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Quand les ruines parlent

Quand les ruines parlent


Au cours des promenades dans les campagnes, on se sent tout à coup remonter le cours du temps. Pourtant, les vieilles granges, les vieilles maison attendent, fidèles, un moment puis se délabrent. Les pièces gardent pour nous un air de misère et d'abandon. Les étagères en pierre sont couvertes de poussière. Tout a tellement changé !
Ou bien ces vieilles batisses sont abandonnées, certaines sont rénovées dans la ligne du souvenir, avec juste le nécessaire du progrès ou bien encore elles deviennent méconnaissables. Ce qui est certain c'est que les anciens qui ont vécu là au tout début ne craignaient ni les dévaluations, ni l'inflation. Dans les logis il faisait froid, les lits étaient durs. Leurs seuls outils irremplaçables étaient leurs mains et les objets qu'ils pouvaient manipuler. Mais avec la pauvreté ils avaient aussi la liberté. Ils ne dépendaient de personne, n'étaient aidés par personne si ce n'est par ceux qu'ils avaient eux-mêmes aidés. L'état n'intervenait pas. Le nouveau monde des hommes a créé une dépendance et a détruit cette liberté.
Le silence est rempli du bruissement des ruisseaux ou se mêle au concert des oiseaux. Ici vagabondaient vaches, chèvres, moutons ou chevaux. Pendant des années, les bergers et les troupeaux vinrent dans ces prés. Puis ne vint presque plus personne : juste quelques promeneurs, quelques cyclistes avec vélos tous terrains. Les reflets, une lueur ranime et réchauffe les murs de pierre blanche souvent calcaire dans ces régions.

Tout a une fin dans ce monde. Celui des moulins à vent et des charrettes n'existait plus. Le vent fait encore battre les lourdes portes de chêne de quelques ruines où se tenaient bien droits les propriétaires. La bâtisse désormais décrépite laisse pousser l'herbe sur son seuil. Et l'épaisse toison croît en désordre autour des murailles. Le lierre a fait craqueler les murs, les serpents se chauffent l'été sur les pierres et au bord des fontaines sans jamais être délogés. Les oiseaux viennent nicher sous le toit.
Comment faire revivre le passé malgré l'évolution ? Est-ce d'ailleurs vraiment une évolution ? Il y a des bénévoles, dans certaines contrées qui ont cherché à faire revivre ce passé. Le moulin a été restauré.
Les ruines parlent encore, au cours des promenades dans les bois, à travers les cahutes de bergers, les vieilles granges.
Les anciens racontent encore la vie de chaque maison. Les ruines s'animent si on prend la peine de s'interresser à elles.
Finalement il m'arrive de remonter dans ces petits villages si plein de souvenirs, mais on ne peut pas enterrer les souvenirs tant que vivent les ruines, les vieux et les historiens. Pourtant maintenant le village est désert parce que plus personne n'apprend à écouter le silence.
Les vieilles personnes aussi savaient raconter et parlaient à l'infini si on savait être attentifs et ouverts. Les gens étaient libres comme les ruisseaux. Du moins, ils le pensaient. L'architecture murale, parfaitement adaptée aux besoins des habitants était belle sans le savoir et vraiment fonctionnelle. Le bois et la pierre se complétaient avec humilité. Pierres et dalles restent longtemps, s'écroulent peu à peu s'usent par un lent changement. Mais tout cela garde un sens, révèle un mode de vie..
Au milieu des broussailles, des paradis sont abandonnés. De lourdes lauzes pèsent encore sur les murs affaissés, les arbres meurent autour et le plateau aujourd'hui écrasé de chaleur l'été, parfois figé par le gel certains hivers encore froids, montrent combien  hommes, animaux et plantes  y vivaient une vie rude, au rythme des saisons. Mais que l'endroit était bien choisi, au milieu de la nature où ne viennent plus que quelques nostalgiques de la solitude ou quelques marcheurs rejetant la foule pour découvrir la vie cachée sur les sentiers.
Dans les ruelles du vieux Pompéi, on peut voir les pierres usées par des siècles de sabots. On imagine les gens qui y circulaient en charrettes, les vieux comme les jeunes. Dans nos campagnes quelques orties parent les seuils abandonnés. Dedans la poussière recouvre les seuils. Les pierres des murs n'ont pas de ciment. Les cheveux touchent les plafonds tant les habitants étaient parfois petits.
Dans nos villages, les jeunes sont partis et partent encore. La ville, ses offres d'emploi et ses plaisirs les avale leur donnant en échange le progrès ou l'esclavage, les amusements et la drogue, l'avenir et la pollution...
Les vieux au village ont vécu une vie solitaire. Mais c'est fini aujourd'hui. Les habitants ont changé. Des amoureux de vieilles pierres détruites, sans vie, des personnes qui se prétendent amateurs de nature viennent faire la loi, interdire les bruits des coqs et les animaux qui peuplaient les campagnes.
Aussi, ces paysages magnifiques, sauvages sont-ils seulement admirés et fouillés par de rares regards de spécialistes ou d'amoureux des terres de leurs ancêtres.
Dans certaines régions arides, 4 arpents de terres suffisaient à la peine et aux besoins des familles. Le blé y poussait mal là où il y avait peu d'eau. Pourtant la terre encore méconnue était assez riche pour une famille, mais le labeur si difficile. Plus tard les vieux ont conservé les environs comme un cimetière. Les jeunes sont partis.
Pourtant, c'est un vrai paradis qu'ils ont laissé, un paradis abandonné peu à peu.
C'est le cas dans l'Ariège et dans les montagnes alentour. Une grange de mes ancêtres tenait encore, lorsque je l'ai vue avec mon mari. La porte coincée, elle était inaccessible. Le passé restait prisonnier. Le propriétaire de la maison voisine avait poussé son jardin jusque contre la porte sous laquelle l'herbe et les orties poussaient. Les volets cassés, les serrures rouillées n'accueillaient plus que les grosses araignées du matin. Ce spectacle désolant faisait remonter les histoires racontées par mon père. Ce petit toit pourri avait abrité une charrette. Des poules, des lapins, des cochons y avaient vécu. Le voisin avait supprimé le droit de passage et investi les lieux.
Aujourd'hui la recherche de la rentabilité se fait au détriment de notre cadre de vie et de notre santé mais aussi au détriment des générations à venir. Mais dans les campagnes, on oublie le monde. Même si les villages sont rénovés, même si des générations ne sont jamais revenues, il y a des habitants qui favorisent le moderne, d'autres qui aiment rappeler le passé tel que l'histoire, les familles, l'imagination nous le rappellent. La cheminée devient décorative, pourtant on croit encore entendre les blagues qu'on y racontait. S'il n'y a plus de boucher, plus de boulanger, on garde en mémoire la saveur des aliments d'autrefois.


Date de création : 31/05/2020 • 15:35
Dernière modification : 31/05/2020 • 15:35
Catégorie : Contes et nouvelles
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