Voyages-evasion vie - Refus de parler

- Si je puis me permettre, je pense que cette attitude de repli quasi-généralisée est liée à l'aura inquiétante de la mort qui perdure autour de la maladie. C'est pourquoi je respecte ceux ou celles qui ne peuvent pas ou ne veulent pas en parler. Puis-je ajouter que, pour aider vraiment les autres, il vaut mieux être soi-même plutôt bien dans ses baskets?

- Mon généraliste me dit " il y a moins de 50% qui guérissent ", mais c'est à cause des malades très âgés qui ne sont plus pris en compte...A cause de ceux qui réalisent trop tard l'installation de la maladie. Il aurait pu se passer de me le dire à moi qui suis en chimiothérapie à vie !!! Il ne savait pas que ça existait " la chimiothérapie à vie "...c'est sûr il est jeune, et ne peut pas tout savoir...mais on évite de sortir des âneries même si elles sont exactes...

- Autre ânerie d'une personne très proche à qui j'ai annoncé que je ne fêterai plus que les anniversaires de la chimiothérapie " oh tu sais si ça se trouve, je vais aussi avoir un cancer "...La belle affaire : savoir que les autres ont un cancer ne m'apporte rien, si de la colère. Voilà pourquoi parfois il vaut mieux ne pas parler.

- Quant à votre amie, je suis d'accord avec vous : sa réflexion, même si elle l'a faite dans de bonnes intentions ! n'est pas très délicate !!!

- J'ai une amie qui me demande de sortir et de parler avec elle, car elle, elle a besoin de parler pour se débarrasser de ses angoisses. Elle croit comprendre le cancer, elle croit devoir donner des conseils. Mais ses conseils tombent à contretemps, elle me donne des conseils dont finalement je n'ai pas besoin. C'est pour cela que j'en suis arrivée au point de refuser de parler. J'accepte cette maladie silencieusement, et je la combats en moi-même. Je ne veux plus penser, ni aux conséquences possibles de la maladie, ni à l'espoir d'une fin des souffrances, ni à l'idée que je verrai sans doute, un jour, mes cheveux repousser. J'utilise toute mon énergie pour oublier, oui oublier toute séance de chimiothérapie. En fait en discutant avec les gens je revis la situation ! En gardant le silence j'efface tout, mais cela ne veut pas dire que je suis déprimée.

- Tu n'as pas envie de discuter " cancer " je te comprends. Pour l'instant nous vivons et nous voulons guérir. En chimiothérapie, nous avions une infirmière qui nous interdisait de parler " cancer "...Je pense qu'elle avait raison. On peut toujours trouver une occasion pour discuter avec une copine si l'on en ressent le besoin, mais en général, il vaut mieux éviter les échanges d'angoisse.

- Toutes les Jeunes femmes atteintes du cancer que je connais ont rejeté les amies qui leur disaient : " Tu sais le cancer se soigne bien de nos jours ". La formule banale qui tue !

- Je suis toujours en traitement, un peu malade après la chimiothérapie, mais bon qui ne l'est pas ? Les résultats sont là en ce qui me concerne, ça va merci, je voudrais signaler que chaque personne gère sa maladie à sa façon et je pense qu'il faut accepter le silence de certains malades (même si dans cette épreuve parfois, il faut être plusieurs à se battre).

- Nous sommes peu à en parler tout simplement parce que, pour la majorité des malades, en rémission ou guéris, la vie continue et on a tourné la page, sans envie de se replonger dans cette atmosphère.

- Je ne suis pas du tout persuadée qu'avoir peur ensemble et se plaindre mutuellement apporte quoi que ce soit. Certaines personnes se disent aidées en bavardant avec ceux qui sont malades comme elles, d'autres peuvent être anéanties par ce qu'elles apprennent.

- Moi aussi, je me suis dit cela et je me suis rendu compte qu'il y avait une double gêne chez tout un chacun:
- parce qu'on ne sait pas bien quoi dire, que cette maladie génère la "trouille".
-parce qu'il est difficile d'avoir une attitude constructive et positive face à quelqu'un qui n'est pas forcément dans les mêmes dispositions.