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Vacances d'été

Vacances d'été

Inspiré par Isa, fait avec Isa ?
C'était enfin les vacances d'été. Le temps s'annonçait magnifique. Trois jeunes amis, Clément, Marine et Fabrice, partis camper à Rocesvalles dans les Pyrénées, s'étaient installés dans un champ  non loin de la bourgade, à la lisière du bois. Le paysage gai et ensoleillé, brillait au creu des vallons et sur les pics à perte de vue. Un seul lieu attristait l'ambiance, c'était la proximité du cimetière !
Chaque matin, nos trois adolescents, impatients et empressés, se promenaient sous le ciel pur parcourant la montagne.
Mais un jour, l'horizon se ternit et le firmament se voila de gris. Ils décidèrent alors de descendre à la ville pour voir un film d'épouvante : le retour des morts-vivants. Quand ils sortirent, quelques gouttes tombaient et la tramontane s'était mise à souffler. Après avoir consolidé leur tente, ils se couchèrent, hantés par les images horribles de la projection, que les ombres des pierres tombales, déformées, rendues grotesques par la nuit, animaient. Les bruits confus de la nuit et les arbres torturés par le vent de tempête enrichissaient l'imagination et ajoutaient à la peur. Impossible de dormir.
Le hululement lugubre de la chouette résonnait dans leur tête et s'amplifiait jusqu'à l'obsession. Il faisait sombre, très sombre. Seuls les éclairs intermittents illuminaient la nuit, leurs dards agressaient, menaçants, les yeux des enfants, recroquevillés sur leurs matelas pneumatiques. Le grondement du tonnerre ébranlait la tente en folie. Les rafales hurlaient et faisaient craquer les arbres dont les silhouettes de plus en plus étranges donnaient naissance dans les imaginations, à des scènes cruelles si inquiétantes! Des feuilles gorgées d'eau émanait une moiteur oppressante. Les auréoles laissées par les gouttes d'eau qui glissaient le long de la toile se transformaient en une coulée de sang. Les crucifix sinistres du voisinage noir étaient déformés par l'écran perlé. Des torrents de pluie brassaient et métamorphosaient le réel. Se mêlaient dans leur imagination, légendes, art et cauchemars. Les caveaux s'ouvraient, l'esprit des jeunes dangereusement attiré se trouvait devant des gouffres géants prêts à les engloutir. Ceux qui oseraient s'aventurer sur leurs bords escarpés, ne risquaient-ils pas d'être propulsés ?
N'y tenant plus, énervé par le bruit des moustiques qui tourbillonnaient autour de lui, Fabrice s'habilla et sortit prendre l'air : il se perdit, s'évanouit dans la tempête qui faisait toujours rage.
Au réveil, Marine et Clément, surpris, découvrirent l'absence de leur camarade. Pensant qu'avec cet orage déchaîné, il ne pouvait être bien loin, les deux adolescents préparèrent le petit déjeuner. Mais toute la matinée passa et Fabrice ne revenait toujours pas.
Où avait-il bien pu s'aventurer ?
Après s'être posé beaucoup de questions insolites au sujet de Fabrice, Marine décida de fouiller les environs à la première éclaircie, pendant que Clément préparait les sandwiches pour le repas de midi. Le moment venu, à peine eut-elle contourné la tente, qu'elle remarqua une piste possible. Elle appela Clément:
- Regarde, les empreintes de Fabrice ! annonça-t-elle, enthousiaste. nous saurons où il s'est faufilé ! Viens il faut les suivre.
- Et le repas, tu n'y penses plus ? Tu n'as pas faim ? Tu crois que Fabrice est en danger ? répliqua Clément.
- Si Fabrice est en danger, le reste n'est pas important !
Marine, les yeux fixés sur les traces boueuses, ne se souciait plus des éternelles préoccupations gastriques de ce goinfre qui lui emboitait le pas, à la fois déçu pour ses tartines au pâté et au fromage et inquiet pour son camarade. Quelques mètres plus loin, l'angoisse figea les deux campeurs : d'étranges et grotesques dessins se mêlaient au décalque des semelles de caoutchouc. les pistes se brouillaient. L'une d'entre elles aboutissait à la grille croisée du grand cimetière, l'autre retraçait à quelques mètre le récit d'un combat acharné. Marine et Clément, ébahis, échangèrent un coup d'oeil. Ils pénétrèrent avec prudence dans  ce lieu de silence envahi par le brouillard, longèrent l'allée centrale, et soudain, les ornières, les flaques piétinées s'effacèrent. la poursuite sauvage conduisait à une tombe sur laquelle une écharpe avait été abandonnée.
- C'est celle de Fabrice cria Clément.
Marine, attirée par les inscriptions gravées sur la pierre tombale, chercha à les déchiffrer.
Horreur, le nom de leur camarade avait été récemment gravé en lettres d'or. Choquée, brisée par l'émotion, Marine s'appuya un instant sur la stèle. Mais à ce mouvement, le sol s'entrouvrit avec un déclic. Curieux, Clément se pencha sur cet immense et sombre trou dont la profondeur semblait infinie. N'y voyant rien, il demanda à Marine de rejoindre la tente au plus vite pour se procurer une lampe de poche et une corde. Quand l'adolescente revint, Clément avait disparu. Elle eut beau crier, seul l'écho répondit à son affolement.
Marine attacha la corde à l'un des crucifix plantés dans le marbre froid et déroula au-dessus de la cavité béante, dans laquelle le chanvre torsadé s'enfonça comme un serpent, dans un bruit sourd qui alla en s'atténuant. Après avoir allumé la torche, elle l'accrocha à son sac et l'orienta de telle sorte qu'elle éclairât bien devant elle. Pâle et livide, la jeune fille se laissa glisser jusqu'au sol boueux.
Mais c'est presque une patinoire ici, murmura-t-elle comme pour se rassurer.
Elle s'accroupit et scruta la vase : stupeur ! Les traces de pas indiquaient nettement que les êtres qui étaient passés par là avant elle n'étaient plus des humains. A l'examen, chaque forme retraçait le contour très caractéristique des os d'un pied. Fait encore plus surprenant, ces squelettes étaient animés, se déplaçaient.

- " Je ... Je dois rêver ", se dit-elle, alarmée par cette terrible découverte.
Elle se releva d'un bond, vacilla un instant sur la terre visqueuse et réussit à maintenir son équilibre.
- Si mes parents me voyaient ici...
Marine frissonna : elle était seule dans une tombe. Seule ? Elle n'en était pas convaincue. Peut-être ses camarades avaient-ils été enlevés par un de ces squelettes articulés comme l'on n'en voit que dans les films. Quelle serait sa destinée à elle ? Marine pénétra plus avant et, tout à coup, sûre qu'on l'épiait, se retourna et distingua une silhouette blanche, transparente, non voilée.
- Ce doit être mon imagination, s'efforça-t-elle de raisonner, les fantômes n'existent pas.
Poursuivie par la terreur et l'inquiétude, elle reprit son chemin, essayant d'éviter les toiles que les araignées avaient tissées en travers de la galerie.
Son ombre même pesait sur sa démarche, alourdissait ses pieds, les entravait. Un air frais frémissait sur son dos : dans une tombe il ne doit jamais faire bien chaud, ce n'est fait que pour des gens qui n'ont plus besoin de chauffage. Un trou avait été creusé dans la paroi humide. Poussée par une curiosité étrange et malsaine, l'adolescente se mit sur la pointe des pieds et se pencha pour  deviner le secret qui se cachait derrière ce pan de mur, mais elle fut effrayée, et, pour ne pas tomber, s'accrocha à une aspérité. Quelles étranges catacombes !
Marine tourna légèrement la tête pour échapper à l'horreur et perçut dans l'autre direction la brûlure de deux yeux phosphorescents qui l'observaient ! A peine eut-elle le réflexe de s'enfuir qu'elle sentit le contact d'une main froide et implacable. Son hurlement qui déchira l'atmosphère lugubre fut subitement étouffé : quelqu'un voulait la bâillonner.
La bâillonner ? Non... Un rire bien familier éclata. Elle se retourna rassurée et sourit. C'était Clément.
- Qu'est-ce que tu as bien pu me faire peur, chuchota-t-elle. Comment se fait-il que tu sois ici ?
Lorsque Marine s'était éloignée en direction de la tente, Clément, solitaire et hanté d'atroces obsessions, avait cru discerner le bruit sec de pas qui se rapprochaient dans un bizarre entrechoc d'ossements. Peu rassuré, il avait préféré sauter dans le gouffre inconnu et commencer à explorer la grotte plutôt que d'être surpris dans un piège à son insu.
Marine nota que lui aussi avait des vêtements souillés et en piteux état après ce bond extraordinaire vers ce néant clapotant et marécageux. Elle demanda à Clément d'observer à son tour, tout lui paraissait louche.
Dans la faible lueur verdâtre, chacun distinguait des squelettes, confortablement installés dans de vétustes fauteuils. Ces curieux sièges paraissaient rongés par quelque monstre affamé. Ils soutenaient cependant des êtres irréels, légers et fantomatiques qui discutaient d'une voix caverneuse et rauque.
Des vêtements chics avec cravates, vestes et pantalons assortis se déformaient et accentuaient les formes maigres de ces carcasses. Un seul portait des chaussures, ce devait être le chef.
La lumière de la lampe vacillait. Il ne manquerait plus qu'elle s'éteigne !
Il faut absolument trouver la solution de ce mystère murmura Clément. Je suis bien résolu à ne pas sortir de cette cave sans avoir sauvé Fabrice et obtenu l'explication de ce colloque énigmatique.
Il devait être 2 h de l'après-midi. Ils n'avaient pas déjeuné, mais Clément ne songeait plus du tout à son envie permanente de grignoter. " Pour une fois " ! réalisa Marine qui sourit dans l'obscurité et serra convulsivement la main de son compagnon métamorphosé par le rayon de la torche, mais dont la présence était si chaleureuse.
Tous deux essayèrent de s'approcher pour mieux entendre la conversation de ces personnages osseux. Clément détacha la lampe et, courageux, décidé, passa devant. Il éclairait la paroi, guettant la moindre ouverture.
Bien fatigués, ils parvinrent à une bifurcation où le tunnel se séparait en deux couloirs. Lequel prendre ? A leur gauche, au fond une excavation les attira. Ils y jettèrent un coup d'oeil. La vaste salle où se tenait la réunion macabre s'élargit devant eux, se précisa, révéla ses recoins cachés. Attentifs, Clément et Marine épièrent, surprirent des propos presque incompréhensibles pour eux. Une voix d'outre tombe se répercuta comme un écho :
- C'est bien simple, nous ne pouvons le libérer malgré son âge.
- Alors introduisons-le dans le congélateur qui, au bout de 10 ans transforme les êtres humains en spectres vivants !
- Très bonne initiative !
- Non, utilisons d'abord sa vigoureuse santé et mettons-le aux corvées éternelles. Il nous rendra service et nous n'ouvrirons pas inutilement les chambres glacées. Plus tard nous aurons d'autres spécimens, ne l'oubliez pas. Alors, nous aviserons. Maintenant il se fait tard, c'est l'heure de nos transformations, de vos suppressions progressives de chair humaine, sans détérioration du squelette.
Le chef se dressa dans un cliquetis d'os qui se cognent et sortit, suivi de ses complices, par la porte arrière.
- Il faut poursuivre nos recherches, affirma Marine, nous ne pouvons tout de même pas abandonner Fabrice entre les griffes de ces démons.
Clément et Marine rebroussèrent chemin et empruntèrent cette fois le second couloir. Soudain la lampe s'éteignit. Plus d'éclairage. Pas de pile de rechange. Même pas la moindre alumette...
- Tant pis, continuons ! dit Marine avec audace, enhardie par la perspective du sort destiné à leur ami.
Plus ils avançaient à pas lents et mesurés, plus l'atmosphère s'alourdissait. Une sensation de moiteur, de fraîcheur, de vide, les envahissait. Saisi par un brusque pressentiment, Clément hésita à continuer...
Trop tard ! Juste le temps d'appeler Marine et il tomba dans un trou profond rempli d'eau. Une rivière traçait son lit dans les couches rocheuses et accidentées.
- Marine ! Marine ! Attention ! Je suis tombé dans un ruisseau ! Il y a une barque tout près ! Rejoins-moi par l'escalier qui est un peu plus loin à ta droite. Vite, dépêche-toi !
Soudain la lumière verte qui émane des fantômes éclaira le lieu, éclairant nettement la présence de squelettes animés. Marine, effrayée, rejoignit Clément au pas de charge. Ils s'installèrent dans la barque et s'éloignèrent. Tout au long de cette promenade étrange dans un incroyable labyrinthe, nos aventuriers firent de bien curieuses rencontres. Des corps décomposés remontaient à la surface des eaux; des ombres effrayantes se profilaient sur les murs, des araignées géantes et velues, aux pattes monstrueuses entravaient leur route, et les cris stridents de chauves-souris les faisaient tressaillir
Ils avançaient prudemment pour ne pas réveiller les habitants éternels, tournant et retournant sans cesse dans l'espoir de trouver enfin une issue. Les deux enfants étaient affamés. Depuis combien de temps étaient-ils partis du campement ?

Bientôt ils perçurent un bruit lointain, puis de plus en plus proche, de chants tristes et poignants. Ils découvrirent la grande grille d'une église souterraine, plongèrent à travers le grincement du fer forgé rouillé dans l'univers lugubre d'une cérémonie funèbre : tous pleuraient en silence. le contraste admirable de leurs silhouettes verticales et des rangées géométriques et régulières des bancs à l'infini donnait l'impression d'une multitude de croix dans l'horizon brumeux d'un cimetière marin. Le costume funèbre de ces êtres squelettiques était terrifiant. Leurs carcasses caverneuses résonnaient sous le drap noir et ils tenaient à la main un chapeau haut de forme lustré, qui mettait en valeur leurs phalanges blanchies par le temps. Cette cérémonie mortuaire était la leur : Clément et Marine voulurent s'enfuir, mais déjà les spectres les avaient entourés. Leur cercle se resserrait à une vitesse inimaginable. Les enfants ressentaient un étrange malaise devant leurs ennemis qui semblaient s'étirer, se déformer, se disloquer. Ils s'évanouirent. Des minutes, des heures et peut-être même des jours s'écoulèrent avant qu'ils ne se réveillent dans un cdre insolite.
Clément se releva d'un bond, mais sa tête heurta la paroi du globe transparent qui le recouvrait. Ses yeux firent le tour de la pièce ronde. Il se trouvait dans la chambre froide, celle qui transformait les êtres humains en squelettes vivants ! Déjà dans plusieurs sphères, la squelettifacation de divers compagnons était effectuée, d'autres avaient opéré à moitié leur métamorphose et totalement perdu la notion du temps. Tournant la tête vers la droite, Clément aperçut Marine qui dormait encore. C'est alors que la porte d'en face s'ouvrit. trois chirurgiens-squelettes, armés de bistouris entraient. Ils étaient vêtus d'une blouse blanche et portaient des lunettes bizarrement à cheval sur un nez absent. Ils sortirent une clé d'un casier, appuyèrent sur un bouton, et le couvercle qui maintenait Clément enfermé bascula.
- Alors, en forme ? lui demanda-t-il ?
- Si l'on veut répondit Clément.
- J'ai quelques mots à te dire. Ecoute : Que préfères-tu ? Devenir comme moi ou me servir toute ta vie. Réfléchis bien.
- Je préfère la 2
e proposition.
- Comme tu veux. Emmenez-le, dit-il à ses complices.
- Bien chef.
Les mêmes questions furent posées à Marine.
On amena Clément et Marine, menottes aux poignets, et on les fit descendre dans un puits immense et nauséabond avec ordre de nettoyer les catacombes. C'est alors qu'ils découvrirent Fabrice, amaigri, repoussant. Ce n'était guère le moment des effusions. A eux trois, il faudrait une éternité pour assainir ce labyrinthe. On leur procura le matériel nécessaire : pelles, pioches, rateaux, brouettes, seaux, balais, tuyaux d'arrosage. Les algues et la boue envahissaient ce lieu. Tous trois ne savaient pas par quel bout commencer.
Quelques jours plus tard, à force de fouiller la fange, Marine découvrit une trappe recouverte de mousses visqueuses. Elle appela Clément à voix basse. Après maints efforts, ils réussirent à soulever l'énorme plaque de pierre et descendirent un escalier obscur.
Brusquement, la lumière du jour les aveugla : ils avaient découvert une issue et se retrouvaient dans la nature verdoyante, celle du monde des vivants. La tente était là et ce fut comme s'ils sortaient d'un mauvais rêve.


Date de création : 31/08/2019 • 07:23
Dernière modification : 31/08/2019 • 07:23
Catégorie : Contes et nouvelles
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