l'avoir sur Limoges. Il ne lui manque que deux notes : celle de math et celle de français et dans ces deux disciplines il est bon. Cela n'a pas toujours été facile car les sujets sont envoyés par Paris et les toits de Paris n'ont rien à voir avec les toits du Lot ou de Corrèze. Il a dû installer une réserve d'eau et utiliser des matériaux qu'il ne pratique pas vraiment !!! Mais il a tout de même réussi cette improvisation. Dans quelques jours nous saurons. Dans un an ou deux et surtout après la crise en France, il montera sans doute son entreprise.

Notre fils a bien eu son B. P. avec presque 14 de moyenne. Il avait 16 en maths et 17 en français. Sans pratiquement ouvrir un livre, comme d'habitude. Qu'en fera-t-il? On verra...
 

- Je ne suis pas étonné pour ses performances, d'après ta description concernant Gui.

Heureusement les moments d'angoisse ont passé assez vite car il a été le meilleur du département pour son CAP, le meilleur du département pour son BP...

Les temps changent. Notre fils a de nouveau changé de patron. Promesse non tenue par le précédent et donc changement de patron...Comme dit notre fils, dans ce métier, c'est l'ouvrier qui est recherché, pas le patron... Je le sens de plus en plus prêt à se prendre en charge pour créer sa propre entreprise. Ce que malheureusement, il regrettera plus tard ! Les gens veulent bien faire faire des travaux, mais ils trouvent toujours une excuse pour différer ou refuser le paiement !!!
Maintenant pourtant, nore fils est capable de s'investir dans son métier et il fait désormais de très belles choses déjà artistiques. Il a entrepris avec courage, pendant tout son congé, le toit pour l'agrandissement de la maison de sa sœur. Il devient prévenant, prend de l'assurance alors qu'il en manquait beaucoup. Nous espérons qu'il réussira dans ses projets.




La construction du toit de la maison de sa sœur

 
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La charpente avec son collègue et futur ouvrier
 et tout le reste de la toiture seul



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La tradition, dans la région, veut qu'on mette un petit genévrier sur le toit dès que la charpente est finie. Après il y a l'étape hors d'eau...

 
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Différentes étapes

 
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La noue en ardoises                                   Bord du toit

 
   Cet été-là, il a passé tous ses week ends et tout son congé sur les toits de sa sœur.

Il faut savoir que Guillaume est fier d'aider sa sœur, de faire son toit, sa salle de jeu... Sur son toit, il avance, mais doucement. Il a un énorme travail puisqu'il agit tout seul et il fait souvent mauvais temps. De plus, il n'a eu aucun repos après son année d'un métier physique et pénible. Pourvu qu'une tempête n'emporte pas les ardoises avant que les portes et les vasistas ne soient mis !!!
 
Certains après midis,  nous retournons chez notre fille, nous faisons la chaîne pour passer les ardoises à Guillaume et il les entasse pour n'avoir pas à descendre chaque fois. Nous les transportons à pleines brouettées.
C'était énorme comme boulot car il fallait démolir l'ancien toit, refaire tout: liteaux, solives, gouttières, vasistas, égaliser le vieux toit et rajuster avec le nouveau de l'agrandissement qui est en angle droit avec une énorme noue. Le garage il le fera plus tard. Le temps passe et l'argent fuit.
 Hier il a dû refaire la pose des liteaux  qui avait été faite sur une face par son collègue (venu exceptionnellement et qui n'avait d'ailleurs pas fait grand chose). Cela fait râler de payer quelqu'un qui fait peu et mal. Nous n'avons osé rien dire car Gui lui-même n'ose rien dire. C'est le gars qui travaille avec lui chez son patron. Il ne travaille que lorsqu'il voit la patron.
 

 Mais très souvent, nous allions l'aider pour servir de manœuvres et l'encourager surtout. Nous ne pouvions pas faire grand chose, juste donner un coup de main. Par exemple, je déblayais le site pour enlever les déchets de bois et d'ardoises. Je comblais les trous avec; Je mettais le feu. Je m'occupais aussi du petit.  Mon mari montait encore carrément sur le toit pour les tracés et les voliges...J'aimais ces journées de travail en famille.

Je crois que Guillaume se plait de plus en plus dans ce boulot. Il va certainement passer à son compte. Depuis qu'il est formé par les compagnons il fait un travail de plus en plus précis, de plus en plus fin comme dessiner des fleurs sur le toit ... Il me dit : " Je vois le paysage à l'infini de là-haut, je n'aurai aucun patron, aucun ouvrier, je prendrai mon temps ". Plus tard il réalisra les difficultés. Pour le moment il a l'air satisfait.

- Je pense que ton fils a choisi sa voie, il aime ce qu'il fait et a acquis la technique, il a tous les atouts pour réussir, C. va peut-être le seconder en s'occupant des taches subsidiaires, nobles tout compte fait; je tiens quand même à te dire le vrai secret de la réussite, c'est tout bête pour nous, mais difficile à tenir pour les plus jeunes, voilà : Il ne faut pas confondre trésorerie et comptes personnels, j'ai vu des couples se déchirer pour ça, tout vendre, même leur maison car ils se trouvaient endettés, cela demande deux à trois ans de sacrifices au début, puis c'est l'embellie...


- Je ne m'inquiète pas pour ça. Il est assez intelligent, assez honnête pour le comprendre.
Son but ??? actuellement reste toujours variable, en mouvement. Je me demande parfois si ce n'est pas parce que lui-même ne parvient pas encore à le distinguer. Il se cherche, il se cherche encore... Mais ses capacités restent des plus diverses. Et quel que soit son choix plus tard, il aura les moyens de réagir, de décider, à lui d'en prendre conscience.
Ce qu'il faut c'est qu'il décide par lui-même sans se demander ce que ses parents, ses amis, son entourage penseront... Je crois en lui...

 Comme moi, mon mari ne sait pas faire de compliments. Il faut savoir que s'il a confié le chantier d'Isabelle, à son fils, c'est qu'il a une  confiance aveugle en lui.  Il est maintenant conscient que Guillaume a choisi et posé, avec beaucoup de soin, ce qu'il pensait le meilleur pour ce chantier.

 Notre fils a souvent des pensées qui le ramènent vers le passé. Il nous en veut parfois comme beaucoup de jeunes enverleurs parents. Nous a-t-il trouvés trop sévères ? Il rejette également trop de sollicitude, il réfute ce qu'il aurait du mal à nous rendre. mais en fait, il a tellement besoin de notre reconnaissance, il a tant de fierté, un si grand sens de sa propre dignité....

Pour moi, G. a de grandes qualités humaines, trop... car il n'est pas assez égoïste. Il est droit, Il sait toujours secouer les idées reçues et figées. Le seul énorme problème est qu'il a encore peu confiance en lui, qu'il ne cherche jamais à se mettre en valeur, qu'il se met vite en colère parce que justement il manque de confiance ou déprime un peu. Mais il a quelque chose de plus que beaucoup de personnes, il est plus sensible, plus intuitif et plus psychologue.

  L'expérience de nos deux maladies nous a-t-elle rapprochés ou éloignés?
Depuis sa maladie il a toujours des colères surprenantes qui retombent assez vite.

  Au moment de sa maladie, je crois qu’au fond de lui-même il aimait bien me faire souffrir. Ou alors était-ce inconscient ? Il profitait de ma patience ( qu’il savait exceptionnelle depuis sa maladie ), Il me faisait  payer inconsciemment ses difficultés, sa tristesse, il semblait même parfois  se défouler sur moi,. Mais il le regrettait vite.


  Depuis nos deux maladies nous nous sommes d'abord rapprochés; maintenant, nous avons encore quelquefois l’impression d’atteindre une sérénité gaie et communicative. Parfois seulement... Nous avons toujours des goûts très proches, des discussions... !!!  Bien sûr j'ai mon caractère, mais lui aussi. Heureusement nous nous connaissons bien et je suis certaine qu'il sait que j'oublie vite moi aussi. 

Mon fils m'a d'ailleurs toujours aidée en contrepartie car depuis son adolescence j'ai participé aux aventures qu'il aimait se créer, quand nous partions à la boussole dans les bois, en voyage au Cap d'Agde... en cela nous nous ressemblons beaucoup...

  Aujourd’hui ce fils a non seulement évolué, mais il est arrivé à s’imposer face à son père et à moi. Il est le seul à avoir le courage de vaincre les préjugés, de repenser par lui-même. Le seul problème, est qu’il pense tellement ce qu’il dit, qu’il n’accepte pas la contradiction, un autre point de vue. Et en ce sens il rejoint un peu son père qu’il cherche pourtant à contrer.

  Dans un mois, il abandonne son emploi pour être son propre maître. Il se lance comme professionnel et monte une SARL, cela nous fait plaisir et nous inquiète en même temps car avec la crise, c'est un moment difficile.
Depuis des mois nous pensons à lui, à cette entreprise, Il ne s'agit pas de contrôler, c'est plus fort que nous.

  J'espère qu'il réussira à créer cette entreprise par petites étapes. J'ai à la fois, je le répète peur et confiance. Peur de la conjoncture actuelle, peur du temps qu'il faudra pour qu'il se fasse une clientèle... Mais j'ai confiance en sa valeur, en son courage quand il veut quelque chose, et il sait que nous serons toujours là pour un coup de pouce ...coup de pouce que pour l'instant il refuse !!! Il n'a pas besoin de notre aide, mais de notre confiance, dit-il. L'aide il la refuse par fierté et par besoin de se prouver, comme de nous prouver, qu'il va y arriver. J'y crois aussi. Notre confiance, il l'a déjà, mais il ne la voit pas...
Besoin de se prendre en charge, refus des conseils. OK...Si nous n'avions pas confiance, chercherions-nous à l'aider ? Et pourtant ne demande-t-il pas aussi parfois notre aide ? Réactions contradictoires en chaîne...Souffrance des parents qui ne demandent rien en retour. Simplement heureux d'aider.


Ce n'est pas non plus  trop la bonne " conjoncture " pour démarrer, il ne sera même pas au chômage car son employeur n'a pas voulu le licencier. Mais bon, il faut bien se lancer un jour. Il a 30 ans. Il va faire un stage de secourisme et de " sécurité " à cause des dangers sur les toits, un stage de gestion d'entreprise et, peut-être ??? ( c'est le conseil de son père qui ne peut s'empêcher de vouloir gérer !  Donc peu de chances de savoir ou même de penser qu'il suivra ce conseil !!! ) un stage pour tout ce qui concerne le solaire et les installations photovoltaïques sur les toits.
 
Ses premiers chantiers étaient  si beau, un travail d'artisan à l'ancienne. Dommage que, parce qu'il travaillait seul et qu'il débutait, il lui arrivait de se décourager ou de baisser les prix. Parfois, au lieu d'aller au boulot, il allait dans les bois planter des arbres. Cela mettait son père dans tous ses états, nous n'en dormions plus. Pourtant il y est arrivé.
En fait il lui arrive de retomber dans une déprime épouvantable. Le matin, P. son fils allait le trouver en disant : "
S'il te plaît papa lève-toi ! ".  Il a passé l'après-midi à chercher les jeunes pousses de chênes verts. Mauvais signe. Quand il retourne à la nature, c'est qu'il cherche un refuge. Puis il reprend courage. C'est vrai qu'il ne faut pas tout pardonner, mais dans ces cas-là il aurait besoin d'un remontant. Sommes-nous encore capables de l'aider. Acceptera-t-il notre aide seulement ?
Mais que faire lorsque tu vois qu'il va à sa perte et qu'il recommence exactement comme lorsqu'il était à la fac et se dirige vers l'échec et peut-être plus ? Je me demande parfois s'il ne joue pas avec nous pour nous pousser à bout. ou pour nous faire souffrir lorsqu'il souffre. Réflexe plus ou moins involontaire et inconscient.
G. semble finalement avoir bien avancé dans son entreprise un peu démentielle de couvrir seul un grand toit d'ardoises du pays. Il aura fini de couvrir ce soir et il espère finir les finitions vendredi. Ouf !!!

 
Mais il est de moins en moins souvent au bord du gouffre.  Je crois que maintenant il a trouvé son équilibre. Comme je le lui ai dit, je pense que grâce à la poésie, grâce aux merveilleux poèmes qu'il écrit, il est " devenu lui-même "..

- Nous avons beaucoup de devis à faire à votre retour, de nouveaux clients aussi c'est plutôt une bonne nouvelle ( une agence immobilière de B. devis pour l'ancien maire de B. M. M.)... G. n'arrête plus, il  a encore deux rendez-vous demain....J'ai relancé certains clients. Les clients sont contents visiblement. A l'hôtel le patron a payé tout de suite, nous avons reçu le chèque à la maison avec un petit mot disant : " vous remerciant pour la rapidité et la qualité de vos travaux".....que de compliments !!!.... nous sommes contents et optimistes. " Votre coquin de  fils bien aimé "  qui va bien, vous envoie bien  le bonjour !!! ( à prendre avec humour je précise).
- Demain nous allons chercher le camion benne enfin prêt..., aujourd'hui Dimanche nous sommes allés voir Raiponce le dernier film  Disney. Nous sommes aussi allés voir I. et B. ( avec son plâtre, son dynamisme et sa joie de vivre!!! ). P., c'est un mignon, sage  petit brun  coquin un peu trop gâté qui si tout va bien ne sera plus un enfant unique en juin. Il a joué avec B., et fait des parties de fous rires avec Papa... C'est un petit trésor qui occupe bien  notre temps, c'est un délice quotidien  ). Ici tout va bien, ne vous inquiéter pas ....même s'il y a beaucoup de travail, de fatigue , de surmenage , et que nous jouons notre avenir. C'est le propre d'une entreprise ...le moral est bon et positif tout le temps nous le cultivons... on tient le coup.
- P. attend le père Noël ( qui ne passe d'ailleurs que pour les enfants sages.... alors c'est pas très très sûr !!!( je rigole !) pour lui car il est un peu coquin !

 
G. commence à avoir du travail, mais comme il est tout seul, le matériel  lui fait défaut. Il va falloir investir dans les échelles, les échafaudages, télescopique, camion benne. Nous sommes en train de prospecter pour des occasions. L'autre jour il descendait les ardoises à pleins seaux avec des cordes, il en aurait eu pour des jours. Il fallait le faire délicatement pour pouvoir en réutiliser le maximum, sinon il faudrait en acheter d'autres à ses frais.  Le tonton est venu avec son tracteur... avec l'aide aussi de Ro. ils ont descendu tout un pan de toit en une demi-journée. Le fiston était content, mais le propriétaire de la maison à couvrir est persuadé que le tracteur était trop lourd et que les tuyauteries souterraines  vont être abîmées. Pas sûr. A voir.
Reste à acheter le télescopique !!!
L'autre jour, en ville, j'ai été de faction sous l'échelle de G., dans la neige, pendant une journée, pour surveiller les passants malveillants ou les voitures et surtout les gardes municipaux qui n'acceptent rien sans autorisation de la mairie. J'avais pour mission d'expliquer qu'il s'agissait d'une urgence après tempête. Les autorisations sont données 15 jours après !!!... A midi, j'ai dû ensuite, à la demande de G., aller chercher le ravitaillement et des papiers... et Caro n'a pas apprécié que j'aille dans sa cuisine et dans les dossiers. Je comprends qu'elle nous trouve envahissants...  Mais sans nous, Surtout sans Ro. et sans ouvrier, G. aurait du mal à démarrer. Elle a oublié beaucoup de choses Caro... Et moi j'ai oublié les problèmes connus : belle fille, belle mère. Je n'ai jamais eu d'intention contre elle, ni de domination, ni d'ingérence, dans mes actions. Nous agissons spontanément et souvent dans l'urgence et le pire, c'est que c'est  avec l'intention de rendre service.

- Aucun de nous n'est parfait. Des heurts il y en a eus, des incompréhensions et surtout des mauvaises interprétations de part et d'autre !! Ne nous fâchons pas. C'est tout de même dans notre petit noyau familial que nous pouvons nous aimer tels que nous sommes, nous soutenir, nous comprendre. Et la confiance, même si elle est parfois secouée par une discussion avec des points de vue différents, reste la confiance. Faire confiance, c'est savoir qu'on peut compter sur l'honnêteté, sur la droiture, sur les capacités de quelqu'un. Et là notre fils a toute notre confiance, même celle de son père dont il doute.
 

  C’est vrai que mon fils est adulte et que je n’ai plus le droit d’intervenir dans sa vie. Il a désormais toutes les capacités nécessaires pour se débrouiller seul. La maturité, il l’a depuis longtemps, la réflexion aussi comme la révolte qui l’éloigne de son père... Et maintenant, je viens de le constater... de sa mère... Mais comment, en tant que parents, ne pas se sentir impliqués au commencement d'une carrière difficile, lorsqu'on part de zéro ? Nous sommes toujours prêts à aider ses sœurs aussi, chaque fois que nous le pouvons...

  Douleur incroyable, fatigue, stupeur devant les paroles entendues, le ton employé... J'aurais dû mieux le connaître et savoir que ce n'était ni un rejet, ni un manque d'affection, seulement un mouvement de colère et une mauvaise interprétation de mes intentions.
J'ai souffert aussi de l'amalgame fait entre mes actes d'autrefois dont le seul but était de redonner le moral à un fils totalement déprimé et la publicité que j'ai cru bon de faire pour la SARL aujourd'hui.

 J'ai été partagée entre la stupeur, la révolte et le pardon et je sais aujourd'hui que j'ai moi-même mal interprété....
Quels sont mes torts ??? J'ai autrefois été présente face à sa déprime, j'ai essayé d'être un soutien, c'est vrai, j'ai utilisé des moyens peu orthodoxes, mais c'était dans l'urgence... et pour un jeune  qui refusait des soins, qui se détruisait lui-même. Ce sont des fautes ??? Oui  semble-t-il, si vous avez trop donné, oui, si ce don est interprété comme un manque total de confiance !!! Sa réaction d'aujourd'hui transforme les actes et les intentions d'alors. Je n'ai jamais pensé qu'à sauver un déprimé qui plongeait, qui abandonnait tout et se refermait dans la solitude et non à me substituer à sa personnalité.
 
Que penser ? Parfois on aimerait penser que c'était un simple coup de colère, que les mots ont dépassé les pensées...Parfois... La colère à fleur de peau peut être un signe de déprime, d'angoisse... Avoir toujours eu l'impression qu'il se détruit lui-même, qu'il détruit tout ce qui vient de nous, comme si nos actes contenaient un jugement...et qu'il détruit à chaque instant les chances de sa vie comme s'il se créait des handicaps ? 

 Lui, est tour à tour sympathique, tour à tour grinçant pour une simple remarque. Il nous donne souvent des intentions de domination que nous n'avons jamais eues. Que faire, que dire ? D'ailleurs il oublie vite.  N'ai-je pas bien tenu mon rôle dans la vie ? A une certaine époque, perdue dans ma propre maladie ai-je manqué d'attention ? Ne l'ai-je pas assez écouté. Alors il pourrait nous en vouloir !? Pourtant il est celui qui nous a le plus fait céder sur bien des points.

Pour moi, cet épisode a été comme un monde qui s'écroule, un cauchemar... Penser que l'amour, même l'amour filial... est très proche de la haine.  Mais, porter atteinte à un point sensible n’est pas toujours un acte volontaire.

  A la fois on aime un être et à la fois on lui en veut inconsciemment de  dépendre parfois encore de lui. Voilà la solution de l'énigme. Apprendre à se retirer au bon moment, dans le silence et être là pourtant...
Faire souffrir  sa mère n'est sans doute pas une volonté mais plutôt une conséquence de certaines craintes, de certaines souffrances, de certains soi-disant échecs qui sont plus dans la tête que dans la réalité. Tout ceci est peut-être dû aussi à un manque de recul face à la vie.

  Ma faute ? mais,  c'était de l'enthousiasme,  une participation minime, mais du fond du cœur; allez, j'avoue, en y réfléchissant profondément, peut-être un léger besoin de dire " je suis encore là pour toi "...

  Leur retour à la maison m'a fait venir les larmes aux yeux. C'est un premier pas que j'accepte comme tel. Le temps qui passe finira bien par effacer les blessures. Je suis heureuse de savoir que je vais pouvoir retrouver parfois petit P.. Nous l'aimons beaucoup.

Ce heurt frontal est peut-être à envisager comme une thérapie. Une fois commencées, les retrouvailles avec notre passé enfoui ne s’arrêtent pas facilement. Qu’y gagnons-nous ? Un soulagement ? Ou de fonder notre identité ? de nous sentir à la fois plus proches de nous-mêmes et moins sensibles aux jugements des autres… C'est sans doute la grande étape pour devenir pleinement soi-même.
Mon fils, nous avons tendance à nous déchirer. Peut-être parce que nous nous ressemblons un peu.

La pensée lancinante revient à propos des mots prononcés à mon encontre, souvent elle me taraude encore malgré l'effort pour oublier et pardonner. Pour être de la haine, les mouvements agressifs d’hostilité ont besoin d’avoir été mûris, non ? Avaient-ils été mûris ? Je ne le crois pas. C'est toujours spontané et brutal chez lui et soudain tout s'effondre comme un soufflé sorti trop vite du four. Son attitude depuis est plus ouverte, plus souriante, mais tellement prise encore par l'angoisse du quotidien imprévisible qu'il est difficile de savoir si lui aussi désire tourner la page.
La phase de stupeur est passée en moi. J'en suis à l'analyse, pas encore à l'oubli total malgré l'envie,  malgré le pardon accordé.
« Va je ne te hais point », telles sont d’abord les paroles d’une femme, Chimène, à son amoureux, Rodrigue ( Le Cid ). Paroles d’une femme aimante, d’une femme confiante, d’une femme tranquille,.». Paroles rassurantes pour tous malgré la négation, telles sont aussi celles que souhaiterait entendre l’enfant qui a été grondé ou l’adolescent, lorsqu'il aura provoqué un orage en famille ou encore les jeunes dans les mêmes conditions. Mais pourquoi pas les parents ? Ils ne sont pas faits de bois. Heureux témoignage d’amour et de réconfort que pourraient être ces paroles, après la rage, la colère et autres manifestations agressives comme un sentiment de détestation, voire de haine, face au dépit  parental. Ce sont encore celles que nous aimerions tous entendre chaque fois qu’un besoin ou un désir d’ouverture sur l’extérieur provoque éclats ou tiraillements. Clefs pour la liberté, ces heurts passagers alternés avec des manifestations de regret, d'affection nous confirmeraient dans nos rôles respectifs comme dans nos sentiments, sans porter atteinte à l’affection réciproque.

- On n'agit pas en mon nom dit-il souvent. Cela détruit ma personnalité. Cela m'attriste profondément alors que l'entreprise me redonne confiance.
Je comprends ce qu'il veut dire. Le pire c'est que lorsque cela nous arrive, comme toujours, nous le faisions, au premiers pas de son entreprise, pour lui rendre service et de bon c
œur.  Par exemple pour être plus réactif, pour lui éviter un soucis, un délai, un timbre...
La lettre à Monique, c'est papa qui me l'a dictée. Il pensait être plus réactif et t'éviter un souci, un délai et un timbre. Parfois aussi j'en parle, mais trop occupé dans sa tête par ses projets, il ne m'entend pas.
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J'étais heureuse de te voir reprendre confiance. J'ai des torts auxquels je n'avais pas pensé : ton besoin d'assurer ta confiance. Mais je vis ton entreprise comme si c'était pour moi et je fais de mon mieux. Parfois je ne sais plus quoi faire car il n'y a pas dans nos actions les intentions que tu y vois, ce sont plutôt des erreurs dues au fait que nous nous impliquons à fond.

Les bambous qu'il a plantés dans sa jeunesse et  dont les tiges plient aux grands vents forment un rideau derrière la piscine. Les deux cyprès qui symbolisent sa rencontre avec son épouse sont comme la porte de son paradis. Celle-ci m'a dit un jour que rien ne comptait plus pour lui que notre maison. Je sais qu’il vit dans un paradis de souvenirs et aujourd'hui encore, au moindre besoin, au moindre problème, au moindre changement climatique, il éprouve l'envie de se rapprocher de la nature, de revenir sur les lieux de son enfance. Chaque lieu qu’il a connu reste gravé en lui et il  demeure attiré vers ces lieux comme par un aimant. Malheureusement, je le sais aujourd'hui, ces retours vers la nature sont aussi un signe de déprime totale. Pour lui, les moments heureux donnent vie aux plantes et aux choses et en retour l'apaisent.

Devant cet état de fait, après avoir réalisé qu'en réalité il souffre aussi énormément, je crois que je parviens peu à peu à cet oubli recherché pendant plusieurs semaines, oubli d'un heurt après tout passager,  et que mon esprit a sans doute trop amplifié ou trop pris à la lettre. J'y parviens grâce à la compréhension de ses difficultés actuelles, grâce à son sourire parfois retrouvé, grâce au fait qu'il semble avoir lui-même totalement oublié ou simplement nié ce moment de mauvaise entente, en le considérant peut-être comme une simple mise au point.
Parfois aussi je me demandais s'il déprimait,  s'il se décourageait, s'il nous narguait ou  s'il était tout simplement velléitaire. Que dire alors ? Devons-nous toujours nous sentir responsables alors qu'il ne demande qu'à prendre ses responsabilités ?  Avons-nous gâché beaucoup de choses en ce qui le concerne ? Toute vie a-t-elle un point plus faible, toujours le même, prêt à craquer ?

Gâché ? Peut-être pas. Tout est peut-être indispensable pour que l'avenir puisse être et se réaliser. A d'autres moments, en effet, il paraît sûr de lui, courageux, volontaire.
Nous, parents, marchons toujours dans la vie et surtout devant la vie de nos enfants, un peu les yeux bandés. Mais lorsque l'enfant a aimé son enfance,  son cadre de vie,  ses arbres, ses bambous... ce que je crois, ce qu'il affirme, alors il ne faut rien retrancher de ce passé car c'est de ce passé que l'enfant, devenu adulte, vit.
Heureuse de constater que nous avons enfin tous tourné la page... Certains mots ne sont que folie que vous arrachent la colère, la déception... Malheureuse de voir qu'il déprime encore parfois, que nos heurts étaient  à la fois dus à son découragement et qu'en même temps ils ont accentué celui-ci. Comment lui faire comprendre que ce qu'il fait est beau. Qu'il pourrait réaliser de grandes choses, mais qu'il faut qu'il guérisse de son manque de confiance avant tout. Son épouse, son père sont prêts à l'aider à remettre en route son activité, à se fixer un emploi du temps, à se donner des repères, à s'imposer des tâches pour le lendemain. Mais c'est à lui de faire appel à nous. Le temps pluvieux, l'hiver, la neige , toutes les intempéries, il est vrai ne sont guère favorables...

Je crois toujours bien faire... mais j'oublie sans doute l'essentiel. Je n'ai ni à m'ingérer... ni à enlever ma confiance dans les jeunes... Pourtant, quand je suis seule avec mon mari, je réalise qu'il est dans ce domaine pire que moi. Il m'arrive même de lui demander de laisser un peu les jeunes prendre des initiatives. C'est en se trompant de plus qu'on apprend. Mais là, c'est plus fort que lui et je me heurte à un mur ! C'est mon mari, le roi des anxieux !!! qui pense sans arrêt, à leur avenir, réfléchit toujours pour les autres et me harcèle au point de me monter la tête et c'est alors que je réagis sans doute à contre temps. Mais c'est parce que nous les aimons bien, en fait. Nous sommes prêts à tout pour eux, à tout donner aussi : depuis notre aide, notre soutien, notre participation... Nous savons bien que chacun est aujourd'hui un adulte responsable. Pourtant, ce sont toujours nos enfants.

J'ai retrouvé un vieux message de ma belle fille que j'avais oublié et qui m'a fait plaisir... " Je suis très  contente de la manière dont vous vous occupez de  notre fils. Il adore les spectacles  ou les activités avec vous. je n'ai jamais été fâchée contre vous bien au contraire.... " Ai-je tout inventé, ai-je pris un mouvement d'humeur pour un rejet définitif ? Notre belle fille, dans l'entreprise s'occupe des relations avec le client : téléphone, met au propre des devis, distribue des devis et parfois des pubs ( dans ce domaine, je l'aide beaucoup ).  Elle est douée pour tout ce qui est commercial. Elle en a fait son métier. Elle a travaillé entre autre pour télé2 et est capable de vendre des logiciels à ceux qui n'ont pas d'ordinateur  !!! lol !
Ils ont déjà tout prévu. Quand ils se sont mariés, contrairement à mon mari et moi qui avons tout en commun, ils ont fait un contrat " biens séparés ".  C'est une nécessité en cas de faillite. Mais G. ne va pas dépenser beaucoup, cependant il aura besoin de pas mal pour sa famille..
La ferme de son oncle sera à lui, mais il aura trop d'impôts à payer pour que ce soit un vrai cadeau. Il a cependant apprécié le geste, le choix de son oncle...
Au début, pour démarrer son entreprise, il ne lui avait fallu qu'une échelle, un échafaudage et un vieux véhicule. Mais tout évolue avec des ouvriers, il faut investir, de même pour n'avoir pas à refuser du travail parce qu'il ne possèderait pas le matériel...

Son ouvrier, travaille vite et bien. Pour les petits jeunes qu'il prend de temps en temps, il a pas mal de surprises : manque d'expérience, découragement, paresse, mauvaise éducation et cherchant à rafler des aides.. L'un d'eux sortait même de prison. Mon fils a voulu lui donner un coup de pouce... en vain.

Avec le temps, je sens qu'il s'affirme dans sa nouvelle vie, qu'il prend non seulement de l'assurance, mais du calme... Je retrouve un peu son bon côté qui refait surface. La confiance renaît partout. Il va y arriver et nous en sommes heureux. Pourtant encore et toujours, la moindre sollicitude de notre part, lui fait mal.
Son caractère est dominé par une besoin profond d'honneur. L'honneur s'accompagne souvent d'un refus de subtilités mensongères ou de comédie... Il refusera toujours de ruser.

Parfois on ne se rend pas compte des pensées atroces qu'on a pu enfouir en soi. Pendant toute son enfance notre fils semble avoir souffert et surtout à son adolescence et après sa maladie. Est-ce la maladie qui a ancré profondément sa révolte ? Et il aurait eu besoin de nous rendre responsables. Il a dû être terriblement malheureux, même si tout a été amplifié dans sa tête. N'ai-je pas agi de même envers mes parents ?

- Je ne me souviens pas très bien ce qui a pu te choquer. C. seule a pris la décision de retirer un temps P. quand il bégayait. Je t'ai fait des reproches sur mon enfance peut-être mais c'est de l'humour noir. Quand je souffre, je fais exprès de dire l'inverse de ce que je pense. Par exemple, je dis que j'ai des idées de droite alors même que ma tête pense le contraire. Je peux dire que vous étiez autoritaires dans mon enfance, en sachant très bien que j'étais gâté. Mon seul but sur le moment est de vous faire un pincement au cœur, pas plus, je pensais que tu comprenais un second degré.
- Je suis contente de ton explication. Je comprends tes difficultés, tes souffrances, tes sacrifices pour les tiens. De toutes façons, j'avais pardonné et depuis un certain temps il me semblait que nous nous entendions de nouveau assez bien. Alors oublions les mauvais moments. Ne t'inquiète pas, la page est tournée de mon côté. J'espère que tu ne m'en voudras plus. Je sais, je suis maladroite, mais ton A., tu ne peux pas savoir comme je l'aime.

Pour mon site, je l'écris et parfois je relis et je corrige, lorsque mes sentiments ont évolué. Or les sentiments évoluent toujours... Le temps atténue tout.  Certaines pages ne sont qu'une pensée d'un instant et  comme toi, il m'arrive de chercher à marquer des points; de plus, comme pour toi, certaines phrases correspondent à une souffrance d'un moment précis.!

 L'entreprise de notre fils semble bien évoluer. Il a sa voiture utilitaire, son camion benne, son télescopique, un monte charge ... Il a beaucoup investi pour mieux travailler. Si notre cave a servi pour un temps d'atelier, ( Nous avons dû débarrasser 30 ans d'affaires accumulées dans la cave-garage du bas !!! ) il a trouvé un grand hangar à louer près de chez lui. Il a aussi un ouvrier expérimenté d'une bonne quarantaine d'années. 

Comme nous parlions d'écriture pour notre fille aînée et que mon mari pense que c'était notre fils qui avait le plus de possibilités dans ce domaine, j'ai réfléchi à la question. Notre fils a dit qu'il y pensait mais qu'il ne se sentait pas encore assez mûr !
- Pour écrire, il faut du repos, je travaille 45 heures par semaine, j'ai des courbatures partout, le reste du temps je m'occupe à fond de mes enfants. Alors peut-être avais-je des capacités ? J'en doute fort. Je suis un gars "normal" comme François.  Mais après mon travail, mes journées sacrifiées pour  l'entreprise et ma famille, il ne reste rien pour moi. Plus le temps passe, plus je suis fatigué le week-end et je n'ai plus la force de sortir le dimanche.

- Je suis d'accord avec toi pour le repos. Je le reconnais, pour écrire il faut du temps, du silence et bien d'autres choses...


 
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Un des chevaliers de Castelnau

 
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Son petit frère, plus encore que chez l'aîné, on y retrouve le sourire et le regard pétillant de son père. A. évolue beaucoup en ce moment, il est gentil, souriant, heureux, adorable.
Pourquoi mon fils Aubin tu cries déjà de bon matin ? Pourquoi après t'être calmé tu es pénible toute la journée ? Et pourquoi toute la nuit tu tournes en rond à réclamer ton biberon ? Avec maman nous attendons vivement tes premières explications. Quand tu marches les bras écartés et le buste en avant, on dirait que rien dans la vie ne pourra t'ébranler.
Petit Aubin aux yeux clairs et aux reflets changeants deviendra grand. Petit Aubin a besoin d'attention, d'affection, de sérénité inflexible, mais douce... Et il réclame avec fierté son besoin comme un dû...
 Aubin, si je crie, il se tape la tête contre les murs ou les barreaux du lit. Une nuit, à 3h du matin, il avait un an et demi, on a décidé pour la première fois de le laisser pleurer et de ne pas se lever pour lui donner le biberon, il a escaladé les barreaux, ( lit normalement sécurisé pour cet âge ), et il est tombé lourdement sur le plancher !

Je sais que tu t'occupes beaucoup de tes enfants, que tu en es fier. Moi aussi je suis fière des miens. Je suis fière de ton caractère droit de fonceur. Je suis certaine de tes capacités dans beaucoup de domaines et si tu as de l'ambition, c'est encore mieux.

Je suis fière aussi de tous mes petits enfants. Si parfois j'exprime une inquiétude, c'est parce que j'y tiens beaucoup. Une inquiétude n'est pas un jugement, je le répète. Tes fils sont non seulement beaux, gentils, bien élevés mais encore attachants.

Je suis consciente de tout ce que tu peux me reprocher. Même les révoltes sont normales et je suis heureuse d'apprendre que dans l'ensemble, et en réalité, tu n'es pas mécontent de tes parents; de même nous sommes fiers, je le répète, de toi.
La plus grande blessure de ma vie a été d'entendre mon fils que j'adorais, me parler de haine et ce que tu lis dans mon journal est la période où j'ai littéralement saigné et pleuré. L'humour noir et le second degré, je ne les ai pas vus. Désolée. Et tu ne peux pas savoir à quel point, j'ai eu mal, mal de tes mots, mal de perdre P.et à quel point je suis heureuse de notre explication.
 La colère, la hardiesse, ne me choquent pas, mais me paralysent et l'écrit est ma solution. La contrepartie est qu'il fixe des sentiments parfois fugitifs. Mais avec l'âge mon caractère est toujours entièrement tourné vers la paix, l'acceptation des réactions des autres.
Je ne t'en ai pas voulu. J'ai surtout été blessée et malheureuse, je suis même allée un temps à Marseille.
Et ton explication m'a rendue heureuse. Je sais qu'il en est de même pour toi.
Adulte il lui arrive de se montrer plutôt froid et pragmatique, mais en vérité c'est toujours un incorrigible rêveur. La moindre injustice le révolte, le moindre geste de sympathie le fait fondre et le laisse désarmé. Doté d'une sensibilité à fleur de peau, il refoule ses émotions.  Sa belle cuirasse dissimule à peine ses sentiments à vif et met plutôt en évidence un certain orgueil, une certaine fierté proche de l'honneur chevaleresque.
Tout a laissé trace en lui, chaque événement a imprimé sa marque dans sa mémoire. Il peut s'écouler pas mal de temps avant qu'il ne se rende compte à quel point tel ou tel épisode l'a impressionné, comme si le souvenir s'était congelé quelque part en lui-même et soudain il réapparaît, par quelques jeux d'associations, avec une insupportable acuité pour lui.
. La maturité l'a transformé un peu,  mais il resté son idéal, sa fierté, son ambition, une passion incontrôlable, la quête de justice et avec ce capital il avancera même si c'est lentement...
Parfois, je sens encore qu'il se ronge. Que faire ? Je me demande bien ce qui le travaille. Pourquoi manque-t-il de confiance ? Qu'avons-nous manqué dans son éducation ?


J'espère que G. va rapidement sortir de ces longs chantiers en solitaire pour passer à d'autres ce qui lui donnera sûrement le sentiment d'avancer enfin. C'est sûr qu'il doit souffrir. Cela s'ajoute aux livraisons de matériaux incomplètes...
Dis-moi

Non, je ne veux pas que tu me dises
Les mots que j’attends,
Je voudrais que tu me racontes plutôt
Tes sentiments,
Je veux connaître la vérité
Que tu caches,
Je veux que tes yeux me regardent
En face,
Je ne tournerai pas la tête,
Je ne plisserai pas le regard
Et si la douleur est immense
Je resterai debout, je pense,
Mais à l’intérieur de moi
Tu ne verras pas le feu,
Tu ne verras pas l’incendie
Qui me consume.
Je ne te montrerai pas ma souffrance
J’arrêterai les larmes, elles sortiront
Seulement quand tes yeux seront fermés
Et lorsque tu dormiras paisiblement,
Je pleurerai en silence.

 
Auguinou ( jepoeme )
 

Avant de dormir paisiblement je voudrais dire que j'ai fait de mon mieux dans la vie pour les miens et pourtant j'ai l'impression de partir en n'ayant jamais rien fait de bien ! Est-ce pareil chez toi ?

Toujours on pense que ce qu'on a fait c'est mal mais est-ce que cela se mesure ?

 

Date de création : 30/12/2007 • 17:48
Dernière modification : 19/10/2014 • 10:12
Catégorie : Mes descendants
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