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Oeuvres qui marquent

Œuvres qui marquent :
Balzac : Lucien de Rubempré et Eugène de Rastignac
Tous deux sont nés en  province. A Angoulême et sont partis de là avec la volonté arrêtée  de conquérir Paris. Rastignac, bachelier ès-lettres et bachelier en droit, vient dans la capitale pour y poursuivre ses études juridiques; il laisse à Angoulême une famille à laquelle il reste très attaché et où l'on demeure prêt à se dévouer pour lui. Lucien de Rubempré part à paris avec l'intention d'y devenir un auteur célèbre. Lui aussi demeure attaché à sa famille provinciale. cette même origine garantit à chacun des deux héros une certaine pureté de cœur, qu'ils perdront par la suite : Rastignac, quand il versera au cimetière du Père Lachaise " sa dernière larme de jeune homme " ; Lucien, quand il exhalera, lors du mariage de sa sœur, " le dernier soupir de l'enfant noble et pur ".
Les événements que la vie offre à Lucien sont identiques à ceux  qu'avait connus Rastignac. Tous deux perdent  vite leurs bonnes  résolutions dès qu'ils se trouvent à Paris, tous deux rencontrent des professeurs d'immoralité : Madame de Beauséant et Vautrin pour Rastignac, Lousteau et Merlin pour Rubempré. A leurs débuts, ils souffrent de la misère, le premier à la pension Vauquer, le second à l'hôtel de Cluny, et ils voient s'offrir à eux les chances d'une vie probe, l'un par le truchement de Victorinne Taillefer, l'autre par le truchement du Cénacle. L'aboutissement de ces divers événements sera différent. Rastignac ira de succès en succès; Lucien de déchéance en déchéance : il passera du Cénacle dans le journalisme, puis dans le lit de Coralie, et enfin dans la malle à bagages d'une voiture de poste, pour finir par pactiser avec Vautrin et se suicider en prison.
Ce qui explique qu'avec des origines semblables et dans des conditions de milieu identiques, l'un ait échoué et l'autre réussi, ce sont les différences de leurs caractères. Balzac donne ici l'impression de présenter une de ces  démonstrations pseudo-scientifiques dont il raffolait.
Le caractère de Rastignac n'est pas préalable au voyage à Paris; c'est sur place qu'il s'est fait. Quand Madame de Beauséant lui a appris que l'on doit dans la vie rester froid et calculer, toujours viser sa fin et se défier des sentiments purs et nobles ( " Si vous avez un sentiment vrai, cachez-le comme un trésor " ), il affirme son premier trait de caractère en extorquant de l'argent à sa mère et à sa sœur, par un mensonge. Quand Vautrin lui a peint le désordre social et le règne de l'injustice ( " Il faut vous manger les uns les autres comme des araignées dans un pot " ) sa détermination s'affirme encore plus, après quelques moments d'hésitation et de scrupule : il accepte les cadeaux de Delphine, il devient son amant, il se laisse entretenir par le Père Goriot. La mort de Goriot et l'ingratitude de ses filles termineront la leçon : le jeune homme pur sera désormais l'homme froid, calculateur, volontaire, qui par la suite sera l'un des personnages politiques les plus importants de l'aristocratie monarchique et deviendra finalement pair de France : en respectant toutes les règles du code de l'arrivisme, en raidissant sa volonté, il " réussit ".
Lucien de Rubempré est très différent : sa personnalité est d'ailleurs beaucoup  plus complexe car son caractère n'est pas né des leçons d'arrivisme, comme celui de Rastignac. Physiquement déjà il est tout autre : sa beauté est extraordinaire, presque féminine ( " Une suavité divine respirait dans ses tempes d'un blanc doré... " ) Intellectuellement, il a le " sceau du génie ", mais son intelligence procède par intuition et non par raisonnement. Il a du brillant, beaucoup d'imagination, il rêve mais ne pense pas. Rastignac au contraire raisonne toujours froidement; il ne rêve pas, mais se propose des buts précis : " Il remarqua combien les femmes ont d'influence sur la vie sociale, et avisa soudain de se lancer dans le monde, afin d'y conquérir des protectrices. " Enfin, la sensualité de Lucien est extrêmement vive ( il pleure souvent ) et surtout très mobile et très fébrile, passant rapidement du désespoir à l'enthousiasme.
Alors que Rastignac, au retour du bal, se met au travail, qu'il tient tête à Vautrin, qu'il affirme son puissant orgueil, Lucien est incapable d'effort ( même les articles lui pèsent à écrire), il ne voit jamais bien loin devant lui ( le problème d'arriver se borne por lui à des détails ), il est, surtout, vaniteux et égoïste.
Tous deux mettent donc au service de leur désir d'arriver deux caractères absolument opposés, ce qui explique la réussite de l'un et l'échec de l'autre.
Rastignac avait refusé tout pacte avec un forçat diabolique...
Construction originale des personnages chez Balzac :
Ils sont individualisés : milieu, caractère, façon de penser et d'agir.
Ils sont symboliques : Honnêteté, Crime, Avarice, Amour.
Ils sont dynamiques : Besoin dévorant d'agir, se perdent ou triomphent.
Ses romans sont à la fois réalistes, dramatiques, et idéologiques. On y trouve des traces d'idées philosophiques : un fort esprit matérialiste et un léger spiritualisme..
Manon Lescaut de l'Abbé Prévost
L'Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut ( car tel est son vrai titre, ne l'oublions pas ) correspond à un moment précis de la sensibilité littéraire. Au siècle précédent l'être humain s'est soumis à la raison, aux bienséances, aux convenances sociales; maintenant sa sensibilité étouffe, se rebelle, et va se débarrasser de son bâillon. Pour s'exprimer, elle dispose d'un moyen de choix : le roman. Avec Manon, nous nous trouvons donc à ce moment privilégié où l'homme découvre, avec étonnement et ravissement, les richesses que recélait son cœur. Moment fugitif d'ailleurs, car, une fois découvertes, ces richesses, après la Nouvelle Héloïse, seront divinisées, exaltées, et le roman sensible deviendra roman de passion.
Cette sensibilité se manifeste à chaque instant dans Manon, soit par des larmes, soit par de l'attendrissement. On y pleure 35 fois, et l'on y verse des larmes d'émotion plus souvent que des larmes de douleur. Dans les rencontres on s'attendrit facilement : penons à Des Grieux revoyant Manon en prison ou la retrouvant sur la route du Havre.
D'ailleurs, Des Grieux est le héros sensible par excellence; ce n'est ni un violent ni un exalté, il est d'humeur douce et tendre, et se laisse aller très vite à ces émotions que l'on qualifie souvent de féminines : évanouissements ou larmes. Il est riche de tendresse, rêve de protéger Manon, e la rendre heureuse, se livre spontanément à son coeur, sans aucun calcul. Il est, ou voudrait être, fidèle, soumis, tendre. Il ne se complaît pas cependant dans sa sensibilité et reste lucide : il sait toujours que l'amour n'est pas la vertu et se garde de les confondre ( erreur à laquelle Saint-Preux ne saura pas échapper ). S'il place son bonheur dans le plaisir sentimental et sensuel, il en sépare la vertu, qui est austère et va de pair avec la religion, comme il le dit clairement à Tiberge. Ses malheurs ne lui procurent aucune volupté morbide, ses sentiments se manifestent sans outrance théâtrale : en ce cas, sa passion est saine, car il ne l'encourage pas et ne l'exalte pas. Il nous engage certes sur un chemin qui nous conduire aux héros préromantiques et romantiques; il diffère d'eux cependant car il n'a pas leur humeur sombre et leur violence, et sa sensibilité, justifiée par sa passion, sait ne pas être encombrante.
Quant à Manon, elle paraît très difficile à définir : elle échappait à Des Grieux sans cesse, elle nous échappe aussi, et ce n'est peut-être pas son moindre charme. Elle n'est d'ailleurs dans le roman qu'un souvenir, un fantôme, puisque le récit fait par Des Grieux est un retour sur un passé révolu, au cours duquel il nous livre son sentiment à son égard plutôt qu'un dessin précis : pas de romancier impartial pour nous la décrire objectivement, mais un amant, dont la cristallisation amoureuse déforme les jugements et le regard. Elle est réelle, certes, car elle a tous les traits du siècle : l'amour des plaisirs, de la sensualité, de l'argent - et elle incarne pourtant une entité : la Beauté et l'Amour : " C'était un air si fin, si engageant, l'air de l'Amour même ", dit Des Grieux. En un sens le personnage essentiel du roman c'est l'Amour, et Manon n'y tient une place que la mesure où elle incarne ce sentiment. C'est d'ailleurs une sorte de femme-enfant, perpétuellement inconsciente, et cette inconscience, au point où elle est poussée, devient innocence. Elle est moins immorale qu'amorale. Quand, un soir où elle le trahit, elle envoie à Des Grieux une fille pour la remplacer auprès de lui, c'est, dit-il, " un effet de compassion pour mes peines "...Nous sourions, et c'est pourtant vrai : " La fidélité que je souhaite de vous, précise-t-elle, est celle du cœur. "
Manon, qui par certains côtés est si réaliste, qui a si vite et tellement bien compris qu'on ne peut vivre d'amour et d'eau fraîche, qu'il faut de l'argent, et qu'elle n'a guère le choix des moyens pour en gagner puisque
Des Grieux s'en montre incapable ( " Crois-tu qu'on puisse être bien tendre lorsqu'on manque de pain ?" ), donne en même temps dans l'idéalisme : elle croit à l'union immatérielle et intemporelle des c en même temps dans l'idéalisme : elle croit à l'union immatérielle et intemporelle des cœurs, elle est fidèle en esprit si elle ne l'est guère en acte : " Je travaille, dit-elle dans la même lettre, pour rendre mon Chevalier riche et heureux. " D'être ainsi au-delà du Bien et du Mal lui confère une sorte de candeur, qui explique les pardons successifs de Des Grieux et le charme que nous lui trouvons en dépit de ses tares. La fin du roman, d'ailleurs, à partir  du moment où l'apprentissage du malheur et de la souffrance l'arrachent à son inconscience, la rend pathétique : Manon se révèle enfin, et sa mort absurde vient racheter sa vie.
Mais par delà la psychologie et les caractères, ces sont aussi les âmes qui intéressent Prévost, et son roman n'est pas sans évoquer la tragédie, car l'aventure contée se double d'une incessante méditation sur l'Homme, sur les limites de sa responsabilité, sur sa lutte épuisante avec la passion, le Destin. Des Grieux est sans doute " un de ces jansénistes " dont Tiberge parle avec effroi, et l'on a évoqué souvent les héros raciniens à son propos. Pour lui, la passion est un mal qui s'attache à l'individu et contre lequel il ne peut rien; sans cesse il s'abrite derrière la doctrine de la prédestination, sans cesse il  constate et déplore la faiblesse effrayante de l'homme. C'est le Destin seul qui, en fin e compte, est responsable, et non pas Manon : " La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. "
Un discours perpétuel sur la fatalité accompagne l'histoire : " S'il est vrai que les secours célestes sont à tous moments d'une force égale à celle des passions, qu'on m'explique par quel funeste ascendant on ne trouve emporté tout d'un coup loin de son devoir, sans se trouver capable de la moindre résistance et sans ressentir le moindre remord. "
A Tiberge qui l'endoctrine, il répond par cette exclamation : " Hélas ! oui, c'est mon devoir d'agir comme je raisonne. Mais  l'action est-elle en mon pouvoir ! " Et au terme de l'histoire c'est encore le Ciel qui agira, l'éclairant de ses lumières après le châtiment, lui appelant sa naissance et son éducation, lui inspirant enfin le sens de l'honneur. Par delà les aventures temporelles des deux amants, c'est donc de tout le tragique de la destinées humaine que l'abbé Prévost nous offre le tableau.
Mais comment s'empêcher d'évoquer ici cet étrange abbé, composant et rédigeant son roman chez les Bénédictins, cloîtré dans sa cellule : peut-être à ces instants s'interrogeait-il pour son propre compte sur ce mystère de la destinée.
Ce qui techniquement, caractérise le livre, c'est la présence simultanée du romanesque et du réalisme : en cela, il se rapproche bien de ce que nous entendons aujourd'hui, au terme de l'évolution du genre, par roman.
Romanesque, il l'est outrageusement, et pourrait n'être qu'un roman feuilleton. Si nous entendons par " romanesque " la peinture de sentiments, de personnages, de situations, inconnus ou impossibles à la plupart des gens, de vies bouleversées par de grands événements et échappant à l'aspect terne qui caractérise les vies normales, Manon Lescaut répond admirablement à cette définition. Songeons aux ruisseaux de larmes versés par les héros sur leurs errements, aux brusques retournements de situation morale comme l'illumination, de Des Grieux à Saint Sulpice aux rencontres imprévues, aux enlèvements, meurtres, évasions, aux déguisements, aux corsaires enfin, auxquels échappe de justesse le bon et fidèle Tiberge. Romanesques aussi,le coup de foudre réciproque des deux jeunes gens, leur vie irrégulière en marge des conventions sociales, les amitiés chevaleresques, la constance des sentiments malgré les plus terribles déceptions, l'entêtement à vouloir refuser les contingences matérielles de la vie.
 Si nous croyons aux héros, si nous acceptons leurs aventures, c'est parce que les lieux et les mœurs leur confèrent une authenticité absolue : alchimie étrange du romancier, qui de la boue du réel, et de l'or des sentiments romanesques, tire une œuvre d'art. Car si le réalisme apporte la vraisemblance au romanesque, le romanesque, lui, transforme le réalisme en art et transfigure le journalier et le commun : l'amitié sans histoire et moyenne de Tiberge devient dévouement sans bornes, abandon total des intérêts personnels, la compassion de Des Grieux devant le convoi de filles subit la même transformation et le conduit jusqu'en Louisiane.
L'action du roman, avec ses surprises, ses épisodes nombreux, ses coïncidences, peut paraître surchargée. Mais , d'abord, elle répond au goût d'un public que la psychologie pure avait lassé et qui demandait au théâtre comme au roman des intrigues, et non des analyse.
A une première partie riche en épisodes et en personnages, et se déroulant sur une longue durée, succède une deuxième beaucoup plus ramassée, où nous ne rencontrons plus de personnages secondaires et où tout l'intérêt est concentré sur les deux héros.
En premier lieu, elle met sans cesse en relief la psychologie des personnages, même dans les pires invraisemblances : jusqu'à cet épisode d'un goût douteux où Manon et Des Grieux s'installent dans la maison, à la table, et finalement dans le lit du vieux G. M., qui nous peint l'ingénuité et l'espièglerie de ces deux enfants grandis trop vite. Et l'épisode américain, parfois critiqué, provoque un dépaysement qui va de pair avec la changement de Manon, qui acquiert à le Nouvelle Orléans le sens de la vertu, la générosité, la fidélité. Pour eux, maintenant, le bonheur serait enfin possible.
Le réalisme conditionne le romanesque.Mais l'action.
Ouvert sur l'avenir parla peinture de la passion, par l'inscription du sublime sentimental dans un contexte sordide, qui touche presque parfois au grotesque. Manon Lescaut cependant ne tombe ni dans l'exubérance verbale, ni dans l'exotisme de bazar. La passion n'y est ni chantée, ni exaltée, et nous ne trouvons nulle part de ces déluges d'exclamations et d'interrogations qui caractériseront plus tard les épanchements lyriques. Quant à la Louisiane, elle est suggérée plutôt que décrite. L'occasion étant tentante pourtant, car la mode était aux pays lointains : Prévost a su conserver ici une mesure qui a protégé l'unité de ton du livre.
Cette impression générale de sobriété et de naturel que donnent toutes les pages du roman, on ne saurait mieux la ressentir que dans le récit de la mort de Manon. Le passage est écrit dans un style ascétique, dépouillé jusqu'à la nudité et s'accorde admirablement avec le paysage, la solitude totale des deux héros, et le vide immense qui se creuse dans le cœur de Des Grieux. Il y a là une adaptation tout à fait remarquable de l'expression au sujet. Prévost d'ailleurs a apporté beaucoup de soin à la rédaction de son livre, ainsi qu'en témoignent les manuscrits : beaucoup de ratures, de nombreuses corrections, un soin particulier à éliminer les hiatus et les pléonasmes. Tout cela fait comprendre que la critique ait été unanime à louer la simplicité et le naturel de son style.
Telles sont donc, rapidement exposées, les qualités les plus importantes de ce roman, qui expliquent assez bien sa destinée  glorieuse. Les contemporains comme la postérité ne s'y sont pas trompé. L'auteur lui-même d'ailleurs fut conscient de la singularité de sa tentative, puisqu'il publia séparément et isola de son œuvre ce qui n'était, à la première heure, qu'un chapitre des Mémoires d'un homme de qualité.
Tardif, mais bienheureux coup du sort, qui accordait enfin à la France son couple d'amants célèbres comme d'autres avaient eu avant elle Daphnis et Chloé ou Roméo et Juliette..
PETIT PRINCE de Saint Exupéry

Magnifique conte ! attachant héros, ce petit bonhomme qui cherche une planète pour y découvrir des nouveautés et de vrais amis...

- Sur quelle planète suis-je tombé ?
- Sur la terre en Afrique.
- Ah ! Il n'y a donc personne sur la terre ?
- Ici c'est le désert, il n'y a personne dans les déserts.
- Où sont les hommes. On est est un peu seul dans le désert.
- On est seul aussi chez les hommes. Le désert est beau. ce qui embellit le désert, c'est qu'il cache un puits.

- On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.


" Si tu m'apprivoises, nous aurons tant besoin l'un de l'autre...tu seras pour moi unique au monde et je serai pour toi unique au monde !
Si tu me donnes rendez-vous à 15H par exemple, dès 14H je commencerai à t'attendre et mon cœur sera déjà rempli de joie !
C'EST LE TEMPS QUE TU AS PERDU POUR TA ROSE QUI FAIT TA ROSE SI IMPORTANTE! Ne l'oublie jamais!
Les hommes ont l'esprit trop occupé...ils ont oublié cette vérité....

Bel-Ami - Maupassant 11 ch 10

 
Bel-Ami, à genoux à côté de Suzanne, avait baissé le front. Il se sentait en ce moment presque croyant, presque religieux, plein de reconnaissance pour la divinité qui l'avait ainsi favorisé, qui le traitait avec ces égards. Et sans savoir au juste à qui il s'adressait, il la remerciait de son succès.
    Lorsque l'office fut terminé, il se redressa, et donnant le bras à sa femme, il passa dans la sacristie. Alors commença l'interminable défilé des assistants. Georges, affolé de joie, se croyait un roi qu'un peuple venait acclamer. Il serrait des mains, balbutiait des mots qui ne signifiaient rien, saluait, répondait aux compliments : " Vous êtes bien aimable. "
    Soudain il aperçut Mme de Marelle ; et le souvenir de tous les baisers qu'il lui avait donnés, qu'elle lui avait rendus, le souvenir de toutes leurs caresses, de ses gentillesses, du son de sa voix, du goût de ses lèvres, lui fit passer dans le sang le désir brusque de la reprendre. Elle était jolie, élégante, avec son air gamin et ses yeux vifs. Georges pensait : " Quelle charmante maîtresse, tout de même. "
    Elle s'approcha un peu timide, un peu inquiète, et lui tendit la main. Il la reçut dans la sienne et la garda. Alors il sentit l'appel discret de ses doigts de femme, la douce pression qui pardonne et reprend. Et lui-même il la serrait, cette petite main, comme pour dire : " Je t'aime toujours, je suis à toi ! "
    Leurs yeux se rencontrèrent, souriants, brillants, pleins d'amour. Elle murmura de sa voix gracieuse : " A bientôt, monsieur. "
    Il répondit gaiement : " A bientôt, madame. "
    Et elle s'éloigna.
    D'autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Enfin elle s'éclaircit. Les derniers assistants partirent. Georges reprit le bras de Suzanne pour retraverser l'église.
    Elle était pleine de monde, car chacun avait regagné sa place, afin de les voir passer ensemble. Il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu'à lui.
    Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui Georges Du Roy. Le peuple de Paris le contemplait et l'enviait.
    Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des députés. Et il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon.
    Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.

Laroche régnait, maintenant, dans la maison Du Roy, ayant pris la place et les jours du comte de Vaudrec, et parlant aux domestiques ainsi qu’aurait fait un second maître.

Georges le tolérait en frémissant, comme un chien qui veut mordre et n’ose pas. Mais il était souvent dur et brutal pour Madeleine, qui haussait les épaules et le traitait en enfant maladroit. Elle s’étonnait d’ailleurs de sa constante mauvaise humeur et répétait :

"Je ne te comprends pas. Tu es toujours à te plaindre. Ta position est pourtant superbe."

Il tournait le dos et ne répondait rien.

 
Rousseau

DELICES FARNIENTE.jpg 

le bras, visiter un canton de l'île que j'avais pour cet effet divisée en petits carrés dans l'intention de les parcourir l'un après l'autre en chaque saison...
Au bout de deux ou trois heures, je m'en revenais chargé d'une ample moisson, provision d'amusement pour l'aprèsdînée au logis, en cas de pluie. J'employais le reste de la matinée à aller avec  le receveur, sa femme et Thérèsevisiter leurs ouvriers et leurs récolte mettant le plus souvent la main à l'oeuvre avec eux, et souvent des  Bernois qui me venaient voir m'ont trouvé juché sur de grands arbres ceint d'un sac que je remplissais de fruits, et que je dévalais ensuite à terre avec une corde. L'exercice que j'avais fait dans la matinée et la bonne humeur qui en est inséparable me rendaient le repos du dîner très agréable; mais quand il se prolongeait trop et que le beau temps m'invitait, je ne pouvais si longtemps attendre, et pendant qu'on était encore à table, je m'esquivais et j'allais me jeter seul dans un bateau que je conduisais au milieu du lac quand l'eau était calme, et là, m'étendant tout de mon long dans le bateau les yeux tournés vers le ciel, je me laissais aller et dériver lentement au gré de l'eau, quelquefois pendant plusieurs heures, plongé dans mille rêveries confuses et délicieuses, et qui sans avoir aucun onjet bien déterminé ni constant ne laissaient pas d'être à mon gré cent fois préférables à tout ce que j'avais trouvé de plus doux dans ce qu'on appelle les plaisirs de la vie. Souvent averti par le baisser du soleil de l'heure de la retraite je me trouvais si loin de l'île que j'étais forcé de travailler de toute ma force pour arriver avant la nuit close.

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Date de création : 20/02/2008 • 13:49
Dernière modification : 04/03/2014 • 14:43
Catégorie : Oeuvres connues
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