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Sujets divers

Réflexions sur  certains auteurs littéraires et sur certaines œuvres


Montesqieu

LETTRE lXIII.

Rica à Usbek.


Je crois que tu veux passer ta vie à la campagne. Je ne te perdois au commencement que pour deux ou trois jours ; et en voilà quinze que je ne t’ai vu : Il est vrai que tu es dans une maison charmante, que tu y trouves une société qui te convient, que tu y raisonnes tout à ton aise ; il n’en faut pas davantage pour te faire oublier tout l’univers.

Pour moi, je mène à peu près la même vie que tu m’as vu mener ; je me répands dans le monde, et je cherche à le connoître : mon esprit perd insensiblement tout ce qui lui reste d’asiatique, et se plie sans effort aux mœurs européennes. Je ne suis plus si étonné de voir dans une maison cinq ou six femmes avec cinq ou six hommes ; et je trouve que cela n’est pas mal imaginé.

Je le puis dire : je ne connois les femmes que depuis que je suis ici ; j’en ai plus appris dans un mois que je n’aurois fait en trente ans dans un sérail.

Chez nous, les caractères sont tous uniformes, parce qu’ils sont forcés : on ne voit point les gens tels qu’ils sont, mais tels qu’on les oblige d’être ; dans cette servitude du cœur et de l’esprit, on n’entend parler que la crainte, qui n’a qu’un langage, et non pas la nature, qui s’exprime si différemment, et qui paroît sous tant de formes.

La dissimulation, cet art parmi nous si pratiqué et si nécessaire, est ici inconnue : tout parle, tout se voit, tout s’entend ; le cœur se montre comme le visage ; dans les mœurs, dans la vertu, dans le vice même, on aperçoit toujours quelque chose de naïf.

Il faut, pour plaire aux femmes, un certain talent différent de celui qui leur plaît encore davantage : il consiste dans une espèce de badinage dans l’esprit qui les amuse en ce qu’il semble leur promettre à chaque instant ce qu’on ne peut tenir que dans de trop longs intervalles.

Ce badinage, naturellement fait pour les toilettes semble être parvenu à former le caractère général de la nation : on badine au conseil, on badine à la tête d’une armée, on badine avec un ambassadeur ; les professions ne paroissent ridicules qu’à proportion du sérieux qu’on y met : un médecin ne le seroit plus si ses habits étoient moins lugubres, et s’il tuoit ses malades en badinant.

À Paris, le 10 de la lune de Rebiab 1, 1714.

Roman épistolaire paru anonymement en 1721. Cette lettre de Rica à son ami Usbek représente une peinture des mœurs françaises au début du XVIIIème siècle.

Evolution de Rica au contact de la société parisienne.

Moins choqué qu'au début

En deuxième lieu, différences entre les mœurs françaises et les mœurs orientales ( simplifiées )

Enfin le badinage dont le mot est souvent répété a une place importante

N'oublions pas que cette correspondance entre deux seigneurs persans est une occasion de révéler le regard de l'auteur en atténuant ses critiques grâce à la parole d'un étranger sur les mœurs occidentales. Rica qui n'est pas comme son ami Usbek, assouplit peu à peu sa critique devient tolérant vis-à-vis de l’Occident. il a commencé à s'assimiler. Et cette assimilation culturelle est causée dans cette lettre surtout par la fréquentation des femmes.

Du côté de la société persane, les mœurs pour les femmes sont rigides et soumises pratiquement à la contrainte permanente

Des mots importants avec un sens du 18 e naïf

deux exemples voltairiens de personnages naïfs : Candide et l’Ingénu. Ces deux noms propres sont devenus par la suite deux adjectifs plus ou moins synonymes de naïfs. N'oublions pas que c'est le siècle des lumières dc sans doute par rapport aux lumières du siècle des lumières

Le badinage dans’un groupe social tente, en sauvegardant des valeurs traditionnelles de l’aristocratie de montrer une certaine désinvolture.

Critique peut-être d'une féminisation des mœurs qui affecte la société française. Si le badinage est devenu une caractéristique de « l’esprit français », la tonalité satirique de la célèbre Lettre LXIII des Lettres persanes suggère nettement que cette extension peut être jugée caricaturale

Au regard étranger (et donc supposé lucide) de Rica, ce règne du badinage qui s’impose jusque dans les lieux du pouvoir masculin semble assez clairement le symptôme d’une féminisation généralisée, que Rousseau dénoncera de manière virulente dans la Lettre à D’Alembert.

N'oublions pas qu'au 18ème siècle, on estime que les études sont dangereuses pour les femmes, car leur cerveau n’est pas fait pour cela !

modèle féminin prédominant aux 18ème : le modèle rousseauiste de la femme au foyer décrit dans L’Émile ou De l’Éducation de Jean-Jacques Rousseau et dans Les petite filles modèles de la Comtesse de Ségur.

À travers Rica, il évoque les possibilités d'une égalité naturelle des femmes et d'une identité des besoins masculins et féminins, besoins que réprime l'éducation. Avec le roman du sérail et à travers la relation d'Usbeck et ses femmes, il dénonce la pluralité des femmes et leur claustration, suggérant des similarités dérangeantes entre le traitement oppressif des femmes en Orient et celui soi-disant «éclairé» et différent des Européens.

Le débat sur la nature et le traitement des femmes permet de souligner ce qui détermine les rapports entre les sexes, à savoir l'injustice dont le ressort n'est autre que l'éducation

Montesquieu évoque d'abord les traditionnelles angoisses du patriarcat pour lequel la libération des femmes encouragerait l'absence de vertu «  ds le vice même » et déstabiliserait l'autorité masculine. Rica est séduit, mais fait-il de ces moeursun modèle ?

Je me répands = presque sensuel

Les gens tel qu'on les oblige d'être. Pourtant au 18 e en France il y a un code social aussi

La forme la plus connue de l’ironie ici est l’antiphrase qui prend un mot en sens inverse :

L’ironie joue sur les allusions, plus ou moins transparentes.

fausse ingénuité ??? naïf ???

L’humour satirique entend rendre sensible ce qui est blâmable .Le lecteur doit être capable de saisir la pensée véritable sous le déguisement du discours . Rica dit ailleurs « il n’y a rien de plus sérieux que ce qui se passe le matin à la toilette, s » ( lettre CX)

. Peut être tenue aussi pour ironie la parodie qui entend ridiculiser des expressions identifiables : il faut reconnaîtrele financier écossais LAW dans « l’enfant qui avait pour père Eole, dieu des vents, et pour mère une nymphe de Calédonie » (lettre CXLII)L’ironie joue sur les allusions, plus ou moins transparentes. Le travestissement persan n’est pas une simple concession à la mode de l’exotisme mais il mise sur la fausse ingénuité des transpositions culturelles pour déguiser et aiguiser la critique de la société française : les « dervis » ne sont que les religieux catholiques, une mosquée n’est qu’une église. Ironie à propos de l’Académie française : « Pour fixer son autorité, elle donne le code des jugements » Cette gaîté, faite de vivacité, de concision, de variét », d’humour, d’ironie, de traits de toutes sortes constitue le charme des Lettres persanes. Avec ce style plein de verve et d’invention, Montesquieu inaugure une manière dont les Lumières feront leur profit, en particulier Voltaire et Diderot. Quant à Rousseau, il en recommandera la lecture à « tout jeune homme qui écrit pour la première fois ». Les femmes dans les Lettres persanes : Dans Les lettres persanes, les femmes sont souvent représentées à la toilette. Les normes de beauté et les différentes étapes de la toilette quotidienne sont décrites de manière rigoureuse par Montesquieu. Bien que son objectif premier soit très certainement de critiquer la société française du 18e siècle, l’auteur cherche également à divertir son lecteur (peut-être d’ailleurs afin de l’intéresser à la réflexion plus profonde qu’il livre sur la société). Ainsi, la femme perse, qui vit au sérail , Montesquieu jouant avec l’exotisme et l’inconnu pour séduire son lecteur. Le premier objectif de la femme perse est de combler son époux, de devenir sa favorite. Pour cela, elle doit chercher à se montrer toujours plus belle et éléganteque les autres épouses « Chacune de nous se prétendait supérieure aux autres en beauté. Nous nous présentâmes devant toi après avoir épuisé tout ce que l’imagination peut fournir de parures et d’ornements. » (III). La beauté qui caractérise ici les femmes perses semble être entretenue dans l’unique but de plaire à l’époux, tous les efforts possibles et imaginables étant bons pour y parvenir. Les femmes sont animées par « L’ardeur de (te) plaire ».Montesquieu revient à plusieurs reprises sur la toilette des femmes, parfois de manière seulement allusive, mais ce qui prouve tout de même l’intérêt particulier qu’il semble accorder au sujet. Il utilise beaucoup d’expressions propres à éveiller les sens de son lecteur et rend ainsi les descriptions plus vivantes. Par exemple, Fatmé ne va jamais se coucher sans s’être parfumée des « essences les plus délicieuses ». L’adjectif « délicieuse » fait appel à la fois au goût et à l’odorat du lecteur, qui s’imagine de manière réaliste cette femme allant se coucher. Les tournures hyperboliques sont aussi fréquemment utilisées par Montesquieu pour décrire la beauté de ces femmes. Elles apparaissent alors comme être presque divines, d’un autre monde, extraordinaires. Par exemple, il parle de « mille grâces naturelles » ou des essences « les plus délicieuses ». L’auteur décrit également certaines étapes de la toilette des femmes de manière assez ambiguë, si bien qu’à plusieurs reprises, l’ouvrage bascule dans l’érotisme. C’est notamment le cas lorsqu’il évoque les rapports entre Zélis et son esclave, dont « les mainsadroites portent partout les ornements et les grâces » ou lorsqu’à la CXLVIIe lettre, le grand eunuque informe Usbek que Zachi a été retrouvée « couchée avec l’une de ses esclaves ». Tenir de tels propos permet à Montesquieu de divertir son lecteur, en le faisant rêver aux charmes orientaux, si à la mode au 18e siècle. Il est d’ailleurs fort probable que le lecteur de Montesquieu associe les descriptions qui lui sont faites de la femme au sérail à celles qu’il a l’habitude de voir sur les peintures orientalistes. [On pense par exemple aux tableaux du peintre Vincent Pomarède Ingres, peintre du 19e siècle, mais Les lettres persanes ne sont pas uniquement lues par les contemporains de Montesquieu, mais également par les lecteurs du 19e, 20e et 21e siècle !). ) On retrouve dans l’ouvrage l’intérêt tout particulier que portaient les hommes du 18e siècle aux pays du Levant, lointains et mystérieux. Montesquieu associe inconnu, exotisme et sensualité pour donner à son œuvre une dimension divertissante.

11 Il accorde également une place importante aux femmes occidentales, qui sont décrites au travers du regard critique et étonné des deux seigneurs perses. Montesquieu joue sur l’origine des étrangers pour livrer une critique à la fois amusante et pleine de vérité des femmes de la société de son temps. En effet, les deux seigneurs en voyage d’études ne peuvent qu’être surpris de la condition de la femme au 18e siècle, puisque celles qu’ils ont l’habitude de côtoyer leur sont entièrement dévouées et n’ont pas le droit de s’exposer aux regards d’un homme autre qu’eux. Ils ne comprennent pas leurs habitudes, coutumes et manières. Ainsi, Rica, dans la XCIXe lettre, parle de la mode en France. Au-delà de la portée politique, voire philosophique qu’a la lettre, il faut y voir une critique profondément comique de la femme du 18e siècle. Suivre la mode, c’est finalement essayer de plaire et de séduire par l’originalité et le nombre de ses ornements. Là où les femmes orientales apparaissaient comme sensuelles, les femmes d’Occident sont tournées au ridicule : « Les coiffures montentinsensiblement [...] il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d’une femme au milieu d’elle-même. » Rica, dont le regard envers les coutumes françaises est habituellement plus tolérant et compréhensif que celui d’Usbek, va plus loin : « Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser, d’élargir leurs portes, selon que les parures des femmesexigeaient ce changement ».Il reste totalement insensible aux efforts fournis par les femmes pour séduire et les rend ridicules. Dans une autre lettre (LII) destinée à son compagnon de voyage Usbek, Rica se moque des femmes qui, malgré leur âge avancé, cherchent encore à séduire. Il rapporte la conversation qu’il a eue avec une jeune femme de vingt-deux ans : « Que dîtes-vous de ma tante qui, à son âge, fait encore la jolie ? » A cette question il répondit : « elle a tort ».Un peu plus loin, il dit que tenter de séduire à soixante ans est « du temps perdu »Il évoque dans une des lettres la toilette des femmes françaises de manière ironique : « Il n’y a rien de plus sérieux que ce qu’il se passe le matin à la toilette, au milieu des domestiques ; un général d’armée n’emploie pas plus d’attention à placer sa droite ou son corps de réserve qu’elle met à poser une mouche. »L’antiphrase « rien de plus sérieux »achève définitivement de rendre les femmes d’Occident ridicules. La comparaison avec le « général d’armée » est à l’évidence ironique. Le nombre et la sévérité des éléments qui prêtent à critiquer les femmes de la société française du 18e siècle laissent penser que Montesquieu est de l’avis de Rica. Il dénoncerait ici les habitudes de la noblesse et de la haute bourgeoisie du 18e siècle. Ilfaut néanmoins rester prudent lorsque l’on évoque le point de vue de Montesquieu, finalement assez difficile à identifier de par la diversité des opinions présentées.

12 Il faut tout de même retenir que les femmes perses et occidentales sont représentées de manière bien différente dans Les lettres persanes : les unes sont sensuelles, attirantes et mystérieuses alors que les autres sont ridicules. La représentation qui est ici donnée des femmes vise surtout à divertir le lecteur. Montesquieu livre par ailleurs une réflexion plus profonde sur la position des femmes par rapport aux hommes, qui rejoint cette fois son objectif principal : amener le lecteur à réfléchir sur le fonctionnement des différentes sociétés (ici perse et française) et tenter de les éclairer aux lumières de la raison. Il cherche à donner un essor nouveau en définissant des valeurs qu’il juge universelles et intemporelles

ontesquieu décrit de manière très précise la position et le rôle de la femme en Perse. Elle est représentée comme totalement dominée par l’homme, ne disposant d’aucune liberté individuelle. Pour cela, il confronte différents points de vue, qui s’accordent tous à dire que la femme est, par volonté divine, d’une race inférieure à l’homme. Si Montesquieu choisit de développer l’exemple des pays du Levant, c’est certainement parce qu’il s’agit des pays dans lesquels la femme dispose du moins de droits et qu’elle est le plus dépendante de son époux. Il cherche à amener son lecteur à réfléchir sur la légitimité d’un homme qui contrôle tous les actes et faits de sa femme. Il s’agit maintenant de montrer en quoi la femme perse est représentée comme dominée par l’homme et de comprendre pourquoi il en est ainsi. Si la femme dispose de si peu de libertés, c’est parce que Dieu en a décidé ainsi. En effet, la religion la plus répandue en Perse est l’islam. Les prophètes mahométans ont clairement réglé les droits de l’un et de l’autre sexe : « Les femmes, dit-il, doivent honorer leur mari ; leur mari doivent les honorer : mais ils ont l’avantage d’un degré sur elles. » D’ailleurs, les femmes sont tellement inférieures à l’homme qu’elles « n’entreront point au paradis ». La religion musulmane est à l’époque suivie par la plupart des Orientaux, comme le christianisme et le protestantisme le sont en Europe. Le discours d’hommes de foi est dès lors cru et respecté, même par les femmes, bien qu’il leur fasse préjudice. Par exemple, Zélis, une des épouses d’Usbek, accepte l’idée que l’homme est d’une race supérieure à la sienne. Elle ne cherche pas à le démentir puisque Dieu l’a décidé. Elle déclare simplement que « la nature est industrieuse en faveur des hommes »et souhaite que sa fille entre le plus tôt possible dans le sérail, car elle estime qu’ « on ne serait de trop bonne heure de priver une jeune personne des libertés de l’enfance et lui donner uneéducation sainte dans les sacrés murs où la pudeur habite. » (LXII)

13 La domination de la race masculine semble donc être acceptée, même par celles qui se trouvent défavorisées. Il est intéressant d’analyser le regard des deux seigneurs perses quant à la liberté des femmes en Occident :- Selon Usbek, « elles y ont perdu toute retenue : elles se présentent devant les hommes à visage découvert [...] l’usage de se faire servir par des eunuques leur est inconnu. » Il y voit une « impudence brutale à laquelle il est impossible de s’accoutumer.» (XXVI).Les hommes perses utilisent quantité de mots et d’expressions qui traduisent un sentiment de supériorité exacerbé: « faiblesse », « désavantage », « soumission »...C’est donc certainement à cause de l’influence de la religion musulmane en Perse et de son discours que la femme est privée de toute liberté. Afin de montrer à son lecteur comment la domination de la femme par l’homme peut s’exercer au quotidien et jusqu’à quelles situations elle peut conduire, Montesquieu développe largement l’exemple de la vie au sérail. Il ne faut pas oublier que l’objectif principal de l’auteur reste de défendre une valeur qu’il estime universelle : l’égalité. En montrant jusqu’à quelles extrémités la domination peut conduire, il espère, tout comme les grands tragédiens classiques, provoquer la catharsis. Dans le sérail, les femmes apparaissent comme être des objets, la propriété exclusive des hommes. D’ailleurs, Usbek ne séduit pas ses épouses, mais les achète comme de vulgaires biens matériels : « Dès que je l’eus jugée digne de toi[...] je lui mis au doigt un anneau d’or[...] Je payai les Arméniens » (LXXIX). Les femmes ne disposent d’aucune liberté. Elles sont surveillées par des eunuques (des hommes castrés) qui sont « le fléau du vice et lacolonne de la fidélité

’estcertainement la comparaison entre les droits dont disposent les hommes et ceux dont disposent les femmes qui permet le mieux de s’apercevoir du fossé qui sépare les deux sexes. Une multitude de choses sont permises aux hommes alors qu’elles sont interdites aux femmes. Par exemple, la polygamie est autorisée pour les hommes, mais lorsque « les lois » donnent une femme à un homme, elles « les dérobent à tous les autres » (LXII). Les femmes « nejouent ni ne veillent ; elles ne boivent point de vin et ne s’exposent presque jamais à l’air »,tant de petits plaisirs quotidiens dont peuvent jouir les hommes. Mais, l’élément qui caractérise le mieux cette absence de libertés est certainement le fait que les femmes ne peuvent recevoir ou fréquenter les personnes qu’elles souhaitent. Il leur est interdit de regarder ou de se montrer

14 devant un autre homme que leur mari, ni même devant un eunuque blanc. Si une des femmes était surprise en compagnie d’un inconnu, il serait immédiatement mis à mort. C’est d’ailleurs ce qu’il se passa avec l’amant de Roxane. Si les femmes venaient à transgresser une seule des lois du sérail, elles seraient sévèrement punies. Les punitions infligées par les eunuques aux femmes désobéissantes sont très précisément décrites dans les quinze dernières lettres. Les choses étant « venues à un état qui ne se peut [pouvait] plus soutenir », Usbek délivra à son premier eunuque « un pouvoir sans borne sur tout le sérail » (CXLVIII). Ainsi, Zachi et Zélis reçurent « un traitement indigne »et toutes les femmes d’Usbek furent tenues « enfermées chacune » dans leur « appartement » et contraintes de « vivre sous le voile » bien qu’elles y étaient « seules ». Ces quelques punitions montrent sans aucun doute la sévérité avec laquelle les femmes pouvaient être punies si elles ne respectaient pas fidèlement les règles strictes du sérail. Elles doivent vivre en se conformant aux volontés et aux désirs de leur époux. Le sérail est un exemple de lieu où les individus sont privés de toutes libertés individuelles. D’ailleurs, peut-être que le sérail doit être assimilé à la cour, où Usbek serait le Roi et les femmes les courtisans. Il est très difficile de percer les intentions de Montesquieu et de définir clairement le message qu’il veut faire passer tant la critique est implicite. Le sérail reste néanmoins un moyen pour Montesquieu de montrer jusqu’où peut mener l’absence de libertés et d’inciter le lecteur à réfléchir sur son propre comportement envers les femmes. Les femmes sont donc incontestablement soumises aux volontés des hommes. Pourtant, Montesquieu cherche à montrer qu’une domination en faits n’exclut pas pour autant toute forme de liberté. Le personnage de Roxane en est la preuve. Elle donne une image totalement différente de la femme orientale, qui se rapproche cette fois peut-être plus de la femme occidentale. Elle est l’épouse préférée d’Usbek, la plus belle, la plus vertueuse, la plus fidèle même, étant restée dans le devoir jusqu’à la lettre CLI. Dans cette lettre, Solim informe Usbek que Roxane a été « surprise dans les bras d’un jeune homme », bien sûr aussitôt mis à mort.Roxane commet ici un double crime, la rébellion et l’adultère, à la plus grande surprise son époux Usbek. En effet, la réaction qu’elle eut après leur mariage lui avait laissé croire que la belle et timide Roxane l’aimait et qu’elle était vertueuse. « Elle défenditjusqu’à la dernière extrémité une virginité mourante ». Usbek a cru voir en elle « les transports de l’amour » là où il n’y avait pourtant que « la violence de la haine ». D’ailleurs peut-être qu’Usbek aurait dû se méfier dès le début de cette jeune Roxane, qui n’hésita pas à prendre « un poignard » et menacer d’immoler un époux. L’épouse qu’il croyait être la plus vertueuse se révéla finalement être la plus avide de liberté. La haine

15 qu’elle porte à son « tyran » d’époux la pousse à aller chercher une histoire d’amour contrariée et clandestine, dont le genre épistolaire ne livre que des brides. Lorsque Roxane a demandé « d’aller à la campagne » (CLII), c’était pour retrouver l’un des deux hommes cachés dans la maison isolée. Le « jeune garçon » surpris dans les jardins du sérail s’avère finalement être son amant. Lorsque Roxane évoque dans son ultime lettre l’exécution de son amant, elle utilise seulement quelques mots de formulation hyperbolique, blessants et humiliants pour Usbek, qui, pour la première fois n’apparaît plus en maître incontestable du sérail, mais en époux outragé : « Le seul homme qui me retenait à la vie », « le plus beau sang du monde ». Roxane rend Usbek presque ridicule, de par sa naïveté : « Tu me croyais trompée, mais c’est moi qui te trompais ». Roxane représente ici la liberté, en osant enfreindre les lois du sérail et en tenant tête à son mari. Elle passe par delà tous les codes de comportements de la société de son temps. D'ailleurs, Roxane semble même à certains moments revêtir les habits d’une héroïne philosophe. « Ce langage sans doute te paraît nouveau » : Usbek qui aspirait à un savoir, à une sagesse éclairée, se révèle finalement n’être qu’un « tyran » (beaucoup de ses épouses le dénonceront d’ailleurs dans les quinze dernières lettres). Roxane évoque ses « caprices », ses « fantaisies » et dénonce un pouvoir domestique « arbitraire » et « illimité » (« pendant que tu te permets tout ») fondé sur la servitude et la « soumission ». Sa revendication de « liberté » ou plutôt son « esprit tenu dans l’indépendance » permet à l’épouse rebelle de s’affranchir de la domination de son mari. Son suicide apparaît comme l’ultime acte de sa revendication de liberté. Elle passe par delà tous les interdits de la religion et se libère définitivement de l’empire qu’a Usbek sur elle. Avec ce personnage féminin, Montesquieu donne une représentation bien différente de la femme. Pour la première fois, l’une d’entre elles ne se plie pas aux règles arbitraires fixées par la religion et refuse toute domination, malgré l’immense pouvoir de son époux. L’héroïne se bat pour des valeurs que Montesquieu a souvent défendues au travers des nombreuses œuvres : la liberté (face aux hommes et à la religion) ainsi que l’égalité. Le personnage de Roxane a une valeur à la fois politique et philosophique. Dans Les lettres persanes, Montesquieu souligne un autre point fondamental quant au pouvoir des femmes dans les différentes sociétés. En effet, dès la deuxième lettre, il affirme que les femmes sont pour la plupart des hommes « ce qu’ils ont dans lemonde de plus cher ». C’est d’ailleurs lorsque ses épouses se mettent àdésobéir aux lois du sérail que les limites de l’empire d’Usbek se dessinent. Les punitions « par procuration » qu’il inflige à ses épouses sont certainement en partie provoquées par la jalousie et la frustration de ne pouvoir avoir un contrôle absolu. S’il

16 est aisé de devenir maître de leur corps,il est beaucoup plus difficile d’être maître de leur cœur. Les hommes n’ont donc pas sur les femmes un empire total. Ces dernières de par leur « douceur », leur « humanité » et leur « raison » restent détentrices d’un pouvoir non négligeable : celui de l’amour (XXXVIII).Dans la XXXVIIIe lettre, Montesquieu essaie de savoir, sous la plume de Rica, si « la loinaturelle soumet les femmes aux hommes ». Il donne la parole à un philosophe occidental, qui est, fort probablement, le porte-parole de Montesquieu. Sa démonstration se compose de trois parties. IL proposetout d’abord une réponse claire à la question et se justifie : « Non, la nature n’a jamais dicté une telle loi. » «L’empire que nous avons sur elles est une véritable tyrannie ; elles ne nous l’ont laissé prendre que parce qu’elles ont [...] plusd’humanité et de raison ». Il analyse ensuite la position relative de l’homme et de la femme, et définit l’empire que chacun détient : « nous n’avons sur les femmes qu’un empire tyrannique » mais « elles ont sur nous un empire naturel, à qui rien ne résiste. ». Montesquieu marque ici l’opposition entre les deux sexes en utilisant le procédé du parallélisme et de l’opposition. La construction grammaticale et les mots employés sont rigoureusement identiques, à l’exception de « nous » et « elles », « femmes » et « nous », et « tyrannique » et « naturel », qui se font opposition. Afin d’appuyer son argumentation, le philosophe / Montesquieu rappelle que « chez les peuples les pluspolis, les femmes ont toujours eu de l’autorité sur leur mari». Il donne, pour clore sadémonstration, une série d’exemples. L’argument de Rica, appuyé sur la parole sacrée du prophète, paraît bien léger à côté de la démonstration du philosophe. Au travers de cette réflexion plus théorique, Montesquieu met en avant le fait que les femmes détiennent un « empire naturel » sur les hommes et que les lois naturelles ne soumettent en aucun cas les femmes aux hommes. L’auteur nous fait part de ce qu’il estime être la meilleure relation qu’il pourrait y avoir entre les hommes et les femmes. Avec la représentation qu’il donne ici de la femme, il va à l’encontre de toutes les étiquettes et préjugés de la société de son temps. Son esprit, incroyablement moderne pour le 18e siècle, se libère des règles strictes imposées par le régime politique sous lequel il vit. Dans Les lettres persanes, Montesquieu donne différentes représentations de la femme, La femme orientale apparaît comme extrêmement sensuelle, en particulier au moment de la toilette, alors que la femme occidentale est tournée au ridicule, Montesquieu cherche ici à divertir.

17 Dans tout cela, écrit Marivaux, je ne vois qu’un homme d’esprit qui badine... »(...) « Montesquieu nous enseigne que l’impertinence est libératrice et le respect une attitude paresseuse, non pas une solution » L’actualité des Lettres persanes : conclusionSi nous faisions refaire le voyage raconté par Montesquieu, les « choses vues » seraient-elles si différentes ? Pas certain... certes, on ne trouverait plus de « monarque absolu », la tyrannie s’est déplacée ... L’argent et la finance triomphants en économie ne sont-ils pas des sortes de dictateurs inflexibles – devant qui tout le monde s’incline. Certes, il n’y a plus de lettres de cachet mais des licenciements en masse. Quant à l’égalité et la liberté comparées entre femmes orientales et femmes occidentales, on retrouve les mêmes observations que chez Montesquieu. Développer cette comparaison n’est pas mon propos aujourd’hui .... Je dois à ce groupe littérature et à la re-lecture des Lettres persanes d’avoir pris un plaisir insoupçonné. J’espère ne vous avoir pas ennuyés avec cet exposé. Bien entendu, il n’est pas exhaustif, à d’autres de traiter religion, politique et autres thèmes possibles.

LETTRE LXIII.

RICA À USBEK.

À ***.


Je crois que tu veux passer ta vie à la campagne. Je ne te perdois au commencement que pour deux ou trois jours ; et en voilà quinze que je ne t’ai vu : Il est vrai que tu es dans une maison charmante, que tu y trouves une société qui te convient, que tu y raisonnes tout à ton aise ; il n’en faut pas davantage pour te faire oublier tout l’univers.

Pour moi, je mène à peu près la même vie que tu m’as vu mener ; je me répands dans le monde, et je cherche à le connoître : mon esprit perd insensiblement tout ce qui lui reste d’asiatique, et se plie sans effort aux mœurs européennes. Je ne suis plus si étonné de voir dans une maison cinq ou six femmes avec cinq ou six hommes ; et je trouve que cela n’est pas mal imaginé.

Je le puis dire : je ne connois les femmes que depuis que je suis ici ; j’en ai plus appris dans un mois que je n’aurois fait en trente ans dans un sérail.

Chez nous, les caractères sont tous uniformes, parce qu’ils sont forcés : on ne voit point les gens tels qu’ils sont, mais tels qu’on les oblige d’être ; dans cette servitude du cœur et de l’esprit, on n’entend parler que la crainte, qui n’a qu’un langage, et non pas la nature, qui s’exprime si différemment, et qui paroît sous tant de formes.

La dissimulation, cet art parmi nous si pratiqué et si nécessaire, est ici inconnue : tout parle, tout se voit, tout s’entend ; le cœur se montre comme le visage ; dans les mœurs, dans la vertu, dans le vice même, on aperçoit toujours quelque chose de naïf.

Il faut, pour plaire aux femmes, un certain talent différent de celui qui leur plaît encore davantage : il consiste dans une espèce de badinage dans l’esprit qui les amuse en ce qu’il semble leur promettre à chaque instant ce qu’on ne peut tenir que dans de trop longs intervalles.

Ce badinage, naturellement fait pour les toilettes semble être parvenu à former le caractère général de la nation : on badine au conseil, on badine à la tête d’une armée, on badine avec un ambassadeur ; les professions ne paroissent ridicules qu’à proportion du sérieux qu’on y met : un médecin ne le seroit plus si ses habits étoient moins lugubres, et s’il tuoit ses malades en badinant.

À Paris, le 10 de la lune de Rebiab 1, 1714.

Objet d’étude : La littérature d’idées du XVIe au XVIIIè siècle

Oeuvre : Lettres persanes, Montesquieu => œuvre emblématique des Lumières en France

Parcours associé : Le regard éloigné

Texte n° 3 : Lettre 63 « Le badinage »

📌 [Introduction]

👉 Dans Lettres persanes, publié en 1721, Montesquieu utilise le roman épistolaire et des personnages persans pour décentrer le regard et offrir un regard neuf, objectif sur les mœurs et les institutions françaises.

👉 La majeure partie des lettres envoyées par Usbek sont une réflexion philosophique, s’appuyant sur des faits politiques, religieux ou moraux, tandis que Rica adopte un un ton plus léger, visible notamment dans la lettre 63 dans laquelle il dévoile les charmes de la société française.

👉 Cette lettre de Rica à son ami Usbek représente une peinture sociologique des mœurs sociales françaises au début du XVIIIème siècle, sous la Régence. Rica porte son intérêt sur les femmes occidentales.

LECTURE du texte


📌 [Problématique] Nous nous demanderons comment Montesquieu, grâce à la particularité du style de Rica qui utilise le masque du regard naïf du persan, présente une satire à la fois de l’orient et de l’occident.

📌 [Annonce de plan-mouvements du texte] Afin de répondre à cette problématique, nous pouvons distinguer deux mouvements dans ce texte.

📌Le premier mouvement du début de la lettre à « en trente ans dans un sérail » L16 montre l’évolution de Rica au contact de la société parisienne.

📌 Le deuxième mouvement de la ligne 17 « chez nous... » à la fin de la lettre présente la critique de Rica sous-jacente de l’orient et de l’occident derrière l’ironie.

📌 I- L’évolution de Rica au contact de la société parisienne

(Du début à « en 30 ans dans un sérail »)

A- Rica, spectateur de l’intégration d’Usbek

👉 L1 Usbek s’est retiré à la campagne « je crois que tu veux passer ta vie à la campagne ».

« passer ta vie » L1, « je ne te perdais » L2, « oublier tout l’univers » L6 => hyperboles pour accentuer l’isolement d’Usbek.

Avec un style léger et amusé, Rica constate qu'Usbek prend goût à cette vie, éloignée de la société parisienne, qu’il en oublie ses amis.

👉 L4-5 La gradation dans « que tu es dans une maison charmante, que tu y trouves [..] que tu raisonnes tout à ton aise » met en évidence que cette retraite à la campagne d’Usbek lui permet d’approfondir sa réflexion philosophique dans un cadre qui s’y prête.

👉 Rica montre d’une part une complicité avec son ami et d'autre part, conçoit le voyage de la même façon qu’Usbek, c'est-à-dire comme un moyen de vivre des expériences permettant de s’enrichir.

B- L’enthousiasme de Rica quant à sa propre intégration

👉 Rica s’oppose à Usbek : il exprime son enthousiasme quant à sa propre intégration : son ouverture aux autres et sa curiosité intellectuelle : « je me répands » L8 et « je cherche » L8.

👉 L9-10 L’Occident finit par le séduire. Les termes « se plie », insensiblement », « sans efforts » montrent qu’il évolue avec aisance dans la société française. Il prend même conscience de sa quasi perte d’identité puisqu’il affirme « mon esprit perd insensiblement tout ce qui lui reste d’asiatique »

👉 L11 « cinq ou six femmes, avec cinq ou six hommes ». Le monde du sérail s’éloigne puisque Rica n’est pas choqué de voir des hommes et des femmes ensemble, d'autant plus qu'il indique le même chiffre, ce qui souligne une certaine égalité dans les relations, alors inexistante et inconcevable dans les sérails orientaux.

👉 L15 « je ne connais les femmes que depuis que je suis ici ». Rica ne possede aucune attache féminine en orient, ce qui lui donne un jugement plus objectif, vis à vis des deux cultures.

C'est donc légèrement et de façon méliorative que Rica dévoile le monde occidental, mais derrière cette légèreté, transparaît une critique de l'orient mais aussi de l'occident.

📌 II- La critique de Rica de l’orient et de l’occident derrière l’ironie

(L17 De « Chez nous... » à la fin

A- La critique du système oriental

👉 L17 Rica n’est pas aveuglé par les préjugés et les habitudes de son pays. Il comprend que le despotisme règne aussi chez lui, en Perse, et même au sein du sérail que gouverne son ami Usbek. Il dit à propos du sérail : « Chez nous, les caractères sont tous uniformes, parce qu’ils sont forcés ». Il adopte une attitude plus bienveillante à l’égard de l’occident par comparaison avec l’orient.

👉 Le fait que les hommes et les femmes vivent ensemble et que les esprits ne soient pas «uniformes » L17 permet de côtoyer une multitude de pensées, ce qui est impossible sous un régime despotique, régime qui est perçu par Rica comme aliénant les hommes ou les femmes ???

expression « tels qu'on les oblige d'être » L19.

👉 Il utilise des termes forts pour traiter de ce régime politique tels que « crainte » L20, «servitude » L19 ou encore « forcés » L18 qui semble être le fondement de ce régime.

👉 Rica insiste sur la contrainte et l'usage d'une apparence qui ne reflète pas la personnalité. De plus, il qualifie la dissimulation de « nécessaire » L23 en orient, ce qui montre par conséquent un régime perverti, corrompu.

👉 Rica est persan. Il connaît donc les causes et les effets du despotisme qu’il décrit ; les causes étant la servitude, les craintes et les effets, l'uniformité. L'assujettissement est total puisqu'il parle de « la servitude du coeur et de l'esprit » L19.

B- Opposition de l’excès oriental (despotisme) et de l’excès occidental (légèreté)

👉 L23 Opposition de l'excès oriental (despotisme) et de l’excès occidental (trop de légèreté)

Après s'être focalisé sur les points négatifs de l'orient, Rica oppose le despotisme oriental à la légèreté occidentale. L'utilisation de « parmi nous » souligne le fait que Rica ne s’attaque pas à l'orient dans le but de renier ses origines, pour s'adonner entièrement à la culture occidentale, mais plutôt qu'il procède à un état des lieux.

👉 L24 La répétition de « si...si » souligne l'importance de la dissimulation en orient et s'oppose à « inconnue » qui dénote la transparence de l'occident renforcée par la répétition de « tout ».

Les trois verbes « parle, se voit, s'entend ». renvoient aux activités mondaines parisiennes au cours desquelles les femmes aimaient à discuter, se montrer.

Au contraire, le monde persan est régi par l’interdit du regard et décrit comme un monde opaque et secret.

👉 Nous pouvons penser que la phrase « le coeur se montre comme le visage » L27 est une référence aux femmes voilées en orient. En effet, en Perse, lorsque les femmes devaient se montrer en public, elles devaient être voilées.

C- Le badinage semble aussi dangereux que le despotisme oriental

👉 L30 Le terme « badinage » est répété cinq fois et sous différentes formes. Cette répétition insiste sur le fait que la société occidentale a un fonctionnement à l’opposé de celui de l’orient.

En Perse, le despote fait régner « crainte et servitude », en occident le roi prend tout à la légère et de manière insensée. Tu n'as pas à parler du roi dans cette lettre ! Il s'agit seulement de la société à l'époque... Le badinage est comme une esthétique imposée par le siècle. C'est une soumission au goût de la société de l'époque . C'est devenu un rituel social, mondain

👉 L29-31 La société mondaine française semble être régie par le désir des femmes «leur plaît, les amuse, leur promettre... ».

👉 Cette superficialité mondaine ( féminisation ? ) s'est imposée jusque dans l’organisation de la nation. Rica affirme que la société française se définit par cette futilité puisqu'il la considère comme « le caractère général de la nation » L34.

L35-36 Il dévalorise la société française en faisant référence aux activités versaillaises synonymes de frivolité, de gaspillage voire même d'inconscience. Rica utilise le pronom personnel « on » montrant que toute la société française est pervertie et impacte la politique « au conseil », le domaine militaire «  à la tête d’une armée », les relations internationales « avec un ambassadeur ».

👉 L36 Ainsi, la dernière phrase montre que même une profession comme la médecine est impactée par l’apparence. En effet, dans la société française, sans sa tenue vestimentaire sombre, un médecin ne serait pas pris au sérieux. Mais la phrase a une tonalité satirique qui  suggère que c'est devenu caricatural.

👉 Il semble que derrière l'écriture de Rica se cache la pensée de Montesquieu qui souligne le danger que représente XXXXXXX. l’excès de liberté et de légèreté. Il mène inexorablement à une société pervertie ( presque féminisée aussi ) où se maintiennent le vice et la corruption, XXXXXXX

Ainsi, les différences entre les deux sociétés tendent à les

orienter vers de mêmes risques : la corruption. Mais ce n'est pas la même corruption. Pour l'une c'est celle des grands due au despotisme. Pour l'autre c'est celle de toute la société : liberté, légèreté, vice et corrution des moeurs

📌 Conclusion

👉 Montesquieu se livre à une critique acerbe de la société sous Louis XIV et remet en question XXXXXXXX l'esprit de Cour.

👉 Le style léger et amusé adopté par Rica permet de mettre en évidence la complexité des deux cultures, orientale et occidentale. Cependant, les différences observées tendent non pas à valoriser une société par rapport à l’autre, mais à montrer le risque que représente la corruption tant sous un régime despotique que sous «  la comédie humaine » ( Balzac ) de l'époque.

[Ouverture] Cette lettre n'est pas sans rappeler Voltaire qui par l'intermédiaire de personnages fictifs et d'une argumentation indirecte, en mêlant orient et réflexion politique, évite la censure pour conduire ses dénonciations les plus virulentes (Candide).

Attention, Voltaire est pour une monarchie éclairée (donc pour la monarchie)


 

On a dit de Rousseau :
 
qu'il avait mis " du vert dans la littérature ". Vous définirez avec précision son sens de la nature.
Les occasions :
a ) Escapades ( enfance ) et voyages.
b ) Séjours ( Charmettes, Ermitage, île St Pierre ).
c ) Dégoût de la vie sociale et urbaine
Les Œuvres :
a ) Récits réels : Confessions, Rêveries
b ) Correspondance : à M. de Malesherbes.
c ) Fictions : Nouvelle Héloïse, Emile
Les paysages
a ) Montagnes ou plaines.
b ) Paysages limités ( grottes , forêts ) ou étendues ( lacs, champs )
c ) Paysages solitaires ou peuplés ( paysans ).
Comment ?
1 ) En voluptueux
 
a ) Couleurs ( peu nombreuses ) et formes ( nombreuses ).
b ) Action bénéfique sur son état physique.
c ) Volupté sensuelle
2 ) En sentimental :
 
a ) La nature est le miroir des sentiments.
b ) La nature entraîne l'apaisement des passions.
c ) La nature provoque le renaissance des souvenirs.
d ) La nature déclenche l'exaltation de l'imagination.t
3 ) En mystique
a ) Extase existentielle au sein de la nature.
b ) Intuition de Dieu.
c ) Sens de la Providence.
Dans quelle mesure ?
1 )  Limites :
a ) Aspects peu nombreux.
b ) Horizons limités.
c ) Pittoresque réduit.
 
2 ) Originalité
a ) Avant Rousseau, la nature sert de cadre à la galanterie ( Astrée ); d'antichambre à la morale ( La Fontaine ); de contrepoint au bavardage mondain ( Madame de Sévigné );  de tremplin au lyrisme religieux (Bossuet).
b ) Avec Rousseau, la nature vit : Elle est elle-même ( nature décrite ), elle est l'homme ( nature sentie ), elle est Dieu ( nature pensée )
3 ) Influence
a ) Suite directe : Mœurs : jardins, goût pour la campagne; littéraire : thèmes littéraires nouveaux, culte de la sensibilité.
b ) Prolongements et dépassements :  Pittoresque et exotisme ( Bernardin de St Pierre, Chateaubriand ). Personnification de la nature ( Lamartine, Musset, Vigny ). Animisme cosmique ( Victor Hugo )
Conclusion :
Sentiment personnel et vrai, importance littéraire capitale.
 
 
 
La pensée dramatique de Molière




Cr savoir ce que pense Molière de son art, comment il conçoit le " drame ", c'est-à-dire le genre théâtral ( par opposition aux autres genres littéraires ), il faut s'adresser en premier lieu à certaines de ses préfaces, mais surtout à deux pièces : la critique de l'École des femmes ( 1663 ) et l'impromptu de Versailles ( 1663 aussi, mais imprimé seulement en 1682.


Du public au comique

Dès la préface des Précieuses ridicules ( 1659 ), il indique : " Le public est le juge absolu de ces sortes d'ouvrages. " Il revient sur ce thème du " public " en 1661 dans la préfae des Fâcheux et précise encore sa pensée dans la scène 5  de la Critique : " Je me fierais assez à l'approbation du parterre par la raison qu'entre ceux qui le composent il y en a plusieurs qui sont capables de juger une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d'en juger qui est de se laisser prendre aux choses et de n'avoir ni prévention aveugle, ni délicatesse ridicule. " Ces considérations nous amènent tout droit au problème du comique; en face d'un double public, " le parterre " et la cour, les gens simples et les " honnêtes gens ", comment Molière procède-t-il pour plaire à la fois aux uns et aux autres ?

C'est d'abord par le recours à la forme la plus traditionnelle du comique : le contraste. Cela remonte à la farce, qui oppose entre eux des personnages tout faits et qui fait jaillir le rire de cette opposition, de ce choc : Gorgibus ne se reconnaît pas dans Cathos et Magdelon; celles-ci, de leur côté, doutent de leur parenté avec lui. Le contraste peut s'étendre au vocabulaire, et l'on pensera ici aux exclamations célèbres : " le pauvre homme " ou " le poumon ". le  comique, à ce niveau, est simple, simpliste même aux yeux des difficiles. Il peut cependant s'affiner : ainsi lorsque Tartuffe use ( et abuse ) du vocabulaire religieux pour tourner sa déclaration d'amour : il peut passer du simple contraste entre les personnes ou les mots au contraste des caractères ou des pensées : Philinte et Alceste affirment deux philosophies contraires de la vie. Le contraste peut aussi se manifester à l'intérieur d'un même personnage; Alceste, en désaccord avec ses principes, est amoureux d'une coquette. Arnolphe est à le fois père adoptif et amoureux. Techniquement, des scènes entières peuvent être des scènes à contraste ; ainsi les scènes de dépit amoureux ( cf. Le Dépit ou le Bourgeois Gentilhomme ) dans lesquelles la première partie s'oppose à le deuxième, l'opposition d'ailleurs n'étant pas seulement formelle, mais trouvant un fondement psychologique, dans les caprices des amoureux.
Ce comique de contraste peut devenir un comique hors des convenances, quand il oppose le personnage du bourru à la société. c'est le cas dans l'école des femmes. Ce même type de bourru, ce sera aussi Alceste " l'atrabilaire amoureux " ( sous titre de la pièce ). Cependant, contrairement  à l'opinion de Jean-Jacques Rousseau, d'autres pensent   qu'Alceste ne ridiculise pas un personnage vertueux, mais donne au contraire de la vertu à un personnage traditionnellement bouffon.. Ce bourru, c'est le personnage qu'il interprétait ordinairement: sans doute correspondait-il à un jaillissement personnel, à une tendance intime : peut-être est-ce la raison de ce supplément d'humanité.
A ce comique par contraste, fourni par la tradition mais enrichi, Molière joint ne forme plus personnelle, plus raffinée, qui répond mieux que la première aux désirs des spectateurs cultivés : la parodie. le rire ne jaillit pas seulement d'un choc, mais d'allusions contemporaines. C'est un comique tiré de l'actualité, surgissant directement de la satire des m
œurs. Dans les précieuses, la parodie commence dès que Jodelet et Mascarille se sont introduits chez les deux jeunes filles et leur jouent la comédie de la préciosité et de la galanterie. La scène est d'ailleurs d'une complexité comique remarquable, qui témoigne de la maîtrise de l'auteur : double comique de contraste dans la mesure où ces deux grands seigneurs ne sont en réalité que  des valets et où ces jeunes filles simples se font passer pour des mondaines;  double parodie aussi par les valets, parodie des manières et des propos précieux ( pastiche dont ils sont très conscients d'ailleurs ); par les jeunes filles, parodie de la foi en la préciosité puisqu'elles accueillent avec sérieux ce qui n'est que singerie de la part des deux  hommes. Dans le Misanthrope les exemples de comique par parodie sont nombreux : on songera à la cène du sonnet, à celle des portraits, à celle d'Arsinoë. Mais ce qui est le plus remarquable, c'est que souvent Molière introduit la parodie elle-même dans l'action: si quand il nous présente le salon de Célimène, il y a parodie pour les spectateurs, mais non pour les protagonistes, dans le Tartuffe par contre il parodie les faux-dévots qui eux-mêmes parodient les vrais, et c'est cette dernière parodie, jouée par l'inquiétant Tartuffe dans la demeure d'Orgon, qui fournit à la pièce son action. A ce stade le moyen comique est devenu matière comique.

. Le problème du genre des comédies de Molière se trouve posé par deux phrases d'une critique : " Ces sortes de satires tombent directement sur les mœurs... ce sont miroirs publics ", " Lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d'après nature; on veut que ces portraits ressemblent, et vous n'avez rien fait si vous n'y faites reconnaître les gens de votre siècle ". Que peint-il donc, les mœurs ou les caractères ?

La recherche du contraste conduit Molière à la comédie de caractère, celle de la parodie à la comédie de mœurs. Le théâtre de Molière est donc à la fois un théâtre de caractère et un théâtre de mœurs. Les traits de caractère analysés et peints par l'auteur sont éternels, mais aussi d'époque dans la mesure où l'on y trouve un tableau de la vie sociale et familiale au XVII e siècle. Le caractère d'ailleurs dépend en partie des urs : c'est parce que les classes sociales sont extrêmement tranchées qu'on trouve des benêts ambitieux comme Monsieur Jourdain, parce que les mariages sont avant tout des affaires qu'on voit des jeunes gens et des jeunes filles porter atteinte au respect de la famille. La religion faisant l'essentiel de la vie de cette époque, donne à l'hypocrisie les moyens de s'épanouir, et l'obsession des convenances ouvre la porte à la pruderie.

Le vrai sujet des comédies de Molière, c'est donc, comme il le dit lui-même, le " siècle ". Cette vérité de la matière est d'ailleurs lourde de conséquences, car en constatant que dans l'Univers moliéresque se joue une authentique comédie humaine, nous sommes contraints de constater aussi, avec lucidité et non sans un certain malaise que, dans notre univers humain, se joue éternellement une comédie moliéresque.  Les frontières du théâtre et de la vie, comme celles de la comédie de mœurs et de la comédie de caractère, sont abolies par Molière.

Une telle conception de la satire qui s'appuie à la fois sur la réalité et sur la vérité, soulève un nouveau problème et le résout en même temps :celui de l'action. Comment Molière procède-t-il pour révéler le spectateur à lui-même, dégonfler son orgueil, sa dignité et dénoncer sa manie de jouer un rôle ?  Est-ce en l'intéressant aux péripéties de l'action ou non ?

Puisqu'il veut avant tout offrir aux spectateurs un tableau d'époque, il est clair que l'action sera reléguée au deuxième plan. C'est même un lieu commun de dire que Molière a toujours dédaigné l'intrigue et qu'un dénouement intervient soudain dans ses pièces parce qu'on en est au dernier acte et qu'il faut bien en finir. Sauf peut-être dans le Dépit Amoureux et l'intrigue est psychologique , il n'y a pas d'intrigue au point de vue dramatique. Le drame psychologique, les problèmes de caractère psychologique, ne sont pas l'essentiel pour lui : la psychologie n'est même pas le ressort de l'action. Le seul rôle de l'intrigue est de servir à une démonstration, en apportant un dénouement édifiant. Le seul élément de drame est donc moral, comme chez La Fontaine. Il s'agit, par le dénouement, d'éclairer le spectateur sur un problème, et non seulement le spectateur, mais bien souvent aussi l'un des personnages de la pièce. L'action pourrait se ramener souvent à une simple question : dans le Tartuffe, Orgon comprendra-t-il enfin ? Dans les Femmes savantes, Philaminte comprendra-t-elle enfin ?. Il y a d'ailleurs des incorrigibles, dans cet univers, comme Dom Juan, Monsieur Jourdain, ou Harpagon. Mais dans ce cas, le spectateur, lui, a compris : Dom Juan offre l'exemple immoral de 'obstonation, Jourdain, l'exemple ridicule de cette même obstination.
L'action dans le Misanthrope, n'est pas dans l'affaire du sonnet, ni dans celle du procès, ni même dans le choix imposé par ses prétendants à Célimène. Elle est bien plutôt dans les efforts d'Alceste pour arracher Célimène à la mondanité. Au dénouement, Alceste comprend enfin que Célimène est une mondaine, qu'elle n'est pas faite pour lui, ni lui pour elle : " Et mon cœur maintenant vous déteste ". A  l'acte V c'est moins entre Alceste et les autres que Célimène doit choisir, qu'entre le Monde et la Solitude.  Elle accepte bien d'épouser Alceste, car c'est tout de même lui qu'elle préfère, mais non pas de le suivre. Ce n'est pas un problème de sentiment qui est posé, mais un problème de morale : la Vertu et le Siècle sont-ils ou non des inconciliables ? Et le seul dénouement possible est dans la fuite d'Alceste au désert.
La comédie ainsi conçue rejoint la tradition des moralités, mais avec une ampleur et une portée qui touchent à la philosophie, et qui finissent même par placer la comédie en marge de la morale. Cette conception de l'action nous conduit donc à un dernier problème : celui du but de la comédie.

" Rectifier et adoucir les passions des hommes ", tel est le but précisé par Molière dans la préface du Tartuffe; mais est-il pour cela un moraliste ?
Marmontel parle fort justement du " coup d'
œil philosophe " de Molière. Ce théâtre en effet, n'a pas de but moral à proprement parler, et malgré les dénouements qui, moralement parlant, finissent bien, comme dans le Tartuffe, ce n'est pas à une démonstration morale que les spectateurs sont conviés, mais à une méditation pure. Molière fait ici figure de contemplateur: il paraît se plaire, installé en marge de la société, à la contempler, à juger et à jauger les hommes. Arsitocrate de l'esprit, il nous livre ses méditations sur la nature et sur l'homme, mais sous la  forme d'un tableau, non d'un choix. Il oppose, dans le Misanthrope, les personnages d'Alceste et de Philinthe, les appelle tous deux des " philosophes ", mais ne conclut pas. Leurs  principes sont sans doute les mêmes, mais ils sont en désaccord sur la façon de les appliquer : Molière se garde de choisir et de conseiller. Même absence de choix d'ailleurs, quand on songe à la double présence des personnages qui finissent par comprendre ( les Précieuses, Philaminte, Arnolphe ) et ceux qui ne comprennent pas ( Harpagon, Dom Juan, et, en moins grave, Jourdain et le malade imaginaire ).
La satire cependant s'accommode de cette perspective : de même que le spectateur est implicitement invité à mettre en cause les vrais méchants, qui, dans le Misanthrope par exemple, ne sont pas en scène ( car nous ne voyons que les mondains , " qui sont aux méchants complaisants " ), de même le spectacle de la vie du temps nous amène à formuler un jugement de valeur,. Mais Molière ne fournit que le tableau : il nous montre le monde tel qu'il est, il ne nous endoctrine pas. Du spectacle qu'il nous offre se dégage seulement une sorte de scepticisme moral , qui le ferait exclure par Platon de sa République. Contemplant avec une lucidité sans illusions, avec un coup d'
œil sûr et sévère, il invite tous les spectateurs à en faire autant, à y voir clair en eux et autour d'eux. C'est ce qu'il appelle modestement "rectifier et adoucir les passions " : programme sans ambition, sans exigences, dégagé de toute prédication et de toute théorie morale, théâtre qui prêche non le bien mais la lucidité, premier pas vers une sagesse plutôt que vers une morale.
Nous avons tout à l'heure parlé de morale à propos des dénouements et de l'action, mais c'est d'une morale qui n'enseigne rien, moralement parlant.La vertu et le siècle sont inconciliables, Alceste se réfugie au désert...mais finalement que nous faut-il faire ?  Agir comme Philinte, comme Alceste, ou comme Célimène ? Molière ne nous l'indique pas. Le seul but qu'il se propose, c'est d'éclairer d'un jour cru l'universelle comédie humaine. L'invitation à cette contemplation philosophique est, si l'on veut, sa " morale " : voir lucidement le monde comme il est, nous voir chacun de nous comme nous sommes, essayer d'être chacun ce que l'on est. En ce sens, sa contemplation est un combat, car, au nom de la lucidité, il arrache à ses victimes les voiles de l'hypocrisie. Il naît au succès en peignant à Paris cette trahison de l'intelligence et du goût qu'est le romanesque précieux. Il poursuit en dénonçant tantôt celle de la piété ( Tartuffe ), tantôt celle du libertinage ( Dom Juan ), celle de la vertu ( Arsinoë ), celle de la culture ( Vadius et Trissotin ), et combien d'autres... Trahison aussi, que le désir exacerbé de vérité ( Alceste ), car ses fureurs violentent la vocation sociale de l'être humain. Il mourra devant son public parisien en croyant dénoncer seulement, dans le Malade Imaginaire, la trahison de la nature physique , mais ce spectacle tragique et inattendu ( ultime spectacle, ultime leçon ) apprendra bien plus aux spectateurs : que la vie elle-même est truquée, qu'elle n'est que le mensonge de la mort. Ainsi, le Destin apportait une brutale confirmation à son combat.

Conclusion : Cette étude rapide de la pensée dramatique de Molière nous a conduits, si l'on y réfléchit bien aux principes mêmes du classicisme. Certes on va répétant qu'il faut " instruire et plaire ", mais les auteurs classiques ont trop  le sens de l'autonomie de l'art pour soumettre celui-ci à la morale : il s'agit surtout de " bien définir et bien peindre ". L'auteur n'a pas la folle prétention de donner des conseils pour bien vivre; il est essentiellement un technicien qui monte un beau spectacle, qui brosse un impeccable tableau, qui règle une éblouissante parade. Cette fête de l'art à laquelle il nous convie, le spectateur pourra toujours la rapporter, s'il le veut, à l'échelle des valeurs morales du temps, pour en tirer quelque conclusion ou quelque enseignement.
Pour Molière, les chemins du Rire sont aussi ceux de la Sagesse, mais s'il nous contraint à rire, il nous invite seulement à penser. A nous et à nous seuls, de prendre rang parmi ceux qui comprennent, ou de demeurer au contraire parmi ceux qui ne comprendront jamais.

 

Le lys dans la vallée Balzac



 
 "Tous ses personnages, dira Baudelaire, sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont  aussi profondément colorées que les rêves. "
La tendre Mme de Mortsauf, c'est la vertu incarnée; Rastignac, c'est la volonté de réussir...Là réside le vrai génie génie de Balzac : avoir fait accéder à travers ses personnages, les réalités quotidiennes du monde et de l'histoire à la dignité universelle d'une légende, non pas par l'arbitraire d'une simple mise en scène littéraire, mais par la qualité et la puissance d'un regard et d'une passion, nourris précisément des spectacles et des drames vécus dans le monde et dans l'histoire.



 
Le lys dans la vallée Balzac
 


"J'eus souvent le fouet pour mon étoile. Ne pouvant me confier à personne, je lui disais mes chagrins dans ce délicieux ramage intérieur par lequel un enfant bégaie ses premières idées, comme naguère il a bégayé ses premières paroles
Lors de ma première communion, je me jetai donc dans les mystérieuses profondeurs de la prière, séduit par les idées religieuses dont les fééries morales enchantent les jeunes esprits. Animé d'une ardente foi, je priais Dieu de renouveler en ma faveur les miracles fascinateurs que je lisais dans le Martyrologe. A cinq ans je m'envolais dans une étoile, à douze ans j'allais frapper aux portes du Sanctuaire. Mon extase fit éclore en moi des songes...
Ma mère fut impitoyable, son œil... me pétrifia, elle fulmina de terribles prophéties. " Que serais-je plus tard, si dès l'âge de 17 ans je faisais de semblables équipées ! Étais-je bien son fils ? Allais-je ruiner ma famille. Étais-je donc seul au logis ?
Le jour de sa fuite;  trois fois le hasard s'interposa fatalement entre l'enfer du Palais Royal et le paradis de ma jeunesse. Le jour où, me trouvant honteux à 20 ans de mon ignorance, je résolus d'affronter les périls...
Ce léger croquis d'une jeunesse, où vous devinez d'innombrables élégies, était nécessaire...
Je connaissais métaphysiquement la vie dans ses hauteurs au moment où j'allais apercevoir les difficultés tortueuses de ses défilés et les chemins sablonneux de ses plaines.
Je jouais la comédie... fils dénaturé... Je voulais mourir.
..Elle s'en alla par un mouvement de reine.
Ce dernier ennui me dégoûta de la fête. Il était impossible de sortir, je me réfugiai dans un coin, au bout d'une banquette abandonnée, où je restai les yeux fixes, immobile et boudeur.
Trompée par ma chétive apparence, une femme me prit pour un enfant prêt à s'endormir en attendant le bon plaisir de sa mère, et se posa près de moi par un mouvement d'oiseau qui s'abat sur son nid. Aussitôt je sentis un parfum de femme qui brilla dans mon âme comme y brilla depuis la poésie orientale. Je regardai ma voisine, et fus plus ébloui par elle que je ne l'avais été par la fête; elle devint toute ma fête. Si vous avez bien compris ma vie antérieure, vous devinerez les sentiments qui sourdirent en mon cœur. Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles  se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie... "


Ce dernier ennui me dégoûta de la fête. Il était impossible de sortir, je me réfigiai dans un coin, au bout d'une banquette abandonnée, où je restai les yeux fixes, immobile et boudeur.
Trompée par ma chétive apparence, une femme me prit pour un enfant prêt à s'endormir en attendant le bon plaisir de sa mère, et se posa près de moi par un mouvement d'oiseau qui s'abat sur son nid. Aussitôt je sentis un parfum de femme qui brilla dans mon âme  comme y brilla depuis la poésie orientale. Je regardai ma voisine, et fus plus ébloui par elle que je ne l'avais été par la fête; elle devint toute ma fête. Si vous avez bien compris ma vie antérieure, vous devinerez les entiments qui sourdirent en mon coeur. Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebodies sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie...
Le brillant des cheveux lissés au-dessus d'un cou velouté comme celui d'une petite fille, les lignes blanches que le peigne y avait dessinées et où mon imagination courut comme en de frais sentiers, tout me fit perdre l'esprit. Après m'être assuré que personne ne me voyait, je me plongeai dans ce dos comme un enfant qui se jette dans le sein de sa mère, et je baisai toutes ces épaules en y roulant ma tête. Cette femme poussa un cri perçant, que la musique empêcha d'entendre; elle se retourna, me vit et me dit : " Monsieur ? "

Ah ! si elle avait dit : " Mon petit bonhomme, qu'est-ce qui vous prend donc ? " je l'aurais tuée peut-être; mais à ce " Monsieur ! " des larmes chaudes jaillirent de mes yeux. Je fus pétrifié par un regard animé d'une sainte colère, par une tête sublime couronnée d'un diadème de cheveux cendrés, en harmonie avec ce dos d'amour. Le pourpre de la pudeur offensée étincela sur son visage, que désarmait déjà le pardon de la femme qui comprend une frénésie quand elle en est le principe, et devine des adorations infinies dans les larmes du repentir. Elle s'en alla par un mouvement de reine. Je sentis alors le ridicule de ma position; alors seulement je compris que j'étais fagoté comme le singe d'un savoyard. J'eus honte de moi. Je restai tout hébété, savourant la pomme que je venais de voler, gardant sur mes lèvres la chaleur de ce sang que j'avais aspiré, ne me repentant de rien, et suivant du regard cette femme descendue des cieux.

Là se découvre une vallée qui commence à Montbazon, finit à la Loire, et semble bondir sous les châteaux posés sur ces double collines; une magnifique coupe d'émeraude au fond de laquelle l'Indre se roule par des mouvements de serpent. A cet aspect, je fus saisi d'un étonnement voluptueux que l'ennui des landes ou la fatigue du chemin avait préparé.

" Si cette femme, la fleur de son sexe, habite un lieu dans le monde, ce lieu, le voici. "

A cette pensée, je m'appuyai contre un noyer sous lequel, depuis ce jour, je me repose toutes les fois que je reviens dans ma chère vallée. Sous cet arbre confident de mes pensées, je m'interroge sur les changements que j'ai subis pendant le temps qui s'est écoulé depuis le dernier jour où j'en suis parti. Elle demeurait là, mon coeur ne me trompait point : le premier castel que je vis au penchant d'une lande était son habitation. Quand je m'assis sous mon noyer, le soleil de midi faisait pétiller les ardoises de son toit et les vitres de ses fenêtres. Sa robe de percale produisait le point blanc que je remarquai dans  ses vignes sous un hallebergier. ( abricotier ). Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, le lys de cette vallée où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. L'amour infini sans autre aliment qu'un objet à peine entrevu dont mon âme était remplie, je le trouvai exprimé par ce long ruban d'eau qui ruisselle au soleil entre deux rives vertes, par ces lignes de peupliers qui parent de leurs dentelles mobiles ce val d'amour, par les bois de chênes qui s'avancent entre les vignobles sur des côteaux que la rivière arrondit toujours différemment, et par ces horizons estompés qui fuient en se contrariant. Si vous voulez voir la nature belle et  vierge comme une fiancée, allez là par un jour de printemps; si vous voulez calmer les plaies saignantes de votre coeur, revenez-y par les derniers jours de l'automne; au printemps, l'amour y bat des ailes à plein ciel, en automne, on y songe à ceux qui ne sont plus. Le poumon malade y respire une bienfaisante fraîcheur, la vue s'y repose sur des touffes dorées qui communiquent à l'âme leurs paisibles douceurs. En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l'Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante, les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, les cigales criaient, tout y était mélodie.



Les deux femmes

Une fois dans la capitale Félix s'éprend d'une riche et perverse marquise anglaise Lady Arabelle Dudley. Partagé entre le souvenir de sa passion pure et cette liaison sensuelle, le jeune homme ne peut se résoudre au sacrifice de l'une ou de l'autre; il va perdre les deux... Ayant eu vent de cette " infidélité", Henriette reçoit d'abord fraîchement Félix lors d'un séjour à Clochegourde puis, désespérée, se laisse mourir de faim et de soif... vertueuse, après un bouleversant combat intérieur et un ultime mais trop tardif retour de son amant. Quant à Lady Dudley, blessée d'avoir été finalement abandonnée sans un mot, elle quitte pareillement Félix. Celui-ci, par une lettre qu'Henriette lui a laissée en mourant, apprend que son " lys " l'a aimé charnellement depuis leur premier " coup de foudre " et que toute sa vie a été dominée par le " fantôme " de cette passion refoulée. Rentré à Paris, le jeune homme rencontre peu après Nathalie de Manerville, dont il s'éprend et à l'intention de laquelle il achève ce récit.
Dans une spirituelle réponse épistolaire, Nathalie se déclare incapable de rivaliser avec le souvenir des deux femmes d'exception qui ont habité la vie de Félix et lui rend sa liberté en lui prodiguant un ultime conseil : ne plus faire de telles confidences à une quatrième femme qui l'aimera et qui, elle, ne saurait lutter contre " trois ombres ".




Les personnages 


Félix de Vandenesse : fils cadet mal-aimé d'une vieille famille de Touraine. Il raconte ici à sa maîtresse Nathalie de Manerville sa double passion pour la pureté d'Henriette de Mortsauf et la sensualité de Lady Dudley; il réapparaîtra comme personnage central dans " une fille d'Ève " où il sauvera l'honneur de sa femme Marie-Angélique de Granville compromise,  à l'initiative de Lady Dudley, jalouse, par l'écrivain Nathan.

Mme de Mortsauf : née Blanche, Henriette de lénoncourt. Dévouée et vertueuse, elle sacrifie jusqu'à la mort, à son mari et à ses enfants malades, sa passion pour Félix. Champs lexicaux et sémantiques autour de sa personne : Clochegourde, l'esprit, la spiritualité, l'infini du cœur, l'univers, la continence, l'épouse de l'âme, amour divin, j'adorais, le matin, le remords...

M. de Mortsauf : vieil aristocrate victime de l'émigration. Maladif et violent, il fait mener à son épouse une vie de " martyre ".

Jacques et Madeleine :
  fils et fille de M. et Mme de Mortsauf. madeleine réapparaîtra à plusieurs reprises dans la " comédie humaine " comme duchesse de Lénoncourt.

Lady Arabelle Dudley : superbe représentante de la " gentry " britannique, vivant à Paris loin de son mari et de ses enfants; elle éprouve pour Félix une passion sensuelle et jalouse et cherchera plus tard, après leur rupture, à compromettre sa femme ( une fille d'Ève  ). Champs lexicaux et sémantiques autour de sa personne : Paris, la matière, les voluptés, le sexe, la prodigalité, la maîtresse du corps, amour charnel,  la nuit, j'aimais, le bonheur...

M. et Mme de Lenoncourt : parents d'Henriette, issus de deux vieilles familles aristocratiques .

M. et Mme de Listomère :
marquise, grand-tante de Félix de Vandenesse.

Mme de Verneuil : duchesse, tante bien-aimée d'Henriette pour qui elle fut une " mère adoptive " et qui lui offrit Clochegourde à son mariage.

Mme de Chessel : née propriétaire du château de Frapesle situé en face de Clochegourde.



Une grande page d'histoire

 Roman d'amour et roman historique se situant dans la société française de 1789 à 1824 : Dévastations causées par la Révolution dans certains milieux, vente des biens nationaux, fortunes immenses édifiées par certains, un complot Royaliste, l'armée de Condé, les mariages d'intérêt pour reconstituer des fortunes, oppositions entre ceux qui croient encore aux valeurs  du passé,
mais sont devenus pauvres ou modestes, et les parvenus ambitieux qui étalent leur luxe et s'offrent de fausses particules de noblesse devant leur nom. Opposition entre la vie à Paris et la vie en Province. Époque de la Restauration, retour des bourbons et société qui bascule de nouveau. Influence de Rousseau et du contrat social. Débarquement de Napoléon de retour de l'île d'Elbe, la défaite de Waterloo. La théorie des devoirs : " ne se rien permettre ni contre sa conscience ni contre la conscience publique ".

 
 Figures de l'aristocratie

De grandes manières, de la hauteur parfois, de l'ambition.

Les Mortsauf : retirés à Clochegourde mènent une vie simple mais avec tout de même un certain prestige. Promenades en calèche, parties de trictrac, tapisserie,  visites aux  voisins repas et messe. Bonne éducation offerte, surtout au fils, avec précepteur, équitation enseignée par le père et efforts pour l'éloigner de la corruption. Faire apprendre la politesse, l'authentique et non la " grimace sociale ", la modestie, , la discrétion et la " réserve ", la noblesse en " toute chose " Fêtes rustiques des vendanges, récolte des marrons et des noix, exploitation de la terre sans l'épuiser par l'alternance des cultures.


Morale de Mme de Mortsauf : " Ne soyez le vassal d'aucune âme, ne relevez que de vous-même...Mais si vous parveniez à la sphère où se meuvent les grands hommes, vous serez comme Dieu, seul juge de vos résolutions. Vous ne serez plus alors un homme, vous serez la loi vivante; vous ne serez plus un individu, vous vous serez incarné la nation." " J'arrive à la question grave, votre conduite auprès des femmes ".  Phrase qui va provoquer l'ironie et l'agacement de Félix. " Que cette femme soit donc pour vous le monde entier... les servir toutes, n'en aimer qu'une... "

Ascension sociale et maturation psychologique du jeune héros. A Paris  " Tout m'avait transformé " mais il " volait comme une hirondelle en Touraine ". Son " éducation avait été achevée par les femmes les plus gracieuses ".
.

Temps cyclique des saisons et des gens : " Comme notre vallée d'amour, Henriette avait eu son hiver, elle renaissait comme elle au printemps. " Une femme qui revit sous l'œil de l'être aimé ". " Répétez-moi que  je suis  plus que jamais Henriette  pour vous. " " de quel moi parlez-vous ? Je sens bien des moi en moi. " " Le tableau de ce moribond, entre deux  enfants toujours malingres, et sa femme pâlie " génère un " spleen moral. " qui confine au " dégoût de la vie ".



L'ange et l'idole, l'Orient et l'Occident

Typologie des passions, des contrastes : la douce  Française mystique, la  passionnée anglaise érotique...L'ange : Tous deux s'initient aux plaisir du raffinement, des mots à double sens, des bouquets symboliques, aux situations ambigües. L'idole, la passion " Africaine " : Arabelle, il va la vénérer. Elle va très vite transformer le séducteur timide ou plutôt frustré. " Ma résistance aiguisa sa passion. Plus je me renfermais dans un froid dédain, plus Lady Dudley se passionnait. " Elle le met à l'épreuve : " Votre amie toujours, votre maîtresse quand vous le voudrez ! " Elle fait même une intrusion osée chez lui. " Elle voulait du poivre, du piment pour la pâture du cœur ". " Arabelle essayait de la  ( Henriette ) tuer dans mon âme " " semblable à la lionne " Caïn où est Abel ? ". Métaphores insolites, deux passions inconciliables. " J'aimais un ange et un démon; deux femmes également belles. "
" Aussitôt je sentis un parfum de femme qui brilla dans mon âmes comme y brilla depuis la poésie orientale.



Champs lexicaux et sémantiques



La mort d'une sainte : " Je veux être l'étoile et le sanctuaire " a-t-elle dit

" corps annulé, cendres de mes lettres... " Purifiée par l'esprit qui triomphe ". Son dernier regard fut pour Félix mais elle " mourut aux yeux de tous ". Réaction de Félix : " Je résolus de m'élancer vers la politique et la science, dans les sentiers tortueux de l'ambition... d'ôter la femme de ma vie... "
. Le combat de l'esprit et du corps...

Lettre bilan d'Henriette

" Vous avez été la cause principale de mes maux... Je meurs atteinte par vous. "

Testament

" Je veux être aimée par vous dans les miens " Il est donc convié à devenir sœur, mère, époux... pour les siens.



 
Importance de La Pléiade dans l'histoire de la littérature
 

L'activité des poètes de la Pléiade est caractérisée par la publication, parallèlement à celle des œuvres, d'un certain nombre de textes : " Défense et illustration de la langue française, l'abrégé de l'art poétique, l'olive  ".
Ces commentaires furent accompagnés d'œuvres valables qui confirmèrent les théories.
Leurs théories et leurs œuvres correspondent à une prise de conscience esthétique.  Depuis lors sont nés d'autres ouvrages dans la lignée de ces poètes, " L'art poétique " de Boileau, " la critique de l'école des femmes " de Molière jusqu'aux articles de Baudelaire sur l'art, aux manifestes des Surréalistes. Désormais les créateurs s'arrêteront de créer pour réfléchir parfois sur la création. Ils ont révélé aussi les œuvres de l'antiquité. et communiqué la notion de beauté littéraire. Si le Moyen âge connaissait Sénèque, Virgile, Ovide, Aristote, les jeunes poètes de la Pléiade ont révélé une civilisation oubliée et en particulier un humanisme dont la sagesse était indépendante de la théologie. Les jeunes poètes se sont étonnés que les œuvres des anciens aient pu survivre au temps, aux bouleversements des civilisations, des mœurs et ils attribuent ce succès à la perfection des textes. Ils s'interrogent alors sur les conditions de cette beauté. A-t-elle ses lois ?
Nul encore n'avait pensé que l'art pût être le fruit d'autre chose que du don, de la facilité d'expression, de l'aptitude individuelle à jouer avec des mots. L'art passait plus ou moins au Moyen
Âge, pour un jeu. Les poètes de la Pléiade, prenant contact avec les chefs-d'œuvre de la poésie grecque et latine, avec Pétrarque et les poètes italiens de la Renaissance, réalisent soudain que l'on peut expliquer la Beauté dans l'écriture.
Il ne suffit pas d'être doué pour créer un chef d'œuvre, il faut aussi lire, apprendre, suivre des modèles et obéir à des lois universelles.
La Pléiade en somme fait accomplir à l'art littéraire un pas capital : se détachant des exercices du Moyen Âge où l'inspiration individuelle dominait, s'éloignant des exercices de rhétorique, il cherche une prise de conscience.
L'importance de ces réflexions est manifeste aussi en poésie.


Importance de La Pléiade pour la poésie

En effet elle va fixer une conception de cet art.
Du Bellay le premier va comprendre l'importance de la notion de genre littéraire. La " deffense et illustration " va critiquer rondeaux et ballades... L'inspiration ne vaut que par le moule dans lequel on la coule. C'est un paradoxe esthétique. La médiocrité de la poésie de l'époque tient à la mièvrerie de ces cadres poétiques moyenâgeux. Par contre, l'ode, le sonnet...ont soutenu l'inspiration d'Ovide, Horace ou Pétrarque...L'habit, la silhouette, la parure du poème créeraient la beauté.
Les cadres anciens apportent avec leurs contraintes techniques particulières, l'exemple de réussites nombreuses.
La " deffense et illustration " ne conseille pas seulement aux futurs poètes d'user d'une langue plus riche, mais de créer une langue propre et particulière à la poésie.. On conçoit désormais que la poésie ne consiste pas seulement à versifier de la prose, mais doit posséder une langue bien à elle et riche comme celle d'Homère ou de Virgile.
Ronsard a cherché toutes les combinaisons possibles, depuis la strophe de 20 vers jusqu'à la stance de deux. Il écrit des vers de toutes les mesures, même de 11 et de 9 syllabes, utilise tous les systèmes d'alternance... C'est à lui et à ses amis que l'alexandrin doit d'avoir été remis en honneur aux siècles suivants.


 
Importance du point de vue de l'histoire littéraire


La Pléïade a résolu les questions que devaient se poser plus tard les écoles littéraires. Le principe de l'imitation des anciens est resté l'un des fondements essentiels chez les classiques. Pour eux, si le but de l'art est d'imiter la nature, celle-ci ne saurait être imitée directement, on ne peut la saisir que par le travail préalables des anciens, par leurs choix, leurs compositions, l'héritage qu'ils ont transmis à notre compréhension.
Le souci de l'art affirmé par la Pléïade alimentera aussi les tentatives classiques, et c'est bien à Ronsard et à ses amis que les poètes du 17 e siècle devront la mise au point du vers, la préparation de cet " instrument " comme dit Sainte Beuve, dont Corneille devait tirer des accords sublimes, et Racine des accords harmonieux ".
Après La Pléïade, le poète a retrouvé sa grandeur, sa dignité, il n'est plus un amuseur frivole, mais un inspiré. Le poète-mage dont Hugo posera l'idéal au 19 e dans " fonctions d'un poète ", rejoindra l'idéal de la Pléïade.
Par contre, en mettant l'accent sur la nécessité du travail, sur les considérations techniques : la langue, la syntaxe, la versification, ces poètes ouvrent aussi la voie aux œuvres trop formelles et postérieures d'un Banville par exemple.
Trois siècles plus tard, les poètes restaureront certaines richesses perdues en faisant revivre des mots tombés en désuétude après La Pléiade.
"
Ah, mon cher enfant, disait Gautier à l'un de ses gendres, si nous avions seulement autant de piastres que j'ai reconquis de mots sur leur Malherbe...! Je me suis lancé à la conquête des adjectifs. j'en ai déterré de charmants et d'admirables dont on ne pourra plus se passer. J'ai fourragé à pleines mains dans le 16 e siècle. "
Hugo lui-même en réalité n'a inventé qu'un rythme, celui de 12 vers où les 8 derniers forment des groupes de 3 rimes féminines suivis chacun d'une rime masculine. Tous les autres sont repris aux poètes du 16
e siècle.
La Pléïade, enfin, a aperçu toute l'ambiguïté de la notion de travail poétique. Elle a insisté à la fois sur le rôle essentiel de l'inspiration, tendant ainsi à atténuer l'usage et le contrôle de la raison dans l'exercice de la poésie. Les poètes postérieurs se sont heurtés, à leur tour, à ce problème. 
Enfin, en isolant la faculté poétique et en la plaçant au plus haut rang, La Pléïade ouvrait le chemin à Baudelaire et aux surréalistes. Précisons qu'il n'est pas question de comparer les œuvres, mais les réflexions doctrinales. La Pléïade a pressenti la faculté de la création poétique en elle-même.

Vis-à-vis de l'histoire littéraire donc, l'importance et la grandeur de Ronsard et de ses amis est d'avoir posé les fondements de la réflexion théorique et d'avoir aperçu, en même temps, la plupart des problèmes essentiels que posait et que devait poser à l'avenir la création littéraire.

Conclusion :


On est en droit de reconnaître à La Pléïade une double importance. Celle d'avoir enrichi la poésie française d'œuvres de valeur. Et grâce à leurs réflexions ils ont donné à la poésie des moyens et des devoirs. Mais ils n'ont pas résolu le problème de la faculté de certains à créer avec harmonie.

Voltaire jugé par Mme de Staël

 " Il semble écrit par un être d'une autre nature que nous, indifférent à notre sort, content de nos souffrances et riant comme un démon, ou comme un singe des misères de cette espèce humaine avec laquelle il n'a rien de commun ".

Formée dans sa jeunesse par les œuvres de Voltaire et par les Encyclopédies, par ceux aussi qui fréquentaient le salon de sa mère, Mme Necker, Mme de Staël s'éloigne peu à peu de la philosophie du XVIII e siècle, trop rationaliste et matérialiste, pour satisfaire ses aspirations. L'expérience de la Révolution, le contact avec la littérature allemande la détournent de l'esprit voltairien. En particulier de Candide, le chef d'œuvre des contes suscite sa réprobation pour sa gaîté infernale.Alors que la douceur de vivre et le progrès matériel engourdissent les consciences, Voltaire dévoile l'envers du décor : la nature détruit les hommes comme des fourmis, et les hommes eux-mêmes poussés par l'ambition et le fanatisme s'exterminent entre eux. Cette constatation amère ne le conduit pas vers le pessimisme mais le met en garde. Déjà dans Zadig ( 1748 ), transposant ses vicissitudes personnelles, il a raillé les rois et leurs courtisans. Dans Candide, les malheurs de la condition humaine sont exposés d'une façon générale. La gravité du poème sur le désastres de Lisbonne prouve la sincérité de Voltaire et son émotion. S'il raille dans Candide, c'est que la réussite des contes antérieurs l'a instruit sur l'efficacité du rire.

D'ailleurs la conclusion de Candide n'est pas négative. Entre l'optimisme et le pessimisme relatif de Candide, Voltaire a sans cesse oscillé, mais il n'a jamais hésité à préférer l'action aux disputes théoriques. C'est le conseil essentiel du conte. Aussi le conseil du Turc : " Le travail éloigne de nous trois grands maux: l'ennui, le vice et le besoin ", n'est pas une boutade, mais la morale même de Voltaire. N'écrit-il pas à un mai : " J'ai toujours regardé le travail comme la plus grande consolation du monde pour les malheurs inséparables de la condition humaine ".V

Verlaine

Poèmes saturniens ( 1866 )

Comme un vol criard //  d'oiseaux en émoi,
Tous mes souvenirs s'abattent sur moi,
S'abattent // parmi le feuillage jaune
De mon cœur mirant son tronc plié d'aune
Au tain vi
/olet /de l'eau des Regrets ( allégorie )
Qui // mélancoliquement // coule  auprès, ( hiatus )
S'abattent, // et puis 
/ la rumeur mauvaise
Qu'une brise moite en montant apaise,
S'éteint // par degrés / dans l'arbre,// si bien
Qu'au bout d'un instant on n'entend plus rien,
( anaphore ) Plus rien que la voix célébrant l'Absente
( allégorie )
Plus rien que la voix - ô si languissante ! -
De l'oiseau qui fut mon Premier Amour, ( majuscule ) ( noter les temps )
Et qui chante encore comme au premier jour;
Et dans la splendeur triste d'une lune ( enjambement )
Se levant blafarde et solennelle, une ( enjambement )
Nuit mélancolique et lourde d'été,
Pleine de silence et d'obscurité,
Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure ( douceur des sons )
( hiver ) L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure. ( symétrie + noter le présent )

" De la musique avant toute chose ..."

Comme un vol criard... allitération

émoi = son doux opposé au hiatus dur de " criard "

S'abattent : répété = poète écrasé

Jaune = automne

Plié = rappelle Hugo " Demain dès l'aube " = pour la mort de sa fille = courbé

Le feuillage jaune... De mon cœur : rejet

vi/olet : diérèse

aune = mesure = peut-être aulne ???

L'eau des Regrets = allégorie

Oiseau = Premier Amour

Cœur humain et cœur de l'arbre

Tain violet = peut-être étain + mercure = eau des marécages ???

Rimbaud : Le dormeur du val

Petit tableau en marge de la guerre où s'opposent la vie et la mort. Tout le début respire la vie, tout semble joyeux. Rimbaud voit dans la nature une mère qui accueille tendrement le jeune soldat. C'est en opposant apparence et réalité qu'il fera naître l'émotion. Certains détails cependant paraissent inquiétants : la pâleur du personnage, son insensibilité aux parfums. Il a l'air malade, il a froid et pourquoi tient-il la mains sur sa poitrine ?

Les portraits de La Bruyère ( les caractères )

Acis

Que dîtes-vous ? comment ? Je n'y suis pas; vous plarait-il de recommencer ? J'y suis encore moins. Je devine enfin : vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid : que ne disiez-vous : " Il fait froid " ? Vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige; dites : " Il pleut, il neige. " Vous me trouvez bon visage et vous désirez m'en féliciter; dites : " Je vous trouve bon visage ". - Mais, répondez-vous cela est bien uni ( plat, banal ) et bien clair; et d'ailleurs, qui ne pourrait pas en dire autant ? " Qu'importe Acis ? Est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ? Une chose vous manque Acis, à vous et à vos semblables, les diseurs de phébus : ( langage obscur ); vous ne vous en défiez( doutez )  point, et je vais vous jeter dans l'étonnement : Une chose vous manque, c'est l'esprit. Ce n'est pas tout : il y a en vous une chose de trop, qui est l'opinion d'en avoir plus que les autres; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien.

Arrias

Arrias a tout lu, atout vu, il veut le persuader ainsi; c'est un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. on parle, à la table d'un grand, d'une cour du nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce qu'ils en savent; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire; il discourt des moeurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes : il récite des historiettes qui y sont arrivées ; se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur. " Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Séthon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. " Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés lui dit : " C'est Séthon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade.

Diphile ou l'Amateur d'oiseaux

Diphile commence par un oiseau et finit par mille : sa maison n'en est pas egayée mais empestée : la cour, la salle, l'escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet ( pièce réservée à l'étude ), tout est volière; ce n'est plus un ramage, c'est un vacarme; les vents d'automne et les eaux dans les plus grandes crues ne font pas un cri si perçant et si aigu, on ne s'entend pas plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé : ce n'est plus pour Diphile un agréable amusement, c'est une affaire laborieuse et à laquelle à peine il peut suffire; il passe les jours, ces jours qui échappent et ne revinnent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures : il donne pension à un homme qui n'a point d'autre ministère que de siffler des serins au flogeolet ( petite flûte à bec ), et de faire couver ses canaries : il est vrai que ce qu'il dépense d'un côté, il l'épargne de l'autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation; il se renferme le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir juoir du moindre repos que ses oiseaux ne reposent, et que ce petit peuple, qu'il n'aime que parce qu'il chante, ne cesse de chanter. Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil; lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche; il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve.

Giton

Giton a le teint fris, le visage plein et les joues pendantes, l'oeil fixe et assuré, les épaules larges, l'estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l'entretient et il ne goûte que médiocrement tous ce qu'il lui dit. Il déploie un ample mouchoir et se mouche avec grand bruit; il crache fort loin et il éternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, et profondément; il ronfle en compagnie. Il occupe à tabble et à la promenade plus de place qu'un autre. Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux; il s'arrête et l'on s'arrête, il continue de marcher et l'on marche; tous se règlent sur lui. Il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole : on ne l'interrompt pas, on l'écoute aussi longtemps qu'il veut parler; on est de son avis, on croit les nouvelles qu'il débite. S'il s'assied, vous le voyez s'enfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes l'une sur l'autre, froncer le soucil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps; il se voit des talents et de l'esprit. Il est riche.

Autres portraits

Mademoiselle de Percy

Leur amie, robustement et rébarbativement laide, avait résisté. Solide de laideur, elle avait reçu le soufflet " d'alipan " du Temps, comme elle disait, sur un bronze que rien ne pouvait entamer. Même la mise inouïe dans laquelle elle encadrait sa laideur bizarre n'en augmentait pas de beaucoup l'effet, tant l'effet en était frappant. coiffée habituellement d'une espèce de baril de soie orange et violette, qui aurait défié par sa forme la plus audacieuse fantaisie et qu'elle fabriquait de ses propres mans, cette contemporaine de Mlles de Touffedelys  ressemblait, avec son nez recourbé comme un sabre oriental dans son foureau grenu de maroquin rouge, à la teine de Saba, interprétée par un Callot chinois, surexcité par l'opium. cette femme avait un grotesque si supérieur qu'on l'eût remarquée même en Angleterre, ce pays de grotesques, où le spleen, l'excentricité, la richesse et le gin travaillent perpétuellement à faire un carnaval de figures auprès desquelles les masques du carnaval de Venise ne seraient que du carton vulgairement badigeonné.
Comme il est des couleurs d'un tel ruissellement de lumière qu'elles éteignent toutes celles que l'on place à côté, l'amie de M
lles de Touffedelys, pavoisée comme un vaisseau barbaresque des plus éclatants chiffons déterrés dans la gard-robe de sa grand-mère, éteignait, effaçait les physionomies les plus originales par la sienne.



Barbey d'Aurevilly, ( Le chevalier des touches )

Ménalque

Jean de La Bruyère ( 1645-1696 ) fut précepteur puis secrétaire dans la puissante famille de Condé : il put ainsi observer les grands de la cour. Il publia en 1688 " les caractère " ou " les moeurs " de ce siècle, ouvrage qu'il ne cessa d'enrichir de maximes et de portraits jusqu'en 1694.

Ménalque descend son escalier, ouvre sa porte pour sortir, il la referme : il s'aperçoit qu'il est en bonnet de nuit; et venant à mieux s'examiner, il se trouve rasé à moitié, il voit que son épée est mise du côté droit, que ses bas sont rabattus sur ses talons, et que sa chemise est par-dessus ses chausses. S'il marche dans les places, il se sent tout d'un coup rudement frappé à l'estomac ou au visage; il ne soupçonne poitn ce que ce peut être, jusqu'à ce qu'ouvrant les yeux et se réveillant, il se trouve ou devant un limon ( un des deux brancards entre les quels on attelle le cheval ) de charrette, ou derrière un long ais ( planche ) de menuiserie que porte un ouvrier sur ses épaules. On l'a vu une fois heurter du front contre celui d'un aveugle, s'embarrasser dans ses jambes, et tomber avec lui chacun de son côté à la renverse. Il lui est arrivé plusieurs fois de se trouver tête pour tête à la rencontre d'un prince et sur son passage, se reconnaître à peine, et n'avoir que le loisir de se coller à un mur pour lui faire place. Il cherche, il brouille, il crie, il s'échauffe, il appelle ses valets l'un après l'autre : on lui perd tout, on lui égare tout; il demande ses gants qu'il a dans ses amins, semblable à cette femme qui prenait le temps de demander son masque lorsqu'elle l'avait sur son visage. Il entre à l'appartement, et passe sous un lustre où sa perruque s'accroche et demeure suspendue : tous les courtisans regardent  et rient ; Ménalque regarde et rit plus haut que les autres, il cherche des yeux dans toute l'assemblée où est celui qui montre ses oreilles, et à qui il manque une perruque. s'il va par la ville, après avoir fait quelque chemin, il se croit égaré, il s'émeut, et il demande où il est à des passants, qui lui disent précisément le nom de sa rue; il entre ensuite dans sa maison, d'où il sort précépitamment, croyant qu'il s'est trompé. Il descend du palais, et trouvant au bas du grand degré ( marche d'un escalier ) un carrosse qu'il prend pour le sien, il se met dedans : le cocher touche ( fouette son atelage ) et croit ramener son maître dans sa maison; Ménalque se jette hors de la portière, traverse la cour, monte l'escalier, parcourt l'antichambre, la chambre, le cabinet; tout lui est familier, rien ne lui est nouveau; ils'assit ( il s'assied ), il se repose, il est chez soi. Le maître arrive; celui-ci se lève pour le recevoir; il le traite fort civilement, le prie de s'assoir, et croit faire les honneurs de sa chambre; il parle, il rêve, il reprend la parole : le maître de la maison s'ennuie, et, demeure étonné; Ménalque ne l'est pas moins, et ne dit pas ce qu'il en pense : il a affaire à un faâcheux ( qui importune, qui dérange ), à un homme oisif, qui se retirera à la fin, il l'espère, et il prend patience : la nuit arrive qu'il est à peine détrompé. Une autre fois il rend visite à une femme, et se persuadant bientôt que c'est lui qui la reçoit, il s'établit dans son fauteuil, et ne songe nullement à l'abandonner : il trouve ensuite que cette dame fait ses visites longues, il attend à tous les moments qu'elle se lève et le laisse en liberté; mais comme cela tire en longueur, qu'il a faim, et que la nuit est déjà avancée, il la prie à souper : elle rit, et si haut, qu'elle le réveille.

( Les caractères )

Ma grand-tante Agnès

Elle a bien 70 ans, et elle doit avoir les cheveux blancs; je n'en sais rien, personne n'en sait rien, car elle a toujours un serre-tête noir qui lui colle comme du taffetas sur le crâne; elle a par exemple la barbe grise, un bouquet de poils ici, une petite mèche qui frisotte par là, et de tous côtés des poireaux comme des groseilles, qui ont l'air de bouillir sur sa figure.
Pour mieux dire, sa tête rappelle par le haut, à cause du serre-tête, une pomme de terre brûlée et par le bas, une pomme de terre germée; j'en ai trouvée une gonflée, violette, l'autre matin, sous le fourneau, qui ressemblait à grand-tante comme deux gouttes d'eau.

Jules Vallès; l'enfant

Cosette

Ses jambes nues étaient  rouges et grêles. le creux de ses clavicules était à faire pleurer. Toute la personne de cette enfant, son allure, son attitude, le son de sa voix, ses intervalles entre un mot et l'autre, son regard, son silence, son moindre geste, exprimaient et traduisaient une seule idée : la crainte.
La crainte était répandue sur elle; elle en était pour ainsi dire couverte;  la crainte ramenait ses coudes contre ses hanches, retirait ses talons sous ses jupes, lui faisait tenir le moins de place possible, ne lui laissait de souffle que le nécessaire, et était devenue ce qu'on pourrait appeler son habitude de corps, sans variation possible que d'augmenter. Il y avait au fond de sa prunelle un coin étonné où était la terreur.

Victor Hugo, Les Misérables

La Thénardier

Les lecteurs ont peut-être, dès sa première apparition, conservé quelque souvenir de cette Thénardier, grande, blonde, rouge, grasse, charnue, carrée, énorme et agile; elle tenait, nous l'avons dit, de la race de ces sauvagesses colosses, qui se cambrent dans les foires avec des pavés pendus à leur chevelure. Elle faisait tout dans le logis, les lits, les chambres, la lessive, la cuisine, la pluie, le beau temps, le diable. Elle avait pout tout domestique Cosette; une souris au service d'un éléphant. Tout tremblait au son de sa voix, les vitres, les meubles et les gens. Son large visage, criblé de taches de rousseur, avait l'aspect d'une écumoire. Elle avait de la barbe. C'était l'idéal d'un fort de la halle habillé en fille, elle jurait splendidement; elle sa vantait de casser une noix d'un coup de poing. Sans les romans qu'elle avait lus, et qui, par moments, faisaient bizarrement reparaître la mijaurée sous l'ogresse, jamais l'idée ne fut venue à personne de dire d'elle : c'est une femme. Cette Thénardier était comme le produit de la greffe d'une donzelle sur une poissarde, quand on l'entendait parler, on disait : c'est un gendarme; quand on la regardait boire, on disait : c'est un charretier; quand on la voyait manier Cosette, on disait : c'est le bourreau.

Victor Hugo, Les Misérables

Monsieur de Chateaubriand était grand et sec; il avait le nez aquilin, les lèvres minces et pâles, les yeux enfoncés, petits et pers ou glauques, comme ceux des lions ou des anciens barbares. Je n'ai jamais vu un pareil regard : quand la colère y montait, la prunelle étincelante semblait se détacher et venir vous frapper comme une balle.

Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe

Créer une scène de théâtre

A la suite du mouvement féministe anglais luttant pour le droit de vote, Marthe, une infirmière de la guerre de 14, qui a failli être arrêtée, refuse, au retour de son mari Blaise, de reprendre sa place de femme au foyer, sans droit nouveau et surtout sans droit de vote.

1919 ?

Marthe :

Il y a des années que nous réclamons plus de liberté et même une participation à la vie sociale. Bien avant la guerre d'ailleurs et même pendant la guerre!

Blaise :
Mais vous ne pouvez pas voter !  ( s'écrie-t-il outragé )
Dès la Révolution, Sieyès a  imposé la notion de citoyen actif. Les femmes font partie de la catégorie des citoyens passifs avec les enfants, les domestiques et toute personne ne pouvant s’acquitter du devoir électoral.
D'ailleurs vous êtes influençables et immatures !

Marthe s'échauffant par degrés.

Pendant la guerre, nous vous avons remplacés, nous n'étions alors plus des enfants !Nous avons même participé, soigné. Nous avons prouvé que nous sommes capables de gagner notre vie.

Blaise

Nous avons repris nos rôles et bien mieux que vous. Vous accorder ce droit serait méconnaître votre rôle dans la famille, dans la société. Vous abandonneriez vos devoirs. Cela créerait des disputes en famille.

Marthe
Oui passives et mineures voilà ce que nous sommes selon vous !  et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes faiblesses, mais je prétends que ce sont les hommes qui nous maintiennent dans cet état ! Je serai capable de voter avec pertinence et toutes les femmes avec moi, dès que les hommes nous permettront  de nous  servir de notre raison. Mais que peut-on opposer, nous, serviles et dédaignées, à tant d'ennemis rassemblés ? C'est de reconnaissance que nous avons besoin dans cette forteresse patriarcale !

Romain  ( un autre soldat ami )
Retourne à tes fourneaux ! À tes reprises ! Déjà la moyenne des hommes est incapable de juger des choses politiques, alors les femmes ! N'ajoutez pas votre incompétence à ces incompétents. Tout cela dépasse infiniment vos capacités d'attention et de compréhension. Vous êtes trop émotives. Selon quels critères allez-vous voter ? : la beauté du candidat ?

Marthe, vivement.
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris nos arguments ! Vous si fiers de vos droits que vous allez jusqu'à nous juger. Sachez que les anglaises l'ont obtenu ce droit, les américaines aussi. Je répète que la guerre a prouvé que nous sommes égales et que nous avons droit à plus de considération et de respect !

Blaise en colère.
Vous croyez évoluer !, mais vous aurez toujours besoin de l'homme. Faites plutôt des enfants. Il y a eu trop de morts en cette guerre. C'est votre rôle ! Vous devenez d'ailleurs dangereuses, vous êtes déjà plus nombreuses que les hommes. Ce n'est pas le moment de vous faire voter ! Où irions nous ? D'ailleurs je maintiens que vous manquez de maturité d'esprit,  d'intelligence des affaires publiques.

MARthE, exaltée.

Peut-être mais à cause de l'inaction dans le domaine politique...Dans les rangs même plus élevés, les femmes sont traitées en mineures mais  punies en majeures pour la moindre révolte ! Ah ! Votre conduite  nous fait horreur! J'ai failli être arrêtée et condamnée pour une faute que je n'avais pas commise. J'avais le droit d'être condamnée et je n'ai pas le droit de voter !

Romain

Elle a raison !

Blaise , à part.
Oui elle a vraiment raison ! Bien des femmes travaillent dans les usines. Dans le monde rural,  elles accomplicent leur part de labeur et certaines forcent l'admiration. Alors pourquoi en effet ne peuvent-elles pas voter ? Mais il ne faut pas céder ! Il faut leur accorder autre chose, le droit de demander peut-être, mais pas de droit politique ! Non, ça jamais ! Ce serait une grande aventure, un saut dans l'inconnu. Qu'est-ce que cela nous rapporterait ? Ayons le courage de rester nous-mêmes, de nous battre aussi.

Marthe :
Ah vous l'avouez que nous avons raison. Moi, je regarde au-delà de l'injustice, je regarde l'avenir. Demain, nous prendons plus de pouvoir. Mine de rien nous devenons chefs de famille puisque en plus, nous gérons les besoins de tous à la maison et l'éducation des enfants ! Et depuis la guerre nous ne restons pas cantonnées à cette prison, à cette obscurité imposée à nos esprits, en votre absence, nous sommes sorties de l'ombre, du foyer qui nous limitait. Nous savons utiliser nos mains.

Blaise riant
Les mains des femmes ne sont pas faites pour le pouvoir, elles sont faites pour la lessive !

Romain riant à son tour
 
Non pour être baisées !

Marthe en colère
C'est ça tout notre horizon séduire et être mère ! Mais c'est bien fini nous allons gagner !

En France, alors que les hommes obtiennent le droit de vote « universel » en 1848, les femmes devront attendre 1944 pour l'obtenir et 1945 pour l'exercer pour la première fois.

Vérité et mensonge

La définition des mots "mensonge et vérité" est assez complexe car elle cache  des nuances. Le mensonge serait le contraire de la vérité, mais de façon plus subtile, c'est parfois déformer, contourner la vérité, jouer avec elle par omission dans un but précis ou inavoué. La vérité elle, doit être conforme à la pensée, à la vision de la personne. Dans ce cas, elle peut être déformée aussi par l'illusion, l'erreur ou l'ignorance.
Aussi peut on se demander "s'il existe des circonstances qui justifient qu'on ne dise pas la vérité" ? Volontairement ou non
Nous verrons donc au cours du développement qu'il y a parfois des raisons valables du point de vue de certains, de mentir; mais que dans la plupart des cas, ce n'est pas acceptable

Le mensonge dépend en grande partie de l'intention; celle-ci atténue la faute. Cependant lorsqu'il est démasqué, il fait presque toujours souffrir. Il rend l'autre, celui qui a été piégé, méfiant et mal à l'aise. Les médecins disent de plus en plus la vérité aux grands malades même lorsque leur "vérité" se révèle fausse grâce à une guérison.
Le père Noël, la petite souris sont ils un plaisir ou une blessure pour les enfants ? Ne sont-ils pas surtout un besoin des parents de faire plaisir? De prolonger la naïveté de l'enfant ?

Par contre, un mensonge qui peut sauver des vies est un beau et grand mensonge. Ceux qui ravitaillaient les résistants l'avaient bien compris.
Il faut donc bien réfléchir avant de mentir à l'utilité de ce que l'on va dire. Et il faut accepter que la vérité peut dépendre de la culture, de l'environnement, des connaissances de chacun. Il ne faut pas croire que la vérité est unique. Bien des guerres baignent dans la fausse vérité de certains.


Date de création : 07/11/2009 • 20:26
Dernière modification : 18/01/2014 • 13:07
Catégorie : Oeuvres commentées
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