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Emilie

Émilie

Èmilie était pour moi une très vieille tante. Elle a été la mère adoptive de mon père. Je l'ai connue âgée, mais de sa jeunesse je n'ai que des bribes de récits et quelques photos. Tout le monde était austère sur ces photos, rigide, personne ne souriait comme si à cette époque lointaine, le plaisir et la joie étaient interdits..
- Quelle  femme disait d'elle un soldat qu'elle parrainait !  Elle a un cœur tout à fait bon.

Sa vie depuis ses 20 ans s'était trouvée précipitée d'abord au fin fond de la misère et elle avait lutté. Maintenant elle commençait une nouvelle vie. A Marseille, elle voulait être une autre femme. Celle qu'elle n'avait pas pu encore se permettre d'être.

Sortie de son petit village Suisse, elle faisait partie avec son mari, Louis,  de ces ouvriers nés paysans ou bergers qui n'avaient pas eu d'autre choix que d'abandonner leurs terres pour gagner un peu mieux leur vie et celle de leur famille. Les terres avaient nourri leurs ancêtres, mais elle ne les nourrissait plus, eux.
Elle regardait stupéfaite les gens qui déambulaient dans la ville. Le train train quotidien était pour elle une surprise, malgré les oiseaux qui volaient d'un arbre à l'autre, malgré les mouettes qui poussaient leur cri sauvage et les pigeons surtout qui venaient picorer près d'elle. Non loin, un jeune homme attendait que son chien ait fait ses besoins. Curieuse et comme impatiente, elle ne se lassait pas, à l'approche de Noël, de regarder les belles vitrines des magasins pour enfants. Elle avait 18 ans et elle scrutait ce nouveau monde.

Ce fut la période de l'attente, des rêves qui s'étirent.

Elle avait fait tous les métiers à sa portée: tripière, concierge...Les yeux étincelants d'ardeur, cette grande femme courgeuse, malgré lres reards menaçants ou les sourires féroces chassait les adbersaires crottés de son lieu de travail qui devait rester impeccable. Elle se démenait por cela, s'acharnait à rendre présentables des lieux qu'on lui confiait sales.

Ce matin du mois de Mars 1962, à 8 heures,
L'âme de mon cher tonton nous a quittés
Il est parti sans faire de bruit
Il est parti pour ne plus revenir
Il est parti vers le bonheur
Il n'a laissé derrière lui que chagrin et pleurs
Sa vie n'avait été que souffrance
Mais son cœur et son courage l'ont conduit jusqu'à 82 ans
Le découragement n'a jamais atteint cette grande âme
Sa vie ne tenant qu'à un fil
N'abattait pas son courage
Lequel à lui seul le maintenait en vie et maintenant
La vie de sa femme, sa compagne au fil du temps
Est vacillante
A 82 ans ils en étaient au même point que deux jeunes amoureux
Le silence caractérisait son être.
Il souffrait mais se taisait
Quel plus bel exemple de force ?
Sa femme maintenant, à 86 ans, ne cherchera qu'à le rejoindre.
Que ferait-elle sans lui, pauvre malheureuse ?
Elle si costaude,

Qui ne vivait que dans la joie presque enfantine
De soigner son mari, son petit mari, son poupon et son ami.

Lorsqu'elle le réprimandait on aurait dit une mère poule qui réprimandait son petit.
Mais sans trop le gronder et en étant plutôt amusée par les bêtises de son nourrisson.
Mais maintenant, tout est fini, le nourrisson n'est plus là.
Le sourire n'est remplacé que par des larmes
Et la vie de la tante à 86 ans n'a plus de but.
Pauvre tatie, toi que j'ai peinée l'autre jour.
O combien je le regrette !

Tu avais envie de pleurer.
Moi aussi, mais moi je suis jeune.
Tandis que toi, si âgée, tu as d'autant plus besoin d'être aimée
Je ne voulais pas tonton que tu nous quittes

Mais tu as tant souffert
Il le fallait, c'était ton heure.
J'espère de tout mon cœur que toi, tu es heureux là-haut,
Mais nous, pauvre race humaine, qu'avons-nous à attendre ?
Pense à ta femme, la pauvre qui prie Dieu pour toi et pour elle.
Nous, nous avons en principe encore le temps.
Mais dans 10 ans, 20 ans, pour mes parents,

40, 80 ans pour moi, nous aurons le même sort
Et peut-être serons-nous moins courageux que toi.
N'oublie pas ceux qui t'ont aimé !

Pour l'enterrement de l'oncle je ne portais pas de noir...Quand avait-on cessé de porter du noir pour les enterrements ? Ma mère se rappelait celui de son grand-père où tous les membres de la famille étaient vêtus de noir. Cela changerait-il quelque chose ?

Pour la tante, son mari serait toujours présent dans sa pensée.  Seuls meurent véritablement ceux qui cessent d'habiter le coeur des vivants, ceux que la tendresse des leurs abandonne.
Après son attaque, l'élocution de cette tante est devenue extrêmement laborieuse. Il lui arrivait alors de se taire pendant des heures alors qu'elle avait été si bavarde !

 


Date de création : 14/03/2014 • 20:27
Dernière modification : 24/03/2015 • 10:13
Catégorie : Ecrire des romans
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