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Réflexions littéraires

L'événement littéraire
 
L'histoire littéraire ne met pas sur le même plan toutes les œuvres du passé : certaines sont considérées comme meilleures que d'autres. Certains événements ont mis en évidence des œuvres : la fondation de l' Académie française (1635 ), la première représentation du Cid ( 1636 ), la préface de Cromwell ( 1827 ), la bataille d'Hernani ( 1830 )...Ces événements-là ont été reconnus par la postérité. Il faut en effet attendre un peu, mais pas trop, pour juger de l' impact d'un événement littéraire..
Stendhal n'est pas un événement littéraire parce que son influence ne s'impose que lentement.
L'événement littéraire est toujours plus ou moins un scandale, toujours une surprise éclatante. Il attire autant l'admiration que l'indignation.
" En vain contre le Cid un ministre se ligue,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue. "
Que l'on songe à Flaubert ( Madame Bovary ), à Baudelaire ( les fleurs du mal ) : ils ont pour eux la jeunesse qui se reconnaît dans leur œuvre, mais la bourgeoisie leur intente un procès.
L'événement littéraire modifie le cours de la littérature en imposant de nouveaux principes critiques et esthétiques. C'est évident lorsqu'il consiste en un manifeste : Défense et illustration ( 1549 ), Préface de Cromwell ( 1827 )... Mais c'est vrai aussi pour des œuvres en apparence, mais sans doute en apparence seulement, éloignées de toute préoccupation de changement; elles doivent offrir au public la possibilité de dégager des vues esthétiques nouvelles et fécondes : ainsi les fleurs du mal de Baudelaire ne forment pas un recueil de pensées critiques, mais impliquent toute une esthétique nouvelle et donnent naissance à un mouvement littéraire. Le public sent que dès le  point de départ de l'œuvre tout va changer, tout ce qui va suivre va avoir un parfum de nouveauté.
L'événement littéraire est mis en valeur par la propagande. C'est pourquoi l'événement littéraire n'est pas toujours l'œuvre ou l'action littérairement la meilleure, mais parfois celle qu'une propagande habile met le mieux en valeur bien qu'il ne faille pas le réduire aux proportions d'une grossière affaire commerciale, mais il ne résulte pas toujours d'une création originale. La préface de Cromwell est pleine d'idées empruntées à Stendhal par exemple, et les érudits disent que loin d'être en avance sur les idées de son temps, elle est plutôt timide dans ses innovations. Mais elle a su donner une allure  voyante, une portée un peu tapageuse à des théories que Stendhal exprimait plus discrètement.
De même Hugo fait un événement littéraire de son Hernani.
S'il y a peut-être des chefs d'œuvre qui passent inaperçus du public, les événements littéraires, eux, frappent le public. Beaucoup de ceux-ci sont dus à la scène, qui en assure l'éclat immédiat : Le Cid en 1636, Andromaque en 1667, le mariage de Figaro en 1784, Hernani en 1830.
Mais l'éclat n'est pas une condition suffisante. Il y a beaucoup de faux événements littéraires qui meurent aussitôt nés.

Il y a beaucoup de faux événements littéraires, c'est-à-dire des événements que la postérité ne retient pas comme tels : " les méditations " de Lamartine par exemple. La postérité en a décidé autrement. Un véritable événement littéraire doit pouvoir être replacé dans un courant où il marque un progrès décisif et il doit être à la fois en rupture et en continuité avec ce qui le précède.

L'événement littéraire comme réponse à une question.
L'événement littéraire vient fréquemment après une époque d'épuisement et l'impression de nouveauté qu'il donne résulte souvent moins d'une rupture que d'une reprise de fécondité. " La défense et illustration " est un événement littéraire parce qu'elle répond à l'attente d'un renouvellement. " La préface de Cromwell " éclate comme en réponse à cette question ambiante : " Que va devenir le théâtre? L'événement littéraire peut satisfaire aux aspirations d'une génération qui n'a pas trouvé son artiste pour l'exprimer : " Les méditations " de Lamartine ( 1820 ), " Les fleurs du mal " de Baudelaire (1857 ) libèrent littéralement des générations de jeunes gens qui n'avaient pas encore entendu leur voix dans la littérature. En ce domaine il faut bien admettre la coïncidence : font événement littéraire " les œuvres dont la beauté répond à une question anxieuse, comme le remarque Gide, reléguant au second plan ces " réponses qui suivent après que la question n'est plus posée "; ce sont des œuvres qui ne répondent plus à rien. En somme, l'événement littéraire est souvent le fruit d'une attente.
L'événement littéraire doit connaître une certaine diffusion. Il retentit longuement au cours d'une génération. " Les fleurs du mal ", après avoir créé le scandale que l'on sait, ne livrent que très lentement leur vrai visage : manifeste romantique et parnassien pour les contemporains; elles apparaissent peu à peu comme un témoignage sur les inquiétudes de l'âme moderne; grâce à la diffusion, elles livrent leur vrai secret qui est spirituel, presque métaphysique.


 
La création littéraire
 
L'inspiration et surtout l'inspiration poétique sont parfois présentés comme un état passif. Depuis très longtemps, le poète semble connu pour avoir le don du rêve... et pourtant il lutte contre les mots. Il cherche les ajustements  des mots avec la pensée et quand il trouve la bonne combinaison, c'est une œuvre rare et précieuse. Cette création est en fait ce qu'il y a de plus distinct de l'état de rêve. Il n'y a dans la création que recherches volontaires, assouplissement de la pensée.
La création n'est ni une idée qui cherche à trouver sa forme, ni une forme qu'on travaille par pur plaisir. C'est  un peu les deux,  une sorte d'assouplissement d'évolution de la  pensée, la pensée se précisant et s'améliorant dans  un travail permanent et salutaire.
Pour les classiques, l'idée et la pensée étaient reines, la forme devait obéir et s'adapter :
" Maudit soit le premier, dont la verve insensée
Dans les bornes d'un vers renferma sa pensée,
Et, donnant à ses mots une étroite prison
Voulut avec la rime enchaîner la raison ! "
Bossuet dit : " Ce qu'il y a de plus nécessaire pour former le style, c'est de bien comprendre la chose, de pénétrer le fond. " Buffon écrira: " Plus on donnera de substance et de force aux pensées par la méditation, plus il sera facile ensuite de les réaliser par l'expression. "

Signalons cependant que l'œuvre des Goncourt est à peu près un échec; ils ont un succès d'estime et on garde le souvenir d'un style, d'une écriture, de recherches volontaires pour créer ce style
d'artiste. Mais cet immense travail de recherche, d'affinement psychologique pour les héros et de documentation...n'atteint pas le chef d'œuvre. Aucun de leurs personnages n'émergent pour rejoindre les grands types littéraires : Andromaque, Figaro, Julien Sorel. Il faut plus que du travail pour créer des êtres qui prennent place dans la mémoire des hommes et du monde.

Quelle leçon en tirer ? Que la simplification enrichit. Par exemple, lorsque le type littéraire est simplifié autour d'une passion unique. Tous les personnages ou presque qui restent dans nos mémoires et qui sont devenus populaires étaient dès l'origine orientés vers une tendance quasi unique et ils abondaient jusqu'au bout dans le sens de cette tendance. Tartuffe mène son hypocrisie jusqu'à la prison, Carmen meurt de sa passion pour la liberté et Cyrano rend son dernier souffle, debout en parlant de son amour avec panache. Ils n'en meurent pas tous, dans ce cas, ils recommencent obstinément : Renard recommence sans cesse ses tours, Panurge ses vols, Figaro ses intrigues, d'Artagnan ses duels et ses aventures, Tartarin ses vantardises.
Ces héros simplifiés ou agités sont-ils donc de simples caricatures ? Précisément non, et tout le mystère est là, ce sont des " types ". Rastignac en est un...Peut-être est-ce parce qu'il faut laisser au héros dont on veut faire un type, une marge d'autonomie, qu'il ne faut pas creuser trop avant l'analyse, qu'il ne faut pas dire trop non plus.


 
 
Théâtre et art théâtral

 

Le public d'aujourd'hui est restreint surtout pour des œuvres comme celles de Ionesco, alors que le théâtre populaire avec Jean Vilar et d'autres a touché, frôlé la vaste audience du grand public, en remettant à la mode au milieu du XX e siècle, les pièces classiques et étrangères. Qu'est-ce à dire sinon peut-être que le théâtre à la Ionesco risque d'aboutir à une impasse car il est loin d'être populaire.
Ses moyens sont limités, et les prolongements du thème de l'homme traqué par le langage, risquent d'aboutir à des redites. D'autre part, les effets d'un tel théâtre semblent encore plus gros que ceux du théâtre traditionnel. Ils réussissent encore parfois à déclencher le rire. Et, ce que l'on prend volontiers pour insolite, dans le théâtre de Ionesco, n'est peut-être qu'une interprétation du monde à travers le regard d'un enfant. Les trois nez de Roberte, ne font-ils pas partie d'une féérie aussi acceptable que l'œil unique de Polyphème ? Et l'énormité du cadavre d'Amédée, peut s'expliquer, par l'agrandissement des objets dans notre souvenir, et la déformation qu'un
œil d'enfant naïf, fait subir au monde familier. Enfin, même le théâtre de Ionesco, n'est pas simplement dérisoire. Depuis " tueur sur gage ", Ionesco a redonné au langage un poids de sérieux inaccoutumé, et les lieux communs des thèmes de la solitude et de l'angoisse devant la mort, sont en train de redevenir vérité.
On peut dire également que les reproches de Ionesco ne sont pas toujours fondés. Il suffit de lire les tragédies de Racine, pour affirmer que les procédés ne sont pas toujours gros et que les idées sont nuancées : on ne retrouve plus dans l'œuvre de Racine, les événements extraordinaires, chers à Corneille, mais des drames du cœur qui, même s'ils semblent hors du commun pourraient toucher des familles. On peut lire des catastrophes de ce genre dans les journaux : une Hermione qui fait tuer l'homme qu'elle aime, par son principal admirateur, ou une Phèdre éprise de son beau-fils. La complication chez Racine, les ressorts de ses tragédies, même s'il se contente de peindre les ravages de la passion, sont exceptionnels et intérieurs. C'est au fond des personnages, qu'il faut chercher. Dans " Andromaque ", les personnages, esclaves des sentiments qu'ils inspirent et de ceux qu'ils éprouvent, subissent dans leurs espérances et dans leurs craintes, le contrecoup de ces sentiments. Toutes les tragédies de Racine ou presque, conduisent ainsi avec habileté le drame, sans autre intervention que celle des facteurs moraux. Leur intérêt résultant d'actions devenues nécessaires, vu les circonstances. Racine n'utilise aucun moyen artificiel : les personnages se rencontrent , l'action inévitable s'engage et se noue nécessairement
et avec facilité. Le rôle il est vrai de la fatalité tragique, du destin, sont importants, mais ils ont un rôle pour certains dans la vie même qu'on les appelle " destin ou hasard ". Mais chez Racine, disons qu'ils sont intériorisés.
D'autre part, les caractères des héros de Racine sont complexes. Il ne s'agit plus de caricatures ou de personnages traditionnels, mais d'êtres vivants qui laissent une grande impression de vérité. Partout des aveux dissimulés, des insinuations, des dehors de délicate politesse, mais qui revêtent les passions les plus violentes et les résolutions les plus hardies. Les héroïnes : Hermione, Bérénice, Roxane et Phèdre, sont des passionnées qu'on croirait à première vue de même famille et qui pourtant sont si individuelles, que chacune est un caractère non seulement original, mais unique. Athalie est aussi orgueilleuse qu'Agrippine, et aussi violente que Clytemnestre. Mais elle concentre aussi la violence de sensibilité que Racine a répandue, sur ses effrayantes héroïnes.
Enfin et surtout, tout le peuple des spectateurs peut devenir élite, et par conséquent actif, si on lui accorde la possibilité de s'élever. Ce problème a fait l'objet d'études et d'entreprises qui ont passionné Brecht et Jean Vilar. Brecht au contraire d'Aristote, ne cherche pas à proposer l'adhésion du spectateur, et comme Ionesco, il pense que l'intrusion de ses sentiments déformerait le monde. Il n'écrit donc pas pour " un théâtre de patronage ". mais contrairement à Ionesco, il affirme que la seule marque du respect que l'on doive aux spectateurs, est de ne jamais sous-estimer leur intelligence. Il va donc, en particulier dans " la Mère ", s'efforcer d'enseigner un comportement pratique, en offrant à la vue du spectateur, des conditions particulières, des milieux susceptibles d'être transformés. Dans cette perspective, le but du théâtre est noble. Non seulement il ouvre les yeux, mais il conduit le spectateur au bonheur. Le bon spectateur doit être prêt à mobiliser toute son expérience, pour reconnaître les difficultés à surmonter dans la vie, pour comparer, critiquer et enfin s'instruire en vue de sa propre situation.
Désormais, le spectacle montre à l'homme, non plus son impuissance comme dans la dramaturgie Aristotélienne, non plus son absurdité, comme dans celle de Ionesco, mais sa liberté. Quant à la mise en scène, elle reste traditionnelle, soit en  redonnant au théâtre sa valeur de parabole, soit  en érigeant ses moyens modestes en moyens qui mettent en valeur un côté esthétique.

Comment prétendre ramener à une synthèse claire, le théâtre  dans les années 60, 70, ce théâtre toujours disparate, parfois même contradictoire. Comment rassembler même sous une même enseigne le théâtre en général, je veux dire Racine,  Ionesco ou Brecht ? Peut-être en affirmant que le problème n'est pas dans les effets, les procédés ou les idées, mais dans l'Art. Ce qui est parfaitement juste en tout cas, c'est que le théâtre est toujours une contemplation de la nature humaine, et que les personnages dramatiques resteront, à la façon du Pirandellisme, en quête d'un auteur et d'un public. Chaque civilisation, chaque morale les interpréteront à leur façon. mais cette nature et ces personnages, devront être transfigurés, pour accéder à la dignité de l'Art, et toucher le public, c'est ce que Ionesco semble négliger dans ses critiques.


Le rire ? Le rire spontané, celui qui se déclenche malgré nous...Qu'est-ce qui peut nous faire rire ainsi ? Un jeu de gestes, un jeu de mots ? Ce rire subit et irrépressible naît de clowneries, de fantaisies verbales soit, mais il dépend aussi de notre état d'esprit. Le comique de Scapin, les jeux linguistiques de Rabelais à Coluche ouDevos... Avant Molière, et même à ses débuts, la comédie en France consistait surtout en ces deux effets : jeux de scène acrobatiques et clowneries en tout genre dans " le médecin volant, " de vrais discours de camelots, grande fantaisie de gestes et de costumes...C'est la forme la plus naturelle et la plus spontanée du comique. La plus ancienne aussi.
Il y a plusieurs sortes de comique : comique de situation, comique de caractère, comique de mœurs, comique de mots. Mais souvent la séparation en catégories est difficile car le comique forme un tout.




Les auteurs dramatiques


 

Eugène Ionesco est l'un des auteurs les plus loués et les plus âprement discutés. Il s'est malgré tout imposé en France et a réuni en un volume : "  Notes et contre notes ", l'ensemble de ses articles. C'est dans cet ouvrage que se trouve le résumé des reproches qu'il adresse aux auteurs dramatiques et au théâtre lui-même :  " Qu'y a-t-il donc à reprocher aux auteurs dramatiques, aux pièces de théâtre ? Leurs ficelles, leurs procédés trop évidents ? Le théâtre peut paraître un genre mineur. Les effets ne peuvent être que gros, les nuances des textes littéraires s'éclipsent. Un théâtre de subtilités littéraires s'épuise vite. Les démonstrations, les pièces à thèse sont grossières. Il ne peut être que vulgarisateur, il rabaisse, il devient naïf. Tout théâtre d'idéologie risque de n'être que théâtre de patronage. "
Comment expliquer ce jugement ? A travers la dramaturgie personnelle de Ionesco ? Les deux  sont  liés : le théâtre de Ionesco apporte une solution, il amplifie jusqu'à la caricature.
L'œuvre théâtrale est comme la " bouteille mise à la mer ", celui qui l'a jetée ne peut plus rien pour elle; elle appartient désormais au public. La grande règle semble toujours la même, c'est-à-dire comme le proposait Racine : " de plaire et de toucher " !
C'est pourquoi, après le succès au siècle dernier du théâtre populaire, on pourra reprendre à la base les difficultés du théâtre : problèmes d'auteur, de scène, de spectateur.


Problèmes d'auteur :

Dans son jugement, Ionesco reproche aux auteurs et aux pièces de théâtre trois éléments : les "ficelles", la naïveté et le fait qu'elles se rabaissent au niveau du spectateur passif.
Dans une pièce de théâtre les " effets sont gros ", on ne peut le nier. Pensons à la règle de la limitation dans le temps et dans l'espace et ses conséquences. Il faut noter dans la tragédie classique, le caractère exceptionnel des personnages et des événements : l'héroïsme qui fait l'intérêt de la tragédie de Corneille, est rendu par la simplification excessive, par la lutte de la volonté contre des sentiments même légitimes. Cette lutte constante a pour principal but de nous faire admirer les héros. Il faut donc que l'auteur choisisse des faits exceptionnels au milieu desquels le spectateur les voit évoluer. Et, rien n'est moins exceptionnel que l'aventure de Cinna conspirateur le matin et ministre le soir du prince qu'il voulait assassiner. La tragédie au XVII e est d'autre part soumise à d'aures exigences du genre. Elle possède une langue qui lui est propre et dont les principales caractéristiques sont la noblesse et même l'emphase. Cinna utilise maints procédés oratoires pour exalter les sentiments des conjurés :
" Vous dirai-je les noms de ces grands personnages
Dont j'ai dépeint les morts pour aigrir les courages
De ces fameux proscrits... "
Enfin, la règle des unités, les récits, l'interdiction des actions violentes sur scène, on pourrait ajouter le rôle des confidents, donnent au spectateur l'ensemble d'un spectacle trop conventionnel.
Dans le drame les procédés sont aussi évidents. L'Otage de Claudel met en scène un mariage odieux sur le plan psychologique. L'auteur recherche la vulgarité dans la peinture de tout le contexte matériel où l'héroïne s'enfoncera avec répugnance ? Turelure est un grand homme laid et cynique : " mon corps est rompu, mon âme est dans les ténèbres et je tourne vers vous mon visage plein de crimes ".  Par opposition la vie des nobles a parfois été embellie par le poète. Mais Claudel ne s'arrête pas à la poésie du réel. Il veut une saisie totale de l'univers et il y parvient en réunissant sous un regard unique, tous les êtres et les objets les plus éloignés dans le temps et dans l'espace : " le miel, les fleurs, le vin, l'Arbre dormant... " et, c'est à " l'eau ", image de l'infini qu'il confie la mission de réunir et de guider les éléments. Dès le premier acte Georges avoue : " je n'ai plus que la mer sous les pieds, la mer de l'eau marine et celle qui est faite d'hommes. Tout a passé. " Parfois enfin, une énorme plaisanterie dissipe la tension exceptionnelle du drame : c'est le rôle de Turelure rappelant " le maigre claustral... le lièvre accroché tout chaud sous le scapulaire..." ce sont donc des ficelles. Des ficelles, vraiment ???
Ce sont les mêmes plaisanteries qu'on retrouve dans la comédie jointes au grossissement de la farce. Molière met en relief les caractères et, entraîné par son  génie satirique, donne du relief à nos défauts. Les contradictions entre le langage dévot d'un Tartuffe et sa gourmandise ou sa sensualité, s'imposent aux regards des spectateurs, car, il use et abuse du vocabulaire religieux. Molière met aussi en œuvre toute sa science des " procédés " du métier et des jeux de scène, qui exercent sur le spectateur une contrainte et l'obligent à rire : le soufflet reçu par Flipote, Orgon caché sous la table, Tartuffe embrassant par inadvertance Orgon.



Problèmes de scène :

Enfin, si les gestes sont parfois grotesques, les " démonstrations ",  les pièces à thèse sont grossières".  Or toute pièce de théâtre est en quelque sorte la démonstration d'une thèse plus ou moins nette. Elle est du moins le reflet d'une idéologie plus ou moins travestie, c'est très net en tout cas au XVIIe siècle pour Sartre. Dans ses pages sur la littérature de ce siècle dans " qu'est-ce que la littérature ? ", il signale que même la leçon de Clémence dans Cinna a une résonance politique. Corneille cherche à prouver qu'il faut faire aimer et respecter le pouvoir monarchique à une époque où les conflits se multiplient contre Richelieu et, les idées révolutionnaires d'Émilie incompatibles avec la société et son injustice, se chargent de fanatisme, d'idéalisme. En quelques mots, elles sont excessives. La scène du deuxième acte qui envisage successivement les avantages et les inconvénients de la démocratie, du pouvoir personnel, des rapports entre l'État et les citoyens, est très longue. D'ailleurs, l'intrusion de la politique sur la scène alourdit toujours une pièce par l'atmosphère pesante qu'elle suggère. Elle entraîne aussi la complicité de certains spectateurs, ce qui semble incompatible avec  l'art authentique. Notion elle-même finalement contestable car pour qu'il y ait art, il faut que la pièce dure. Or cette complicité exige un point commun avec la vie. Donc les générations futures ne pourront sans doute pas comprendre sans une explication historique préalable.
Enfin, au-delà des thèses et de leur traduction par les mots, le problème essentiel semble se trouver dans le processus même de la présentation : or, le décor ne peut restituer exactement la réalité sans aggraver l'emphase des textes. Au XVII e siècle, les acteurs avaient des costumes somptueux; le Cid a été joué sur une scène divisée en compartiments, et, tout était prévu pour le plaisir des yeux et l'émerveillement des spectateurs qui pouvaient assister aux changements atmosphériques, voir des flots agités, des nuages en mouvement, des personnages mythologiques entre ciel et terre. Le décor a encore gardé de l'importance dans le drame bourgeois, le drame romantique et jusqu'à l'art le plus réaliste du théâtre libre, au temps où Antoine, pour faire plus vrai, obligeait ses comédiens à tourner le dos au public et où une vraie pendule sonnait les heures. Tout décor comporte donc une part de fabrication qui ne peut-être que lourde et factice, parce qu'on y reconnaît le passage de l'auteur et du metteur en scène.
D'ailleurs, malgré tous les procédés utilisés par le théâtre, un auteur ne pourra pas tout dire. Aussi les pièces gardent-elles à côté des " procédés ", un caractère simple et  " naïf  ".
Au XVII e siècle déjà, le principe des limites du genre, approximativement appliqué, aboutissait à une simplification de la réalité que l'on peut juger regrettable, et à une accumulation d'invraisemblances. C'est ainsi que l'on a reproché à Corneille les différentes péripéties du Cid, car elles violaient les lois antiques de la composition dramatique. De fait Corneille par son amour de l'histoire, choisit des sujets vastes, qu'il resserre difficilement dans ces limites.
Avec Claudel, les personnages vont se mouvoir dans les terres vagues du symbole. Sa façon de concevoir les rapports du héros, de la vie et de Dieu conduit à un tragique de caractère métaphysique, où les personnages ne demandent pas une richesse psychologique particulière, ni la société une étude approfondie des mœurs; les personnages eux-mêmes n'importent guère : le débat se situe plus haut Georges et Sygne ont tendance à perdre leur individualité pour représenter des abstractions. C'est une simplification très nette de la psychologie.
L'auteur d'une comédie de son côté, devra nécessairement styliser ses personnages pour leur enlever tout sérieux. Molière en effet simplifie à l'extrême la notion de caractère. Il veut former un  " type " précis, délimité et parfaitement déterminé, sur seulement un ou deux détails de caractère. Ainsi, à l'aide de nombreux traits observés sur plusieurs hypocrites, Molière par une synthèse crée son Tartuffe en lui enlevant une bonne partie de la complexité, des défauts et des qualités multiples, en chaque être humain.
Enfin, le théâtre peut-il être raisonnablement " le langage des idées " ? Peut-il démontrer une idée à travers l'évolution de quelques personnages ? L'entreprise semble vaine : avec Cinna, Corneille fait alternativement sympathiser le spectateur avec les conjurés puis avec Auguste. Quel est le but de Cinna ? Quelle est selon Corneille la meilleure forme de gouvernement ?  Les idées politiques de Corneille sont en effet assez complexes et le spectateur peut rester indécis. D'ailleurs, tous les aspects sociaux de la gloire, qui ont tenu une grande place dans les œuvres de Corneille, après Polyeucte, ont fait perdre à la tragédie cornélienne, beaucoup de sa vie : le héros semble devenu le politique, tandis que la gloire s'est sacrifiée à la puissance royale. Les personnages risquent, en fait, d'incarner des expériences et des drames de conscience qui ne seront pas forcément ceux du spectateur, ni même ceux de la vie en général. Les pièces risquent par là, de se limiter à un certain public, faisant corps avec leurs idées.
Enfin, les pièces qui n'ont pas eu à subir l'avilissement d'un décor lourd et réaliste ont retrouvé la stylisation jusque dans la mise en scène. Le théâtre est donc bridé, dans chacun de ses éléments, par un réseau de conventions qui semblent justifier l'opinion de Ionesco.
De fait, beaucoup de ces pièces ont vieilli, et en particulier Cinna. Non seulement comme dit Ionesco, parce que les idées et les " subtilités s'épuisent ", bien que par théâtre des " subtilités littéraires ", Ionesco ne veut certes pas désigner Corneille, mais bien plutôt des dramaturges comme Marivaux et Giraudoux par exemple, mais l'univers Cornélien est devenu étranger à beaucoup d'entre nous, il est le témoin d'un siècle, d'une société...Mais aussi, parce que " les procédés et les effets ne peuvent être que gros ". L'abus de rhétorique, les longs discours, le vocabulaire trop abstrait, les procédés dramatiques souvent laborieux, n'intéressent plus le spectateur moderne. En outre, la psychologie dans Cinna est complexe : Émilie laisse le spectateur perplexe sur les mobiles réels et la valeur morale de son comportement. Le caractère d'Auguste lui-même, n'est exempt ni de contradictions, ni d'obscurité.
Le théâtre ainsi conçu n'est donc qu'un moyen de " vulgarisation ", il se contente de simplifier pour mettre en relief les idées nécessaires à un public qui devra adhérer spontanément aux idées de l'auteur.
Il faut savoir qu'il y avait au XII e siècle une homogénéité du public plus importante que de nos jours. En effet, le public de Cinna manifestait de l'attrait pour les pièces romaines, pour les grands problèmes politiques : problèmes vulgarisés de nos jours par la radio ou la télévision, mais que seul le théâtre au XII e siècle, permettait de porter devant le public. La vie et le monde ainsi expliqués par l'auteur deviennent transparents. Les spectateurs n'ont plus alors, comme le voulait Aristote, qu'à participer en esprit à des péripéties aventureuses, à s'identifier au héros principal, puis à se montrer sensibles aux larmes des héros ou au ridicule des caricatures. Ce ne sera qu'un public passif libérant son inconscient.
C'est à cette présence collective et charnelle du public, et à ses vains efforts pour essayer de se dépasser lui-même, dans le but d'atteindre la vérité, que le théâtre doit sans doute, les années de retard qu'il possède sur la peinture et le musique. Mais comment peut-il y avoir du nouveau au théâtre ?


Problèmes de spectateur et solution proposée par Ionesco

Ionesco propose alors une dramaturgie nouvelle, une technique différente et un public renouvelé. Ce qui compte surtout c'est que la littérature dramatique et la scène, longtemps séparés, l'une imposant les mots, l'autre se contentant de les incarner puissent être réconciliés. La démarche de Ionesco, va donc être l'inverse de la démarche traditionnelle.
Tout d'abord, il refuse " thèses et idées " nées du sérieux de la vie et du réel, puisque l'homme du XX e siècle n'est qu'une parodie absurde de l'homme. En lui, les différents plans de conscience s'interpénètrent, et les rêves prennent le dessus par rapport au réel. Ionesco se charge de dresser le constat de faillite, de toutes les vanités qu'on veut croire valeurs et d'accélérer le processus de désintégration du réel. Après cela, il n'y a d'autre issue possible que dans une nouvelle tricherie, celle de la dérision. Aussi, presque tout son théâtre est-il un théâtre " au second degré ".

Puis il substitue au théâtre traditionnel et soumis à des règles et des conventions, un théâtre sans perspective dont les limites sont celles des instruments qu'il possède : des gestes, des paroles et des mouvements. Avec ces éléments, Ionesco se propose de montrer et non plus de démontrer. Il éprouve d'ailleurs une certaine haine pour Brecht, sans doute encore trop traditionnel pour lui, trop enclin à démontrer.
Désormais, le metteur en scène n'aura plus à lutter contre le texte, ou à suppléer à ses insuffisances. Mais il lui faudra prolonger ce qui à l'étape même de l'écriture, était déjà scénique. Dans ce cas, une décoration trop préoccupée d'elle-même, écraserait le texte sous le commentaire parallèle de ses significations, ou en affadirait la portée. Le décor du théâtre de Ionesco, sera donc souvent d'une nudité totale.
En ce qui concerne la technique, le langage, les gestes, les accessoires et les jeux, ils auront pour mission d'élargir la faille entre le théâtre et la vie. Le langage étant le moyen le plus efficace pour discréditer l'action et le personnage, Ionesco le ridiculise en inventant un idiome grotesque, fait de lapsus et d'à peu près : " Le yaourt est excellent pour l'estomac, les reins, l'appendicite et l'apothéose ". ( La cantatrice chauve ). Les réalités signifiées et les personnes désignés, perdent jusqu'à leur identité, sont dépouillés de leur individualité : tout le monde s'appelle Smith, Watson ou Jacques. Le langage pris au pied de la lettre est privé de sa valeur de signe : dans les victimes du devoir, quand on demande à Choubert de remonter dans son souvenir, il grimpe sur une table : cette littéralité du langage, en lui donnant un pouvoir qui lui est propre, achève de faire échapper au contrôle de l'homme. Il entraînera dans sa déroute, les plus sûres croyances de l'esprit logique. D'autres éléments, associés au langage mettent encore en relief, tout ce que ce théâtre a de parodique : des éléments déraisonnables, comme le cadavre d'Amédée qui grandit, prennent des proportions gigantesques. C'est finalement le cadavre qui chassera Amédée de chez lui. Ce cadavre est lui-même objet de spectacle : il fait la pièce. la progression dramatique est liée à sa propre progression, et l'atmosphère devient de plus en plus étouffante, au fur et à mesure qu'il occupe plus de place.
Ionesco a également réussi sa troisième entreprise, d'atteindre un public renouvelé et capable de se défendre contre l'emprise du banal. Il s'est fait applaudir par un vaste public.







 
L'art du comédien
 

 Diderot, au contraire, avec la même rigueur et tout en déplorant le relâchement de ses mœurs, exalte le comédien, conformément au système dramatique qui fait de ce " prédicateur laïque " le dépositaire d'une fonction publique comme l'histrion grec.
Le génie ne peuit être porté à la cadence d'une production industrielle. C'est tout l'art d'une nouvelle catégorie d'interprètes qui paraît être mis en cause.
Des hommes ont parfait leur don de nature au prix d'une longue patience.
Importance d' l'inter-relation du spectateur et de l'acteur.

Les condamnations, portent pour la plupart sur un art qui ne planerait pas bien haut, retenu au terre à terre par les chaînes corporelles, l'exhibition de la personne, la simulation des émotions, la vile et bornée imitation, dans une activité où l'acteur n'est que l'instrument, l'exécuteur, le truchement à l'heure voulue par les programme. Il n'est que l'interprète dit-on communément. Et de même qu'on vénère la justice et méprise le bourreau qui accomplit la sale besogne.
Toute initiative  reste personnelle à l'acteur.
Le théâtre du 20 e siècle est parti en guerre contre le réalisme et logiquement contre toutes les contraintes  imposées par la présence réelle, l'émotion vraie, les servitudes naturelles, afin d'instaurer un art théâtral qui fût une transfiguration du réel et sans le moindre dédain pour l'acteur idéal qui unit une nature généreuse à une haute intelligence.

En fait, l'accusation porte toujours sur l'imitation et sur l'émotion exprimée par l'acteur. L'imitation qui est de nature inférieure, l'émotion brute qui n'est pas de l'art. Selon la vieille doctrine platonicienne, en effet, l'imitateur n'a qu'une connaissance insignifiante des choses qu'il imite, il ne va pas au fond de la réalité, il ne copie que les apparences. Ainsi l'acteur, imitateur par excellence, qui s'efforce de reproduire avec vérité et corporellement les passions, est déjà condamné pour l'insuffisance de son imitation, tandis que d'autre part, l'idéal même de cette reproduction lui fait retirer tout droit au titre de créateur. Qui copie ne crée pas.
Sincère ou non, l'émotion dont l'acteur se fait gloire n'est pas digne d'attention aux yeux d'adversaires, non seulement parce qu'elle est aliénante, et le créateur oeuvre dans la liberté, mais parce qu'un désordre organique n'est pas de l'art
.
L'interprétation vaut par les qualités imaginatives, créatrices de l'artiste.

Quand il apparaît vide d'âme, quand nul enthousiasme d'artiste ne l'accompagne, quand il n'est le reflet que d'une sorte de sécurité parente de la routine, on lui oppose par exemple la spontanéité, l'élan, la sincérité communicative de l'amateur. La sclérose du métier prive de toute vie l'expression théâtrale; celle-ci est alors sans force persuasive, elle n'entraîne plus l'adhésion du spectateur.
Se borner à appliquer des règles et à utiliser mécaniquement des effets trouvés par des devanciers, la fameuse tradition en termes de théâtre est comme disait Lucien Guitry, la " déesse des paresseux ".

Le récit fantastique

On emploie couramment l'adjectif fantastique dans des sens très différents. On dit, par exemple, que la licorne est un animal fantastique ou qu'un milliardaire a déployé dans une réception un luxe fantastique.
Quand on applique l'adjectif fantastique à la peinture, au cinéma ou à la littérature, on pense à des oeuvres qui présentent des aspects surnaturels

On peut envisager le récit fantastique de trois manières différentes, selon que l'on se place du point de vue des événements, du héros ou du lecteur.

Le récit fantastique est la mise en forme littéraire de l'apparition du surnaturel ou d'un événement surprenant que l'on croit surnaturel, de son irruption dans le monde naturel. Il présente des êtres ou des phénomènes exce^ptionnels ou inexpliqués, étrangers à l'expérience courante, qui paraissent en contradiction avec les lois régissant l'univers.

L'inexplicable surgissant brusquement dans le réel crée chez le héros un désarroi, une angoisse, une terreur. Le récit fantastique est fondé sur ce choc initial, la peur, qui déforme les perceptions du héros.

Cette peur est suivie d'un trouble, d'une hésitationque le phénomène ou l'événement jugé momentanément inexplicable suscite chez celui qui le perçoit. peur et hésitation se retrouvent chez le lecteur.

" Croyez-vous aux fantômes ? " demandait-on il y a deux siècles à la marquise de Deffand; et elle répondait : " Non, mais j'en ai peur. " Cette réponse amusante et apparemment contradictoire résume clairement l'état d'esprit d'un amateur de récits fantastiques. Il aime, en effet, jouer avec la peur, en sachant perttinemment que ce qu'il lit est du domaine de l'imaginaire. Ne cherchant en rien à être convaincu, il éprouve du plaisir à se voir maintenu, le plus longtemps possible, dans un état d'interrogation, d'incertitude entre plusieurs solutions. Des indices auditifs, une vision inattendue...préparent le lecteur.

Le fantastique est une réaction de doute, une interrogation face à un événement insolite que l'on ne peut s'expliquer. Au lecteur d'y chercher une raison rationnelle ou surnaturelle... Le fantastique pour ceux qui choisissent une solution rationnelle devient " l'étrange ", un produit de l'imagination, une illusion des sens.

Si l'on choisit la solution irrationnelle, un tel récit relève du merveilleux.

Dans un récit fantastique, il y a présence d'un narrateur, souvent héros de l'histoire, une importante structure et existence d'une ambiguïté.
Le lecteur peut se reconnaître dans le narrateur, s'identifier à lui et éprouver peur, angoisse, hésitation, interrogations
...

La structure est soit ascendante jusqu'à un point culminant soit elle consiste en une organisation subtile reposant sur l'alternance d'épisodes où le surnaturel est présent et où il ne l'est pas.

L'ambiguïté, le doute sont constants. Le narrateur hésite. Parfois même le problème n'est jamais résolu.

Les auteurs des récits fantastiques s'efforcent de suggérer sans vraiment décrire. Ils insistent sur les réactions des personnages, leurs perceptions. Ils suggèrent l'inadmissible. Ils créent une impression de flou, utilisent toutes sortes d'indéfinis : cela, quelque chose, on ne sait quoi... des expressions marquant l'incertitude et indiquant en même temps l'analogie ( comparaison ou métaphore ) : on aurait dit, semblait, c'était comme si...


 


Date de création : 03/07/2008 • 21:23
Dernière modification : 22/08/2012 • 21:42
Catégorie : Littérature française et culture litt.
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