Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'aube, de ses pleurs, au point du jour l'arrose;
La Grâce dans sa feuille, et l'Amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur;
Mais, battue ou de pluie ou d'excessive ardeur,
Languissante, elle meurt, feuille à feuille déclose;
Ainsi, en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que, vif et mort, ton corps ne soit que roses.
L'an se rajeunissait
L'an se rajeunissait en sa verte jouvence
Quand je m'épris de vous, ma Sinope cruelle :
Seize ans était la fleur de votre âge nouvelle,
Et votre teint sentait encore son enfance.
Quand vous serez bien vieille
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
" Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle ! "
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain:
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Je n'ai plus que les os
Je n'ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé;
Je n'ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et ses fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m'a trompé;
Adieu, plaisant soleil ! Mon œil est étoupé,
Mon corps s'en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami, me voyant en ce point dépouillé,
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face,
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons ! Adieu, mes chers amis !
Je m'en vais le premier vous préparer la place.
17 ième
Le poète devient un bon ouvrier du vers...
Malherbe et ses disciples
composent odes, stances...
Il considèrera plus tard " le marinisme " comme une erreur de jeunesse à combattre. Il n'hésite pas à faire des remarques acerbes sur certains rivaux. Il fait preuve d'éloquence et de lyrisme; la facture de ses odes, de ses stances est impeccable. Il fait preuve aussi de lyrisme et de plastique : " Et les fruits passeront la promesse des fleurs ". La fonction du poète pour lui est d'être un bon ouvrier du vers et non pas un mage. Il faut savoir aussi admirer l'inflexible autorité avec laquelle il rappelle au sentiment de leur néant ces grands de la terre qu'il a lui-même si souvent adulés : La discorde au cris de couleuvres
Peste fatale aux potentats
Consolation à M. Dupérier
Ta douleur, Dupérier, sera donc éternelle
Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours ?
Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retourne pas ?
Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avec que son mépris.
Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.
Puis, quand ainsi serait que, selon ta prière,
Elle aurait obtenu
D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fût-il advenu ?
Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu plus d'accueil ?
Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil ?
Non, non, mon Du Périer, aussitôt que la Parque
Ôte l'âme du corps,
L'âge s'évanouit au deçà de la barque
Et ne suit point les morts...
La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles;
On a beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles
Et nous laisse crier.
Prière pour le roi Henri le grand
Conforme donc, Seigneur, ta grâce à nos pensées;
Ôte-nous ces objets, qui des choses passées
Ramènent à nos yeux le triste souvenir
Beaux et grands bâtiments
Beaux et grands bâtiments d'éternelle structure,
Superbes de matière et d'ouvrages divers,
Où le plus digne Roi qui soit en l'univers
Aux miracles de l'art fait céder la nature;
Beau parc, et beaux jardins, qui dans votre clôture
Avez toujours des fleurs et des ombrages verts,
Non sans quelque Démon qui défend aux hivers
D'en effacer jamais l'agréable peinture;
Lieux qui donnez aux cœurs tant d'aimables désirs,
Bois, fontaines, canaux, si parmi vos plaisirs
Mon humeur est chagrine et mon visage triste,
Ce n'est point qu'en effet vous n'avez des appas,
Mais, quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste,
Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.
Les heureux succès de la Régence
La discorde aux crins de couleuvres
Peste fatale aux potentats...
Et si ta faveur tutélaire
Fait signe de les avouer,
Jamais ne partit de leurs veilles
Rien qui se compare aux merveilles
Qu'elles feront pour te louer.
Paraphrase du psaume CXLV
N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde;
Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer;
Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre,
C'est Dieu qu'il faut aimer.
En vain pour satisfaire à nos lâches envies,
Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris, et ployer les genoux
Ce qu'ils peuvent n'est rien; ils sont comme nous sommes,
Véritablement hommes,
Et meurent comme nous.
Sur la mort de son fils
Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle,
Ce fils qui fut si brave et que j'aimai si fort,
Je ne l'impute point à l'injure du sort,
Puisque finir à l'homme est chose naturelle;
Mainard
En 1611 à Aurillac, il compose des odes et des stances. Il aime aussi l'épigramme. Il passe de la verve réaliste à la sensibilité élégiaque, voire même à des couplets impies.
Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée
Racan
Son élégie pastorale se ressent dans ses psaumes et les " Bergeries " ont une intrigue compliquée, leur satyre, leur magicien... paraissent fanés.
Mathurin Régnier
et sa satire qui est une caricature. Dans son épitaphe il force plaisamment la note.
Corneille :
Psyché
L'amour naissant
A peine je vous vis, que mes frayeurs cessées
Laissent évanouir l'image du trépas.
Et que je sens couler dans mes veines glacées
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas.
J'ai senti de l'estime et de la complaisance,
De l'amitié, de la reconnaissance;
De la compassion les chagrins innocents
M'en ont fait sentir la puissance;
Mais je n'ai point encore senti ce que je sens.
Je ne sais ce que c'est, mais je sais qu'il me charme,
Que je n'en conçois point d'alarme :
Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer.
Tout ce que j'ai senti n'agissait point de même,
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c'est que d'aimer.
Ne les détournez point, ces yeux qui m'empoisonnent,
Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux,
Qui semblent partager le trouble qu'ils me donnent.
Hélas ! plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m'attacher à eux.
Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre,
Vous dis-je plus que je ne dois,
Moi de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que vous m'expliquassiez le trouble où je vous vois ?
Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire :
Vos sens comme les miens paraissent interdits.
C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire;
Et cependant c'est moi qui vous le dis.
La Fontaine XVII ième S
Le lion et le moucheron
"Va-t-en chétif insecte, excrément de la terre ! "
C'est en ces mots que le lion
Parlait un jour au moucheron.
La mort et le bûcheron
Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
Point de pain quelquefois et jamais de repos
Il appelle la mort. Elle vient sans tarder,
Plutôt souffrir que mourir, C'est la devise des hommes.
Le lion et le moucheron
" Va-t-en, chétif insecte, excrément de la terre ! "
C'est en ces mots que le lion
Parlait un jour au moucheron?
L'autre lui déclara la guerre.
" Penses-tu lui dit-il, que ton titre de roi :
Me fasse peur ni me soucie ?
Un bœuf est plus puissant que toi :
Je le mène à ma fantaisie.
Le chat, la belette et le petit lapin
Du palais d'un jeune lapin
Dame belette un beau matin,
S'empara : c'est une rusée
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour
Parmi le thym et la rosée.
Les deux amis
Deux vrais amis vivaient au Monomotapa.
L'un ne possédait rien qui n'appartint à l'autre.
Les deux amis de ce pays-là
Valent bien dit-on ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s'occupait au sommeil,
Et mettait à profit l'absence du soleil,
Un de nos deux amis sort du lit en alarme;
Il court chez son intime, éveille les valets;
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L'ami couché s'étonne; il prend sa bourse, il s'arme,
Vient trouver l'autre, et dit : " Il vous arrive peu
De courir quand on dort, vous me paraissez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme :
N'auriez-vous point perdu tout votre argent eu jeu ?
En voici. S'il vous est venu quelque querelle,
J'ai mon épée, allons. Ne le voulez-vous point ?
- Non dit l'ami, ce n'est ni l'un ni l'autre point :
Je vous rends grâce de ce zèle.
Vous m'êtes, en dormant, un peu triste apparu;
J'ai craint qu'il ne fût vrai; je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause. "
Qui d'eux aimait le mieux ? Que t'en semble , lecteur ?
Cette difficulté vaut bien qu'on la propose.
Qu'un ami véritable est une douce chose !
Il cherche vos besoins au fond de votre coeur;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même;
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.
Boileau dans l'Art poétique
Enfin Malherbes vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
d'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Leconte de Lisle
On présente ordinairement Leconte de Lisle comme le poète du pessimisme.
Dans les " Poèmes Barbares " comme dans les " Poèmes Antiques ", Leconte de Lisle montre que le mal est universel et éternel, qu'il tient à l'essence même de l'univers ( cf Bhagavat aux sonorités pascaliennes ).
" Et les lâches heureux et les races damnées
Entendront une voix disant : Satan est mort.
Et ce sera la fin, Œuvre des six journées
( La tristesse du Diable P.B. )
Rimbaud ( Ma bohème fantaisie )
Ce sonnet où l'adolescent songe peut-être à l'une de ses fugues ? L'adolescent évoque avec humour ses rêves : chevalerie" féal", errance poétique " muse ", apothéoses sentimentales ( amours splendides ", univers de contes de fées...
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal;
Oh ! là là ! que d'amours splendides j'ai rêvé !
Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Queneau
Si tu t'imagines
si tu t'imagines
fillette fillette
si tu t'imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures