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Penser par soi-même

Qu'est-ce que penser par soi-même ?
 

     
" on ne pense pas ce que l'on veut " dit Alain. La pensée est un chemin rude et tortueux.
« Par la pensée nous prenons conscience de l'être, mais inversement il faut déjà exister pour penser », Jankél. Tout être vivant de par son existence est amené à penser, c’est le « cogito ergo sum » de Descartes, le « j’existe parce que je pense » de Sartre. « Penser, voilà le triomphe vrai de l’âme » écrivait Victor Hugo. Pour Destuit de Tr,  la faculté de penser se résumerait toute entière par le terme « sentir », « sentir des sensations, sentir des souvenirs, sentir des rapports, et sentir des désirs ». Quand à Condillac, pour lui,  « Le mot pensée [...] comprend dans son acception toutes les facultés de l'entendement et toutes celles de la volonté.

Contrairement aux animaux, pour qui l’on peut douter de la faculté de penser, de mettre en œuvre leur conscience, l’homme est de naissance apte à réfléchir ou tout du moins, d’agir en sorte.
Tout être humain a une pensée spontanée : Prenons l’exemple du  nouveau-né. L’enfant qui mettra sa main sous de l’eau bouillante la retirera aussitôt sans que l’on ait eu besoin de le lui demander. Non sans pouvoir affirmer que dans son cerveau se soit déroulé un circuit de réflexions poussées, il n’en reste du moins pas de doute, qu’en raison de son existence, de son caractère d’être humain, la douleur l’aura indubitablement rendu autonome par la pensée. Le cas de l’enfant est le plus concret pour symboliser l’existence d’une pensée innée, pensée qui ne nécessite donc pas l’intrusion d’une tierce personne. Les sensations, comme mécanisme cérébral serait donc le domaine premier de l’exercice de la pensée par soi-même. Pourtant je pense qu'un animal agirait de même et retirerait sa patte ?

Mais qu’est-ce, par définition que le fait de penser, penser vraiment ? Penser, c'est sentir, donner son attention, comparer, juger, réfléchir, imaginer, raisonner, désirer, avoir des passions, espérer, craindre... L’essence même de la pensée serait la réflexion, la mise en œuvre de la conscience, une formation, une organisation d’idées par l’application mentale.
           
Précédemment a été vue la pensée spontanée, on pourrait aussi distinguer une « pensée réfléchie ». Cette « pensée réfléchie » serait le degré le plus élevé puisqu’elle quitterait le domaine des sensations, de l’instinctif. L’animal ressent, et agit seulement par instinct. L’homme n’est pas un animal, il possède un équipement psychique. L’évolution de la lignée humaine prouve que l’homme actuel est constitué de sorte à user de toutes ses facultés, qu’elles soient corporelles ou psychologiques.
            On a coutume de se représenter le poète au sommet de « sa tour d’ivoire », inaccessible et plongé dans une solitude inébranlable. Nécessitant un grand calme, il doit se protéger de toute intrusion du monde extérieur, à l’endroit où il se trouve, certes, mais avant tout dans son esprit. On travaillera toujours mieux dans un bureau que sur un quai de gare. D’autres fois, on retrouvera ce poète solitaire devant un paysage, lui seul et la nature en parfaite osmose. En est-il pour autant privé d’inspiration ? Ne peut-il s’appliquer mentalement, réfléchir, parce qu’il est seul ? Non, assurément, s’il cherche la solitude c’est qu’il y trouve une récompense en contrepartie. Un esprit reposé et au calme est réfléchi. Le poète peut donc penser par lui-même, son travail, personnel, n’en n’a que plus de succès. « Penser est une affaire intime. » écrivait à juste titre Marie Desplechin.

            De même que pour la littérature, une peinture, une composition musicale est bien souvent réalisée à l’écart du monde. Pour étayer ces quelques dires, nous pouvons aisément citer Baudelaire qui décrit l’artiste comme « un être solitaire, un albatros, exilé dans le monde au milieu des huées ». Un homme seul, encore.
 De ces quelques exemples, nous pouvons en déduire que dans tous les domaines, qu’ils soient littéraires, artistiques, scientifiques ou autre, chacun d’entre nous est apte à penser par lui-même.

Lors des premiers cours de philosophie, vous entendez souvent le professeur utiliser cette expression.

Quand vous dites « je » pense ceci ou « je » pense cela, êtes vous véritablement sûr que ce soit vous qui pensiez?

    « Penser par soi-même » : il s’agit ici d’une manière de penser, qui est, bien entendu, hautement conseillée. Penser par soi-même, quand on en parle en philosophie, est une attitude positive, entendue comme une véritable rupture par rapport à un autre mode de penser (qui lui n’est donc pas philosophique).

    Un autre mode de penser : quel est-il ?

    S’agirait-il du mode de penser du commun des mortels, celui que nous utilisons tous les jours, dans la vie quotidienne ? La majeure partie d’entre nous, alors, penserait mal, voire, ne penserait pas du tout ! Être philosophe consisterait alors à se détacher de la communauté.

    Une autre piste : si on ne pense pas par soi-même on pense alors par les autres, à travers les autres ? Il s’agirait alors d’une attitude selon laquelle je répète ce que disent les autres, sans aucun sens critique, sans réflexion. On se laisse ici conduire, mener, par la majorité. Faute de temps, par paresse, par manque de courage parfois, mais aussi parce que la société forge notre pensée…
N’êtes-vous pas un individu de votre temps, n’êtes-vous pas né en un certain lieu, à une certaine époque, dans une certaine famille ... et cela ne pèse-t-il pas inconsciemment sur ce que vous « pensez » ?
    Les deux pistes ne se rejoignent-elles pas ?  Car n’est-ce pas la majorité des gens qui ne pense pas par elle-même mais en quelque sorte par et à travers les autres, par ouï-dire ?



Qu'est-ce que penser par soi-même ?

    Penser par soi-même consisterait à réfléchir à ce qui est dit, à revenir dessus, à critiquer. De passif, on devient actif.
    Penser par soi-même, c’est être capable de se servir de son « entendement » (esprit) sans la conduite d’un autre. C’est oser sortir de la passivité et du besoin d’être guidé par les autres.
    Penser par soi-même, c'est s'affranchir des préjugés, c'est-à-dire, des pensées toutes faites. Une pensée " toute faite " est une idée qui n'a pas été remise en question, qui n'a pas été passée au crible de la réflexion. On l'a en nous et on la profère parce que... parce que quoi au fait ? Parce que c'est un professeur qui nous l'a apprise, parce qu'on l'a lue quelque part, parce que tout simplement elle est venue en nous au fil des années... Le préjugé n'est pas une pensée véritable car c'est quelque chose que l'on a acquis passivement, qui fait partie des influences reçues. Penser par soi-même c'est avoir pris du recul par rapport à une idée, c'est savoir au minimum pourquoi on a cette idée en nous, pourquoi on y adhère, ce qu'elle signifie profondément. Penser par soi-même c'est refuser de tout accepter, c'est passer au crible de la réflexion toute idée qui se présente à nous, surtout si on y adhère spontanément !
    Le contraire de la pensée véritable est donc le préjugé non réfléchi; on associera l'activité de penser par soi-même à la réflexion critique.

 Pourtant, souvent, nous constatons que notre pensée propre n’a pas vraiment sa place dans la conversation ! C'est parce qu'il ne suffit pas de s'opposer aux autres. Il faut réfléchir et pourvoir soutenir la pensée. Une vraie pensée correspond pour ainsi dire à une suite d'enquête et pour être vraie, elle doit être nourrie de lectures, de voyages, de civilisations autres que la vôtre.
 
    Le moment où vous pensez véritablement par vous-même est le moment où vous énoncez une position, un argument, que non seulement vous avez forgé en vous arrêtant pour réfléchir, mais encore en vous  débarrassant de ces pensées qui sont en vous et que vous croyez vôtres.

    Mais il y a ce que vous êtes subjectivement et ce que vous êtes objectivement.

    Dans le premier cas vous pensez selon vos affections, selon ce que les autres vous ont fait être puisqu’il s’agit de ce que vous avez appris, entendu, de ce que vous croyez, etc. C’est une manière, non pas de penser, mais de  sentir. Cela est dangereux ! Cf. le racisme..


 D'où vous vient cette idée à laquelle vous vous identifiez? En êtes-vous véritablement l'auteur, et dans quelle mesure? Si tous les mots que j'utilise (ou presque) m'ont été appris par ma culture, je possède déjà un immense stock qui ne m'appartient pas en propre. Et si les idées que j'exprime en parlant à la première personne du singulier reprennent les thèmes courants des discussions en vogue actuellement dans les médias, comment puis-je affirmer que c'est vraiment moi qui pense ? Ne suis-je pas plutôt en train de dire des choses qui me viennent des autres pour tout simplement me faire aimer, faire partie du groupe, me faire remarquer ou même provoquer  l'attention des autres. Sortir de l'anonymat, du néant, être, n'est-ce pas là mon premier but ? Mais qui suis-je, si chaque élément de ma pensée y a été introduit par les autres ? Ne suis-je pas d'abord « les autres ». Cette « identité propre » avec laquelle la mode de pensée actuelle du « distinguez-vous » nous rabâche les oreilles ne serait-elle pas qu'une illusion?

Autrefois chaque individu anonyme joignait son infime effort au groupe dans le but, par exemple, de construire les pyramides d'Égypte. L'individualité n'avait alors à l'époque aucun sens. Les réalisations grandioses que chacun avait, par son infime effort, contribué à réaliser ne justifiaient-elles pas la fonte dans l'anonymat en échange de la satisfaction d'avoir construit une pyramide?  Cette expérience, partagée avec tous  donnait à l'individu la sensation d'être  une communauté, un peuple.

Le culte de l'individualité que nous propose notre société actuelle est-il véritablement satisfaisant? Si je suis toujours en compétition avec les autres pour me démarquer, suis-je plus heureux que dans un groupe coopérant à une réalisation grandiose ? Pire, cette idée qu'il faut que je me distingue, notamment en pensant par moi-même, est-elle valide ou n'est-elle pas l'illusion d'un mode de pensée auquel j'adhère simplement pour me donner l'impression que je suis quelqu'un par moi-même?

Quoi qu'il en soit, il n'en reste pas moins que je pense. Il m'importe à présent de comprendre comment naissent les pensées qui m'animent et quelle en est la portée.

Et existe-il une pensée autonome, indépendante d’autrui ? L’homme donc peut-il penser seul ?

    Dans un second cas vous pensez véritablement, vous êtes dans la sphère  de la raison. Comme en mathématiques, il faut raisonner, organiser les idées et pour cela  passer par plusieurs étapes…


    La pensée philosophique obligatoirement passe par les deux. Elle consiste donc, certes, à partir de votre vécu, de votre expérience du monde, mais vous serez obligés, pour la « valider », de la confronter à d’autres bien sûr, sans adhérer nécessairement à leur point de vue, mais  afin de voir ce que vaut votre pensée nouvelle.

  Le philosophe, tel qu’il nous l’est décrit dans l’Aufklärung, est tout d’abord un homme seul lui aussi. Seul car héroïque, il veut révolutionner son temps et « marche à contre-courant » comme nous le dirions aujourd’hui.
            La solitude est également recherchée par les savants et bien d’autres encore.
 De ces quelques exemples, nous pouvons en déduire que dans tous les domaines, qu’ils soient littéraires, artistiques, scientifiques ou autre, chacun d’entre nous est apte à penser par lui-même.
                        Il semblerait donc bien que nous soyons aptes à penser par nous-mêmes, ce qui prouverait l’existence d’une pensée autonome, indépendante des autres. Cependant certaines réalités tendent à démentir vivement cette affirmation. Pouvons-nous réellement déterminer librement nos pensées ? Quelle est l’influence des préceptes inculqués ou acquis par expérience sur notre pensée propre ?

                        Notre pensée est  très influençable, et cela les médias l’ont parfaitement compris, comme le dirait Michael Moore, « il suffit que l’on passe quelque chose à la télé pour que les gens croient que c’est vrai. ». Mais la base de toute emprise extérieure sur notre esprit passe indubitablement et avant tout par des préceptes inculqués dès notre enfance, que ce soit dans le domaine éducatif, religieux, ou moral.

 L’influence des préceptes inculqués

Selon des critères choisis toute « formation » d’un homme, bon citoyen, bon religieux… prend ses sources dans une bonne éducation. Mais qu’est-ce exactement que l’éducation ? Le dictionnaire définit ce substantif comme étant « la façon d’assurer la formation et le développement d’un être humain ; les moyens pour y parvenir. ». La domination intellectuelle ou morale, exercée par une personne sur une autre y est fortement explicite. Celle pensant détenir le savoir inculquera alors à l’autre ses croyances, ses opinions préconçues. Quelle est l’influence des préceptes inculqués sur notre pensée propre ?

           « J’ai remarqué, il y a déjà quelques années, combien sont nombreuses les choses fausses que dès mon plus jeune âge j’ai admises pour vraies et combien sont douteuses toutes celles que j’ai édifiées sur elles. » s’est exclamé Descartes juste avant de chercher à « renverser » tout ses « préjugés de l’enfance ». 
En effet, reprenons le cas de l’enfant. Si on lui apprend que six que multiplie quatre font vingt, il tiendra cette affirmation pour vraie, son âge ne lui permettant pas de porter un jugement sur la véracité de ces dires. La faculté de penser par soi-même découlerait donc d’une faculté à exercer son esprit critique. Cet exemple démontre le crédit d’autrui sur l’innocence d’un enfant mais n’exclut pas pour autant que l’adulte soit tout aussi influençable.

Cependant pour entretenir l’idée du cas d’un enfant, nous pourrons noter un fait assez paradoxal. Si l’enfant est amené à être apte à penser ce n’est pas, évidemment, en toute autonomie, non, c’est parce que sa mère lui parle. Ainsi l’influence d’un tiers présente une limite à la pensée.

            L’éducation passe aussi, dans les familles croyantes, par la religion. Un enfant né dans une famille chrétienne se verra baptisé quelques mois après sa naissance sans avoir eu l’opportunité d’affirmer une foi quelconque. Cette religion lui ayant été imposée, il se dira « chrétien »  sans savoir réellement pourquoi, ses parents l’ayant décidé pour lui. Ensuite, il ira au catéchisme, où on lui apprendra à persévérer dans cette idée. On ne proteste que rarement sur une notion inculquée dès son plus bas âge, les préceptes acquis dans notre enfance sont maintenus et entretenus comme vrais jusqu’à l’obtention d’une faculté qui les jugera.
                        Le pouvoir des préceptes inculqués sur la personnalité n’est plus à prouver, même si certains tels Saussure déclarent qu’ « il n’y a pas d’idées préétablies ». Cependant, ces principes ne s’acquièrent pas seulement par l’éducation. La pensée est conscience de quelque chose. En partant de la théorie de Locke selon laquelle toute conscience ne serait au départ qu’un « tableau blanc », il faut bien admettre que seul un ensemble d’acquisitions de l’esprit résultant de l’exercice des facultés au contact de la vie et de la réalité pourrait aboutir à ce : « je suis, je pense, j’existe ». Cet ensemble d’acquisitions est bien évidemment l’expérience et son ascendant sur la pensée n’est ici pas négligeable. L’appartenance à un milieu entraîne souvent une passivité de l’esprit qui tend à nous faire adhérer aux idées de la majorité. Quelle est l’influence de ces préceptes acquis par expérience sur notre pensée ?

            L’influence d’autrui sur la pensée des hommes a largement et tristement été illustrée par l’histoire. Le désir de changement, le besoin d’efficacité a coutume d’inciter les hommes à accepter de devenir des moutons de Panurge.  La plus grande des emprises du XXème siècle est indubitablement celle du « Führer », le guide. Hitler brillait par l’aveuglement qu’il engendrait. Se présentant comme un sauveur pour l’Allemagne, comme celui qui changerait la vie des citoyens allemands, par l’obligation, la contrainte et la persécution il métamorphosa les hommes en bêtes. Tout ce que Rudolf fit, il le fit par fidélité au chef, par soumission à l’ordre… Bref, en homme de devoir : et c’est en cela justement qu’il est monstrueux. ». Celui qui souhaitait vivre dans une situation confortable n’avait qu’à se conformer à la règle, suivre le mouvement nazi, se laisser porter. Comment, dans ces conditions, chercher à avoir des opinions divergeantes du régime instauré ? Ionesco s’est exprimé en ces mots : « Penser contre son temps c'est de l'héroïsme. Mais le dire, c'est de la folie. ». Plus que de la folie, cela aurait été du suicide. Quel but poursuivons-nous réellement lorsque nous agissons ainsi, en êtres soumis, privés de tout rationalisme ? La question n’est pas de savoir si cela est bien ou mal penser, d’avoir des opinions conformes ou non à celles du moment, mais d’avoir « le courage de se servir de son propre entendement » pour citer Kant. Nous pourrions aussi citer ici à titre d’exemples Napoléon III, Staline et bien d’autres. L’indépendance de la pensée est loin d’être parfaite…
 Sommes-nous, par essence conformistes ?
 Si c’était le cas,  toutes les erreurs du passé pourraient paraître comme ayant été inévitables et donc le niveau de culpabilité en serait réduit. En réponse à cette question, il est inévitable de se référer à un film de Peter Weir, Le cercle des poètes disparus. Monsieur Keating, professeur de Littérature, dans le cadre de l’un de ses cours incite trois élèves à faire le tour d’une cour, en marchant. Au départ, chacun suit sa cadence, puis peu à peu, presque insensiblement, ils se mettent à marcher dans le pas l’un de l’autre, et leurs semelles battent en mesure le pavé de la cour… L’ingénieux professeur conclut ensuite que « cette expérience fort instructive avait pour but d’illustrer la force du conformisme et la difficulté de défendre ses convictions face aux autres. ». Ainsi sont dépeints les dangers de ne pas « trouver sa propre cadence », donc de ne pas avoir conscience de notre individualité : « Si on pense tous la même chose, c'est qu'on ne pense plus rien. », François Bayrou.
            Cependant ce serait être d’une bien mauvaise volonté que de se plaindre incessamment d’une société qui influe trop sur notre esprit !  Mais la base de la liberté de tout Homme, selon la déclaration universelle des droits de l'homme, n’est-elle pas « Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres » ? Si la société ne nous inculquait pas des fondements moraux, ne nous imposait pas son mode de fonctionnement donc par extension son mode de penser, ne vivrait-on pas dans un monde où chacun ferait sa propre loi « œil pour œil, dent pour dent », tuant, volant, pour de l’argent ? Sans ces règles de civilisation, nous retournerions à l’état animal, agissant par instinct, sans véritable conscience de nos actes. Comment peut-on faire un procès en responsabilité à un animal ? En résumé tout être humain a donc aussi besoin de règles, même si cela est parfois considéré comme un embrigadement de sa pensée.
              
Kant s’est exprimé très justement en ces termes « Penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien si nous ne pensions pas pour ainsi dire avec d'autres. ». Certes, penser seul mais ne pas limiter son esprit, avoir la pensée ouverte pour communiquer avec d’autres. Sans former un précepte trop directif, il ne serait pas irréfléchi de dire que dans l’idéal, l’homme devrait penser par lui-même mais aussi pour son temps (et non en accord avec son temps qui serait un frein au progrès). Cela peut sembler paradoxal à première vue, mais penser  pour son temps ne signifie pas penser pour les autres. En ce cas, l’amélioration de la société devenant le principal facteur, la philosophie, amour de la sagesse, et l’ouverture de l’esprit, apparaîtraient comme une libération.

La pensée des autres est nécessaire pour sortir de soiParadoxalement, on ne pense pas tout seul. Ce serait courir le risque de rester prisonnier de nos pensées premières, de nos préjugés, de ce que nos parents nous ont inculqué.  C’est vraiment une entreprise de libération. Nous pensons avec les autres et non par les autres ! Et nous jugeons. Mais c'est la raison qui nous permet d'avoir une pensée établie.

  Vraisemblablement, l’homme éprouverait des difficultés à penser par lui-même tant le fait d’être guidé par les autres est confortable, quitte à être aveuglé. L’homme se laisse porter, il n’a pas « l’héroïsme et la folie » de penser contre l’opinion, contre son temps, ou penser « lui » tout simplement. Comment, en ces conditions concevoir alors des possibilités de libération de l’esprit, d’affranchissement de l’opinion d’autrui ?

Comment concevoir alors des possibilités de libération de       l’esprit, d’affranchissement de l’opinion d’autrui ?

                        Doris Lessing a formé un ingénieux conseil « Pensez faux, s'il vous plaît, mais surtout pensez par vous-même. » . De nombreux écrits littéraires tendent à nous aider à concevoir, malgré les influences, des possibilités de libération de l’esprit, et de l’affranchissement de l’opinion d’autrui. Quelles sont-elles ?

1. Effort de volonté : ne pas être les autres

           Cousin a écrit, « Il est évident que si nous devons nous pouvons ». Ne lui reprochons pas son optimisme. Pour être réellement soi, nous devons donc devenir « majeurs par la pensée ». Comment, alors que l’autre exerce un véritable étau sur notre entendement, pouvons-nous y parvenir ? Cousin semble considérer que le fait de pouvoir suppose la notion de volonté. Donc penser par soi-même c’est manifester sa détermination pour avoir une identité propre à soi. Il suffirait donc de le souhaiter pour l’obtenir. Cela impliquerait un désir de distanciation vis-à-vis d’autrui, désir de se démarquer, de se distinguer. Avoir des opinions divergentes, ce qui ne signifie contradictoires, afin de ne pas être les autres. En ce cas, probablement, nous penserions par nous-mêmes, mais l’entreprise est risquée : dans notre désir de faire différent, d’être différent, ne nous en oublierions pas, nous ?

            Degré moins radical, référons-nous à Socrate, et son célèbre  « Pensée : dialogue intérieur de l’âme avec elle-même. ». Définition supposant que la pensée personnelle est un véritable travail de dialectique. Socrate invitait en ces termes chacun à une observation, une analyse de ses sentiments et de ses motivations, par lui-même : une introspection. Travail que les autobiographes ont maintes fois réalisé, ainsi transparaissait leurs pensées propres sans demi-mesure, ils étaient fidèles à eux-mêmes, ils pensaient par eux-mêmes. Chacun d’entre nous est capable d’effectuer cette analyse, ne serait-ce que par crainte de renouveler les erreurs du passé. Là encore nous pouvons penser par nous-mêmes.
            Le thème de la pensée a coutume d’être assemblé à celui du langage. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire, arrivent aisément ». Boileau. Pourquoi se fondre dans l’opinion alors que nous possédons tous les instruments pour exprimer la nôtre ? Le langage semblerait être un caractère indispensable à la pensée. Parler avec d’autres, partager nos opinions, mais ne jamais en perdre sa personnalité. Ne pas être introverti, tourné seulement vers son moi, son monde intérieur. L’homme pour exister nécessite la présence d’autrui, il a besoin de s’y confronter pour trouver dans leurs propos des éléments contredisant ses opinions et pour cela, il doit communiquer.

       « Être dans le vent, c’est avoir le destin des feuilles mortes. »  En conclusion, malgré l’aptitude que possède la pensée de pouvoir penser par elle-même, elle n’a en réalité pas l’autonomie qu’on lui attribuerait à prime abord. L’influence des préceptes inculqués que ce soit au niveau de l’éducation, de la religion, de la morale, des principes acquis par expérience ou par besoin de changement, d’efficacité font de la pensée un esprit soumis. Cependant, penser par soi-même reste ambigu, et l’on pourrait s’interroger si cela n’engendrerait pas un culte de l’individualité: Penser par soi-même, est-ce penser contre les autres, contre son temps ?
 

Date de création : 13/10/2011 • 19:54
Dernière modification : 17/10/2013 • 11:35
Catégorie : Un peu de philo
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