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Tome 2

Tome 2

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L'appel du passé

Chapitre 1

 

Pour la dernière fois allongés l'un contre l'autre, Muriel et A ne se parlèrent pas. Ils s'étaient déjà tout dit. Tout était fini entre eux.
Sept ans après avoir quitté son pays, A éprouvait une profonde nostalgie. Il vendit son " petit café ", plaça en banque une grande partie de l’argent obtenu de la vente du commerce, pour économiser, en pensant à l’avenir, comme on le lui avait appris au pays; et, parce qu'il lui fallait tout de même une somme importante pour payer le voyage en France et vivre à G., son village natal - sans compter qu'il voulait épater le monde là-bas - il se rendit, quand les grappes juteuses se suspendirent aux ceps, au sud de San Francisco, chez un grand propriétaire de Searsville, M. J. Y.. Il souhaitait participer aux vendanges et compléter son avoir.
Tout l'Ouest se badigeonnait de pourpre.
Il entra dans une cour et se trouva pris par une ambiance de foule en effervescence, de bruit et de musique. Devant un orchestre, la jeunesse locale et les vendangeurs nouvellement engagés dansaient, dernier moment de détente avant le travail pénible… Une serveuse aux yeux bleus très doux, naïvement et involontairement troublante, lui fit signe de s'approcher.
- Je m'appelle Lu., lui dit-elle avec une expression aimable et accueillante. Vous venez nous aider ?
Avec ses cheveux d'un blond presque cuivré, son visage semé de taches d'éphélides mordorés, elle était non pas belle, mais séduisante. Le jeune homme se piqua très vite au jeu en commandant un verre de whisky.
- Je m'appelle A.
Lu. s'épanouit, avant de se perdre dans la multitude colorée des journaliers. A rêva un moment, puis, tout en buvant lentement, et n’oubliant pas, pour autant, sa nostalgie récente, il chercha à rejoindre le propriétaire pour se faire engager.

La zone des vignobles s'étendait dans le comté de San Mateo, mêlant à l'infini les teintes vertes, bleues, rousses. En ce début d'automne, les vignes s'alourdissaient de fruits que le soleil veloutait et dorait.
Les chants d'oiseaux invisibles, égayaient ces vastes étendues. Des centaines de vendangeurs, taches bariolées, la tête cachée sous un grand chapeau de paille, pliés en deux, coupaient les grappes, d'autres transportaient les paniers pleins dans un joyeux va-et-vient des comportes aux coupeurs.
Les vendanges parurent à A, superbes et abondantes, à côté de celles de G. Dans le causse, les petits pieds rabougris traînaient leurs sarments tordus et entrelacés presque à terre, sans fil de fer ni bois pour les soutenir, et ils produisaient bien moins que ceux d'Amérique. En Californie la vigne existait avant l'arrivée des européens, mais à l'état sauvage. Ce serait Cortez qui aurait implanté les premiers cépages en faisant venir des variétés choisies d'Europe. Les Jésuites les plantèrent, les Franciscains les soignèrent et les développèrent. Ces plants importés donnèrent des vins californiens aux caractéristiques presque identiques à celles des crus français. Aussi A. eut-il la surprise de constater qu'aux abords de San Francisco on produisait du Bourgogne et du Sauternes.
Dire qu'en France, songeait-il, les vignes sont en ce moment détruites par le phylloxéra ! Dommage, car, malgré le rendement excellent et le parfum agréable, ces vins américains n'ont pas l'arôme de ceux du terroir qui viennent des vignes tordues poussant sur les pentes arides et caillouteuses des collines de G.
Une brise légère venue de son pays continuait à imprégner ses pensées. La vie passait, jour après jour, et la saison tirait à sa fin. Déjà le moût fermentait dans les cuves où les hommes déversaient les dernières comportes débordant de raisins pressés.
Partagé entre son désir de retourner en France et son attrait nouveau, pour la jeune Lu., A décida alors de tenter sa chance en demandant en mariage l'adorable vendangeuse. Mais le père s'y opposa : celle-ci était encore une enfant et A ne serait jamais qu'un vulgaire immigrant sans avenir.
Désolé, irrité, révolté, A qui avait enfin mille dollars d'économies, en liquide, précipita son départ. Al, son frère venu plus récemment à San Francisco ne voulut pas le suivre. Il poursuivrait sans relâche son travail laborieux et incessant qui ressemblait à celui de l'abeille butineuse.
A. lui, ne rêvait plus que de créer un foyer. Il aurait enfin sa soupe préparée par une femme, une nappe brodée sur la table, l'intimité d'un repas pris à deux, une conversation dans la langue de son pays et surtout l'accueil spontané, et offert selon la loi, d'un corps chaud et désirable.
 
 
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Date de création : 04/01/2008 • 08:26
Dernière modification : 14/03/2014 • 20:50
Catégorie : Ecrire des romans
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